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Du mode incantatoire au mode opératoire
Publié dans La Gazette du Maroc le 16 - 06 - 2003


Les regroupements régionaux en Méditerranée
Le blocage de la construction de l'UMA pourrait donner naissance dans la région du grand Maghreb à un espace à risque sur le triple plan politique, économique et culturel. C'est la conclusion pessimiste à laquelle parvient le Pr Michel Rousset qui retrace dans cette analyse, présentée le 23 mai 2003 devant l'Académie des Sciences d'Outre-mer, les efforts déployés par les divers partenaires européens en vue de l'intégration maghrébine. L'éminent professeur met particulièrement en exergue
le rôle de la France dans ce sens.
Dans le rapport d'information que Louis Le Pensec a présenté sur l'état d'avancement du partenariat euro-méditerranéen, on peut lire en réponse à une question d'un membre de la délégation du Sénat pour l'Union européenne sur le rôle de la France dans l'amélioration du processus de Barcelone : “notre pays peut-il être un élément plus moteur ? Il l'est déjà, et c'est ce que l'on attend compte tenu de l'importance de sa façade méditerranéenne, de son histoire et des enjeux pour la France. Hubert Védrine et Pierre Moscovici soulignent, au fil des forums, l'engagement méditerranéen de la France. Cette volonté doit passer dans les faits. Sur ce point, je suis encore en attente”.
Pour s'en tenir à la seule année 2002, il est bien vrai et sans avoir la prétention d'être exhaustif, que les réunions relatives aux différents aspects du partenariat euro-méditerranéen ont été nombreuses :
• Conférence Euro-Med à Valence, avril 2002 consacrée à la relance du processus de Barcelone et à la gestion du programme MEDA II ; cette conférence réunissait les ministres des Affaires étrangères (sauf ceux du Liban et de la Syrie) et en présence des représentants de l'UMA.
• Réunion des ministres de l'Environnement à Athènes, mars 2002
• Réunion des ministres du Commerce à Tolède, mars 2002
• Réunion des ministres de l'Industrie à Malaga, avril 2002
• Réunion des ministres de l'Energie à Tunis, mai 2002.
Il faut aussi ajouter la résolution du Parlement européen du 11 juin 2002 qui insiste sur le respect des accords d'association notamment pour tout ce qui concerne les droits de l'homme et l'Etat de droit, le rôle de l'Union européenne pour la résolution des conflits et la stabilité dans la région, en particulier en ce qui concerne le Sahara occidental, et enfin sur l'importance de la coopération régionale entre les différents pays du Maghreb.
Pour nous en tenir au seul Maghreb le seul point réellement positif réside dans la signature de l'accord d'association entre l'Union européenne et l'Algérie en avril 2002, et pour l'ensemble de la zone méditerranéenne, le renouvellement du programme MEDA II 2000-2006 et la signature de l'accord d'association avec le Liban en juin 2002. La modicité
des résultats, modicité d'autant plus impressionnante qu'on la confronte à l'importance des efforts fournis pour les atteindre, est sans doute de la responsabilité de l'ensemble des participants du Nord et du Sud à ce «partenariat euro-méditerranéen» ; mais ici je m'en tiendrai d'une part à la seule Méditerranée occidentale et d'autre part spécialement à la France et à ses partenaires maghrébins.
I) Le rôle de la France
La France peut avoir une action dans trois champs politiques du partenariat :
• Au sein de l'Union européenne.
• Dans le cadre du dialogue 5+5
• Dans le cadre des relations bilatérales.
a) Au sein du Conseil européen il est clair que la France s'est associée aux efforts engagés pour assurer la relance du processus de Barcelone qui constitue pour l'Union “un cadre essentiel et privilégié de dialogue et de coopération entre l'Union européenne et les pays des rives Sud et Est de la Méditerranée”. (Réunion des ministres des Affaires étrangères de Bruxelles 5-6 novembre 2001).
