Le premier secrétaire des socialistes marocains vient de prononcer un important discours devant le congrès du PI qui s'est tenu le week-end dernier à Rabat. Il devait, en principe, le consacrer au retour à la normale entre son parti, l'USFP, et celui de l'Istiqlal. Or, Abderrahman Youssoufi a visé plus haut : redynamiser la Koutla. “Les élections (du 27 septembre) ont été une rude épreuve pour la Koutla” - note Youssoufi. “Ses composantes, se demande-t-il, ont-elles été à la hauteur de la situation ?”. La question, en fait, sonne comme un reproche. Pour le leader de l'USFP, si la Koutla a fait pâle figure au cours de ces dernières échéances, c'est que ses composantes ont préféré se tirer dans les pattes, au lieu d'observer un esprit unitaire. D'où un climat de tension qui a pesé lourd, très lourd sur la cohésion du bloc. Le parti de l'Istiqlal, par exemple, reproche à son frère ennemi l'USFP, d'avoir écarté la Koutla au profit de la majorité gouvernementale aux commandes avant le renvoi de Youssoufi. L'OADP, cheville ouvrière de la Gauche unifiée, met tous les autres partis dans le même sac. Pour la formation de M. Bensaïd, la Koutla a été sacrifiée au profit d'une tactique politique sans lendemain. Vint ensuite la nomination de Driss Jettou à la primature. Là-aussi, on s'accuse mutuellement. Tout récemment, Abbas El Fassi n'y est pas allé avec le dos de la cuillère pour faire porter le chapeau à l'USFP. “Si le choix s'est porté sur Driss Jettou, a déclaré Abbas El Fassi au cours d'un dîner-débat organisé par “Al Ayyam”, le mois dernier, c'est que l'USFP a choisi de faire cavalier seul”. La douleur dans l'âme, il s'est langui : “Ah si Youssoufi était resté fidèle à la Koutla”. On devine la conclusion : on n'en serait pas là ! Côté USFP, la riposte ne tarde pas. Dans un brûlot publié sur les colonnes de “Al ittihad Al Ichtiraki”, organe officiel du parti, l'USFP pointe du doigt le leader de l'Istiqlal. Le titre est très significatif : “il y a de l'héroïsme dans la mémoire, comme dans l'oubli”. Résultat : l'alternance démocratique doit attendre une autre opportunité. Ce samedi soir à Rabat, lors de la séance inaugurale du Congrès du PI, Youssoufi tente de tourner la page. “Au-delà des responsabiliés des uns et des autres, la Koutla, conclut-il, doit faire son autocritique afin d'éviter les erreurs fatales”, conformément aux “orientations de nos grands leaders, Allal El Fassi et Mehdi Ben Barka”. La référence aux pères fondateurs n'est pas que symbolique. Elle est émotionnellement politique. En effet, l'autocritique que Youssoufi appelle de ses vœux est une critique “sans colère, ni esprit de parti”. Au-delà de la symbolique, la ressemblance. En ce sens que les noms de Allal et Mehdi en rappelllent un troisième : celui de Abdallah Ibrahim, le chef du premier gouvernement politique qui a été renvoyé par le Palais… en mai 1960. Tout un symbole. Abderrahman Youssoufi - laisse entendre un responsable qui bat pavillon pour la Koutla - fait un parallèle entre l'échec de l'Alternance consensuelle et ce que Mehdi Ben Barka appelait “le coup de force blanc de mai 1960”. L'histoire se répète, en quelque sorte. Pour Youssoufi, les raisons de l'échec sont d'ordre institutionnel et constitutionnel. Ce qui revient à dire que l'USFP considère que la réforme politique et institutionnelle est de nouveau à l'ordre du jour. Plus même, elle est “en tête de l'agenda politique”. Et qui mieux que la Koutla pourrait en être le porte-étendard ? Un discours nouveau (voir article sur A. Youssoufi en page 7). Outre la Constitution, outil incontournable pour la réussite de la transition démocratique, selon Youssoufi, la résurrection de la Koutla n'échappera pas à l'air du temps. La période est aux préparatifs des élections communales. A. Youssoufi n'a pas manqué de le souligner : “les prochains rendez-vous politiques sont l'occasion pour nous de montrer que nous avons tiré les enseignements qui s'imposent”. En clair, l'USFP tend la main à son frère ennemi. Car tous les deux sont conscients que sans le couple Istiqlal-USFP, la mécanique de la Koutla sera toujours grippée. Elle ne pourrait toutefois pas non plus retrouver son rythme d'avant l'Alternance sans les autres composantes. De ce fait, ce n'est peut-être pas encore le beau fixe au sein de la Koutla, mais la belle au bois dormant semble sortir peu à peu de sa léthargie. Il est temps puisque les communales sont à ses portes.