“Nouvel élan”, “priorité majeure” de la politique euro-méditerranéenne, certes. Mais concrètement les résultats se font attendre et cela sur les trois volets du processus de Barcelone : volet politique, volet commercial et des échanges, volet des relations humaines, sociales et culturelles.
• La réalisation de la “charte euro-méditerranéenne pour la paix et la sécurité” est toujours entre les mains du groupe des hauts fonctionnaires chargés de sa préparation, et on comprend aisément pourquoi son aboutissement est actuellement totalement problématique.
• Le programme MEDA a connu de nombreux retards qui ont eu pour conséquence la non-consommation d'un pourcentage très élevé des crédits qui lui étaient consacrés ; ce retard est sans doute variable selon les pays, mais il est toujours très important ; la responsabilité de cet état de fait est sans doute partagée ; la lourdeur des procédures de la commission mais aussi la difficile adaptation des administrations nationales aux exigences de celles-ci expliquent ces retards ; la redéfinition des modalités d'engagement des crédits de MEDA II, et leur nette augmentation pour la période 2000-2006, devraient apporter une satisfaction raisonnable aux partenaires de l'Union, spécialement aux partenaires maghrébins.
• Quant au volet humain, celui des relations humaines, sociales et culturelles, il n'a pas connu non plus de développement spectaculaire.
Le jeu de la France en cette affaire n'est pas aisé car les membres de l'Union n'ont pas à l'égard de la Méditerranée la même sensibilité ; sans doute peut-elle compter sur l'appui de ses voisins espagnols et italiens notamment pour défendre la carte méditerranéenne de l'Europe, mais elle doit faire pièce à ceux qui se sentent attirés de façon préférentielle par l'Est européen: la répartition des crédits consacrés aux uns et aux autres est à cet égard tout à fait caractéristique de cette concurrence : si MEDA II a obtenu 5,6 milliards d'euros pour la période 2000-2006, les pays de l'Est européen ont l'assurance de recevoir près de sept milliards d'euros alors que le rapport de population de ces pays candidats à l'Union et des pays tiers méditerranéens (PTM) est de l à plus de 2 (106,5 contre 225,7 millions d'habitants).
C'est peut-être le moment d'évoquer un récent rapport de l'Institut français des relations internationales (IFRI) dont la presse s'est fait l'écho récemment consacré au déclin démographique de l'Europe face à la démographie maghrébine qualifiée de “bombe à retardement” si le développement de l'ensemble maghrébin ne permet pas d'y faire face.
Le déclin de l'Europe qui s'inscrit dans les chiffres est inéluctable sauf si l'Europe mène activement une double politique d'ouverture:
• D'abord en s'appuyant sur le pivot que constitue l'Allemagne en direction de l'Est y compris la Russie ;
• Ensuite en direction du Sud de la Méditerranée en intégrant les partenaires méditerranéens (PTM) : le pivot de cette ouverture serait principalement la France en raison de ses liens traditionnels avec le Maghreb et le Machreq.
Le fait que le Conseil européen du 16 mai 2002 ait insisté sur l'importance vitale pour l'Union de la région méditerranéenne et réaffirmé sa détermination à développer le partenariat euro-méditerranéen, est la manifestation d'une conviction identique dont on doit toutefois souhaiter qu'elle soit suivie de réalisations concrètes. La France peut et doit y aider ; elle dispose pour cela d'une autre possibilité d'action : celle du dialogue 5+5.
b) Le dialogue 5+5
Cette rencontre rassemble les quatre pays du Sud européen plus Malte et les cinq pays de l'UMA. Elle est issue d'une initiative française au début des années quatre-vingts et se propose d'être un lieu de concertation sur les différents problèmes que rencontrent les pays de la Méditerranée occidentale.
Ces rencontres étaient tombées en désuétude depuis quelques années ; elles ont été réactivées récemment à l'initiative de la France.
La récente rencontre des ministres des Affaires étrangères des 5+5 s'est tenue à Sainte-Maxime le 10 avril 2003 ; elle faisait suite à des rencontres de même dimension réunissant les ministres des Affaires sociales en octobre 2002 à Tunis sur la question des migrations en Méditerranée occidentale, et la rencontre des présidents des assemblées parlementaires à Tripoli en février 2003.
La rencontre de Sainte-Maxime a porté sur trois thèmes principaux :
• La sécurité et la stabilité en Méditerranée occidentale
• La coopération économique et l'intégration maghrébine
• Les échanges humains et les migrations
• La sécurité et la stabilité en Méditerranée, ce thème se prolongeant par un échange de vues sur la nécessité d'une solidarité et d'une coopération étroite pour faire face au terrorisme.
Il est intéressant de noter que le ministre français des Affaires étrangères a souligné les efforts de la France pour faire admettre l'idée “d'une coopération renforcée entre l'Union européenne et les pays du Maghreb dans le cadre du processus de Barcelone ; il s'agirait notamment de la prise en charge de projets concrets et transfrontaliers qui permettraient de redynamiser le partenariat euro-méditerranéen et de favoriser l'intégration Sud-Sud”.
Dans le prolongement de ces rencontres, il est envisagé que les chefs d'Etat puissent se réunir à la fin de l'année à l'initiative de la Tunisie.
La France exerce également une influence au sein du Forum méditerranéen, créé en 1994 et qui se réunit régulièrement depuis lors pour échanger de façon informelle des vues et des opinions sur les problèmes d'intérêt commun ; ce cadre plus restreint que celui de Barcelone (27 pays), est moins contraignant et permet d'utiles clarifications des positions respectives sur les grands problèmes que rencontrent les pays de la zone. La huitième rencontre de ce type s'est tenue à Tanger en mai 2001.
c) Les relations bilatérales
Elles sont naturellement très nombreuses et très étroites même si conjointement elles peuvent être affectées par des questions plus ou moins conflictuelles. Avec le Maroc en 1990-1991, avec la Tunisie actuellement, ou encore avec l'Algérie en liaison avec les affaires de terrorisme, comme ce fut le cas également avec la Libye.
L'illustration la plus récente de ces relations est constituée par la visite du président de la République en Algérie qui témoigne de la volonté de la France de faire de ces relations “un partenariat d'exception” qui relève naturellement de l'action et de la volonté convergente des deux gouvernements : dialogue politique, partenariat économique, coopération culturelle, technique et scientifique rénovée et enfin coopération humaine favorisant la circulation des personnes.
Mais l'intensité des relations avec le Maroc n'est pas moindre, ainsi d'ailleurs qu'en témoignent les déclarations du ministre des Affaires étrangères lors du Forum de Tanger (mai 2001) pour lequel ces relations “sont en effet exceptionnelles, c'est-à-dire comparables à aucune autre pour des tas de raisons historiques, politiques, humaines, d'affinité…”.
Et l'inauguration, en décembre dernier de la place Mohammed V à Paris par les deux chefs d'Etat constitue une manifestation symbolique certes, mais totalement significative de la qualité de ces relations.
Il faut aussi relever que dans la déclaration conjointe des deux présidents à l'issue de la visite du président Chirac en Algérie, il a été affirmé que les deux pays “entendent favoriser… la construction de l'Union du Maghreb Arabe”, de même que «la solidarité entre les deux rives de la Méditerranée» à travers les enceintes de coopération régionales appropriées, en particulier le processus de Barcelone, le Forum méditerranéen et le cadre de dialogue et de concertation 5+5.
En revanche, à aucun moment, même sous forme d'allusion, il n'a été question du Sahara, alors que sans le règlement de cette affaire, les propos ci-dessus sont absolument vides de sens. Et c'est ce qui permet à de nombreux observateurs de penser que la politique de la France à l'égard du Maghreb est faite, certes, de bonnes intentions et de bonnes paroles mais ne constitue sûrement pas une action effective et donc efficace en faveur de l'intégration maghrébine dont le blocage est manifeste. Ici je laisse la parole au journaliste du Nouvel Observateur qui écrivait récemment : “il peut y avoir une grande politique arabe pour la France. Elle consisterait à aider à résoudre le conflit entre l'Algérie et le Maroc sur le Sahara, ce qui permettrait d'économiser les sommes indécentes que ces deux pays sous-développés investissent pour le maintien de leurs armées sur les frontières ; à contribuer à la constitution d'un ensemble maghrébin alors que chacune de ses composantes a plus de rapports avec la France qu'avec les deux autres pays “frères”. (Nouvel Observateur, 1-7 mai 2003).
Et cela nous amène tout naturellement à nous tourner vers les pays du Maghreb afin d'établir de façon équitable la responsabilité de l'impasse dans laquelle se trouve aujourd'hui la construction maghrébine.
II) Les responsabilités maghrébines
Il y a un peu plus d'un an (février 2002), un certain nombre de participants à la conférence générale annuelle Euromesco estimaient que l'essoufflement du processus de Barcelone “était unanimement reconnu” et que par conséquent «il fallait se tourner vers le concept de coopération sub-régionale laissant de côté l'approche globalisante de la coopération euro-méditerranéenne».
D'autres participants, en complément de cette position, ont insisté sur la nécessité de déconnecter partiellement le processus de Barcelone et l'intégration maghrébine.
“Il est donc essentiel de pouvoir avancer avec le Maghreb. Et avec le Maghreb seul, s'il le faut” (Eberhard Rhein-Le Matin Eco, 6-2-2002) afin que la dynamique de l'ancrage euro-maghrébin ne soit pas “plombée” par les conflits du Moyen-Orient.
Tout cela serait bel et bien si la construction maghrébine était en bonne voie, ce qui n'est pas le cas. Le scepticisme ambiant est en effet alimenté par la considération des réalités, trop souvent masquées par un discours aussi creux que redondant sur l'unité maghrébine.
A) Les manifestations de scepticisme
Je vais maintenant donner la parole à Assia Alaoui qui déclarait lors d'un Forum international consacré au thème : “le Maghreb et l'Europe” en avril 2002 à Tunis que “la réalité du terrain relègue le Maghreb au rang de l'utopie” ; si au regard de l'histoire le mythe Maghreb a joué un rôle mobilisateur pour les libérations nationales, force est de constater qu'il s'est brisé sur le roc des souverainetés recouvrées” (L'Opinion, 1er mai 2002, p. 8).
Elle pose par ailleurs la question de savoir si l'Europe a la volonté politique réelle de hisser le partenaire au niveau d'effectivité requis et la question complémentaire qui touche les pays du Maghreb. Sont-ils prêts à s'atteler individuellement et collectivement à leur réforme intérieure afin d'assurer les mises à niveau si nécessaires s'ils ne veulent pas être balayés par la zone de libre-échange ?
Devant un tel constat il est difficile de ne pas être pessimiste.
Sans doute au cours d'une table ronde organisée à Tunis par l'hebdomadaire tunisien “Réalités” sur le thème “Quel avenir pour le monde arabe” en avril 2003, le secrétaire général de l'UMA, Habib Boularès, estimait que “le Maghreb a devant lui une chance historique de s'affirmer”, mais cela se rattache à ce qu'autrefois le Canard enchaîné appelait “des paroles verbales”. Plus récemment les partis politiques historiques, le Rassemblement constitutionnel démocratique tunisien (RCD) qui a succédé au Néo-destour, le Front de Libération nationale (FLN), l'Istiqlal et l'Union socialiste des forces populaires (USFP) se sont retrouvés à Tanger pour commémorer leur rencontre d'avril 1958 à Tanger.
Un journaliste rendant compte de cette réunion écrit : “ne dérogeant pas au style des langues de bois veloutées, le communiqué final sanctionnant les travaux de la rencontre indique : “les idées et les principes issus de la Conférence de Tanger constituent un message propre à unifier les efforts en vue d'accomplir les missions qu'impliquent l'étape actuelle du combat mené par nos peuples”. (Aujourd'hui le Maroc, 30 avril 2003, p. 4).
Quant au Journal de Tanger (3 mai 2003, p. 7), il titre : “commémoration du 45e anniversaire de la Conférence des partis maghrébins. Pas un mot sur le Sahara marocain”.
On ne parle pas de choses qui fâchent !
B) Les réalités alimentent le scepticisme
Et tout cela rend d'autant plus émouvant les propos d'un des signataires du Manifeste de l'indépendance de janvier 1944, Abou Bakr Kadiri qui écrit : “en dépit de tout, l'esprit unitaire est encore vivace chez les représentants des peuples du Maghreb et cette flamme n'attend que le temps de rayonner encore davantage, et l'occasion pour s'exprimer et surmonter tous les obstacles qui entravent l'édification de l'Union du Maghreb Arabe”.
Et cependant, il faut bien admettre que les réalités sont de nature à alimenter le scepticisme ambiant.
Si l'on fait abstraction de la construction du gazoduc Algérie-Espagne et de son embranchement marocain, aucun projet de nature intermaghrébine n'a vu le jour depuis 1989 ; certes, des conventions ont été signées dans différents domaines, mais elles n'ont été suivies d'aucun effet, et l'on peut illustrer cela par le fait que le Maroc vient seulement de publier la convention signée à Tripoli en 1991 pour la création d'une banque maghrébine pour l'investissement et l'exportation (Dahir du 23 juillet 2002, Bulletin officiel 2003, p. 189).
On a vu plus haut que les relations commerciales entre les différents pays du Maghreb ne dépassent guère trois ou quatre pour cent du volume global de leurs échanges dont la majeure partie est orientée vers l'Europe et spécialement la France.
Alors qu'y a-t-il de nouveau par rapport à 1997 où l'on pouvait lire le titre d'un article du journal Le Monde : “le Maghreb sans dynamique régionale. L'Algérie, le Maroc et la Tunisie, bien que membres de la même union (UMA) ont des échanges très limités” (Le Monde, 2 décembre 1997).
Les grands projets structurants dont l'UMA avait d'ailleurs hérité du Comité permanent consultatif maghrébin, notamment dans le domaine des transports intramaghrébins (autoroute, chemins de fer, compagnie aérienne), sont toujours à l'état de projets !
Et ce désert de l'unité du Maghreb ne peut être masqué par la partie de domino de la Tunisie et du Maroc qui ont réactivé leurs relations et remis en marche la grande commission tuniso-marocaine, ou le jeu de saute-mouton qu'illustre la déclaration d'Agadir aux termes de laquelle les signataires s'engagent, avec la bénédiction de la France et de l'Union européenne, à créer une zone de libre-échange à laquelle ne participent ni la Mauritanie, ni l'Algérie, ni la Libye. Il est clair qu'il ne s'agit là que d'un palliatif au blocage de l'intégration maghrébine que d'aucuns pensent pouvoir surmonter par des manipulations institutionnelles. La paralysie des institutions maghrébines, et notamment l'ajournement du sommet de l'UMA qui devait réunir les chefs d'Etat en juin 2002, a donné à penser à certains “responsables ” algériens et tunisiens que la remise en route de la machine UMA dépendait d'une réforme de ses institutions ; le sophisme sous-jacent de cette problématique est le suivant : puisque l'article 6 du traité de Marrakech dispose que : “le Conseil présidentiel est seul habilité à prendre les décisions. Ces décisions sont prises à l'unanimité”, il suffit de réformer cette disposition pour que l'UMA puisse être réactivée, autant dire que cela s'apparente au remède qui consiste à casser le thermomètre pour avoir raison de la fièvre!
Et c'est naturellement cela qu'évoquait le secrétaire général de l'UMA, Habib Boularès, lorsqu'il déclarait en avril dernier : “si les chefs d'Etat donnent à ses structures (celles de l'UMA) l'impulsion nécessaire, l'UMA peut faire très vite des pas décisifs non seulement vers l'intégration, mais également vers la consolidation des rapports avec l'Union européenne et l'Afrique subsaharienne…” CQFD ! ! !
Une fois de plus il faut redire que le seul obstacle sur la voie de l'unité du Maghreb “c'est le non-respect algérien des clauses du traité de Marrakech appelant au respect de l'intégrité territoriale des pays membres”.
C'est d'ailleurs, en ce sens que se prononcent à la fois un hiérarque de l'armée algérienne, le général Nezzar, et surtout le militant nationaliste et politique algérien que l'on ne peut soupçonner de menées anti-algériennes, Hossine Aït Ahmed, pour lequel “il faut en finir avec le problème du Sahara”.
Pour l'heure et malgré quelques “frémissements diplomatiques”, la frontière algéro-marocaine, fermée depuis 1994, n'est toujours pas réouverte. Et si l'on invoque dans les trois capitales la volonté populaire de réaliser l'unité du Maghreb en nous assénant des vérités intangibles : unité de langue, unité de religion, unité de lutte contre le colonisateur et mezzo vocce, unité d'origine arabo-berbère, l'unité du Maghreb reste toujours dans les cartons des chancelleries.
Tant que l'Algérie sera gouvernée par ceux-là mêmes qui, sous la direction de Houari Boumediène, ont créé de toutes pièces cette pomme de discorde algéro-marocaine, il n'y aura pas d'unité maghrébine.
Du côté des partis politiques, ou de la société civile, il en est de même ; le thème de l'unité maghrébine ne franchit pas le seuil de la logomachie des meetings pré ou post-électoraux. Si l'on est capable de mobiliser les foules dans de grandes manifestations pour Al Qods et le peuple palestinien, pour la défense du peuple irakien ou bien encore pour ou contre les droits de la femme, jamais n'a été organisée dans aucune capitale maghrébine une grande manifestation populaire réclamant l'unité du Maghreb !
Alors que cette question, plus que beaucoup d'autres, est vitale pour les citoyens maghrébins.
Ma conclusion sera simple
et brève
Il y a quelques années, lors d'un colloque organisé à Tétouan par le Groupe d'études et de recherches sur la Méditerranée (GERM) consacré au thème : “Perspectives euro-méditerranéennes et coût du non-Maghreb” (Annuaire de la Méditerranée, GERM et Publisud, 1998, p. 91 à 338), il m'était apparu que le non-Maghreb pouvait donner naissance à un espace à risque sur le triple plan politique, économique et culturel. Je crois que ce danger est plus menaçant que jamais, et c'est sans doute ce danger que redoute Habib Boularès, le secrétaire général de l'UMA lorsqu'il déclare que si les responsables de l'organisation ne saisissent pas la chance historique qui se présente à eux de la remettre en route, le Maghreb risque de sombrer dans le chaos.
Ce cri d'alarme sera-t-il entendu ? L'appel lancé par la France et l'Espagne lors de la rencontre des 5+5 en février dernier, pour un règlement réaliste et durable de la question du Sahara dont tout le monde sait qu'elle constitue la condition de la réalisation de l'intégration maghrébine, sera-t-il suivi d'effet ? Il est difficile de le dire ; mais en tout cas il faut non seulement l'espérer mais aussi le souhaiter pour l'avenir des peuples du Maghreb.
NB – Les sources documentaires utilisées pour ce qui concerne les documents d'origine française (rapports parlementaires, documents diplomatiques), ou provenant de l'Union européenne, m'ont été fournies grâce à l'obligeance du professeur Jean-François Guilhaudis au Centre d'études de défense et de sécurité internationale de l'Université de Grenoble 2 (CEDS) et de son collaborateur
J.-L. Bouville que je tiens à remercier.
* Président honoraire de l'Université des sciences sociales de Grenoble
Tant que l'Algérie sera gouvernée par ceux-là mêmes qui, sous la direction de Houari Boumediène, ont créé de toutes pièces cette pomme de discorde algéro-marocaine, il n'y aura pas d'unité maghrébine.


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