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Contre le mauvais sort : “Sid El Yabouri, sauvez-moi…”
Publié dans La Gazette du Maroc le 20 - 10 - 2003

Une procession d'hommes et surtout de femmes, jeunes et moins jeunes, venus de toutes les contrées du Royaume invoquer le saint patron de la localité. Tous se plaignent des malheurs qui les accablent ou les mauvais sorts que leur ont jetés des âmes malveillantes… D'autres, par contre, mettent leurs afflictions sur le compte de personnes jalouses en mal de vengeance. Face à ces calamités, “Sid El Yabouri” ce marabout de Rabat semble être une lueur d'espoir après avoir frappé à toutes les portes… Une lueur chimérique…
Kabira est âgée de 30 ans. Elle est titulaire d'une maîtrise en droit public. Pourtant, jusqu'à maintenant, elle n'a encore trouvé ni travail ni mari. Mais elle, elle sait pourquoi. Elle est persuadée qu'on lui a mis de “laâkasse” et de “tâbaâ”, ce qui veut dire en langage sorcier un sort qu'on jette aux jeunes filles pour leur porter malchance dans tout ce qu'elles entreprennent et surtout pour les empêcher de se marier. Néanmoins, Kabira n'est pas la seule à le croire. Selon sa sœur, sa famille y croit aussi, et dur comme fer! D'ailleurs, ses proches pensent tous qu'ils ont été victimes du même “sort” qui “apparemment a été jeté devant la porte de la maison” explique Fatima, la sœur de Kabira. C'est pour cette raison qu'ils ont décidé de faire tout le trajet de Fès jusqu'à Rabat pour venir visiter “Sid El Yabouri”, car aujourd'hui est un jour spécial. C'est le mercredi, le jour de la visite ( ziyara) . Chaque mercredi, des femmes et des hommes de différentes tranches d'âge, de couches sociales et de niveaux intellectuels différents, viennent des quatre coins du pays pour avoir “la baraka” de ce Marabout. La sépulture étant en plein cimetière de Rabat en face de la plage, les visiteurs n'hésitent pas à marcher sur les tombes, à descendre dans le fossé pour raccourcir le chemin. Des visages tristes sur lesquels le temps a laissé ses traces, et des corps fatigués qui se précipitent seuls ou en petits groupes et n'attendent que le moment pour se laisser tomber par terre ou sur une tombe.
Des histoires…
En attendant leur tour pour “visiter”, les femmes forment des petits cercles et commencent à raconter leurs histoires, des histoires qui dépassent parfois la raison. Les lutins, les esprits reviennent le plus souvent dans les conversations. On parle de mariage de certains “djinns” avec des “humains”, de “djinns” musulmans et d'autres impies, de personnes possédées par les djinns. Pourtant tout le monde évite d'évoquer le mot “démon” directement. Les femmes préfèrent les appeler plutôt “hadouk li maytsamaouch” (ceux qui n'ont pas de noms) ou encore “hadouk bissmi Allah rahmani rahim” vu que “s'ils entendent prononcer leurs noms ils peuvent venir pour se venger”, affirme Hadda, une sexagénaire originaire de Salé. Elle continue mais à voix basse cette fois: “ils sont partout et ils guettent nos moindres gestes”. Hadda est venue pour se soigner dans ce marabout. Elle est convaincue qu'elle est possédée par un djinn méchant et c'est ce qui lui cause d'ailleurs de si graves problèmes de santé. Cette fois, elle est décidée. Elle va se faire exorciser à “Sid El Yabouri”. Juste à côté d'elle, Naïma s'est assise par terre. Mariée depuis quatre ans, cette jeune femme à qui vient le tour à présent d'exposer son problème, commence à parler avec une telle familiarité qu'on finit par croire à un certain moment qu'elle connaît chacune des personnes présentes et depuis longtemps. Ses paroles attirent l'attention de toutes les femmes. Un silence de mort s'installe. On lui prête l'oreille. Naïma raconte : “Tout allait bien au départ, et jusqu'à présent je m'entends très bien avec mon mari. Mon problème c'est que j'ai été enceinte quatre fois et à chaque fois je faisais une fausse couche. On m'a dit à l'hôpital que j'ai une infection de l'utérus et que je pouvais guérir, mais cela fait trois ans déjà que je me soigne sans résultat. Je crois qu'il ne s'agit pas de maladie mais d'un “Shour” (sortilège). Car j'ai trouvé un jour, un papier jaune mis dans un morceau de tissu sur lequel des tableaux étaient tracés accompagnés d'une écriture bizarre ! Après mon mariage même mes belles-sœurs qui m'appréciaient beaucoup ont commencé à me détester petit à petit. Je suis persuadée aujourd'hui que quelqu'un m'a jeté un sort pour me ruiner la vie… ” Les femmes autour de Naïma hochent la tête en signe d'approbation en chuchotant un “lah yastar” (que Dieu nous préserve)…Le petit groupe commence à se disperser doucement. Ces femmes et ces hommes réunis pour bavarder sont en train d'attendre, en fait, chacun son tour, pour pouvoir accéder à l'enceinte de “Sid El Yabouri”. En effet, ce marabout connaît un grand afflux de visiteurs surtout le mercredi, ce qui rend la visite difficile, voire impossible. La seule façon d'y accéder est d'être parmi les premiers arrivés. La première étape de la visite consiste à se baigner dans le “puits” ou le hammam. C'est là où le saint faisait ses ablutions. Les jeunes femmes attendent avec impatience leur tour pour pouvoir se laver avec cette eau bénite qui chasse la malédiction et apporte le “saâd” (la chance). Après la douche froide, le moment tant attendu arrive. Il est temps à présent d'accéder au sanctuaire où a été enterré “Sid El Yabouri”. Une petite pièce obscure au milieu de laquelle est située la sépulture du marabout qui a été couverte d'un large drap vert et d'où émane une forte odeur d'encens. Les femmes commencent à tourner autour du tombeau en murmurant quelques mots dont la plupart sont incompréhensibles comme s'ils appartenaient à un autre langage que celui des humains. “C'est la langue des djinns qui possèdent ces femmes”, nous explique le gardien du marabout…
Lalla Aïcha, la djinnia
En quittant le mausolée, les femmes se divisent en deux groupes. Le premier se dirige vers un petit bout de terrain entouré de quelques briques. C'est “le siège” de Lalla Aïcha. Une djinnia musulmane, pieuse, capable d'exaucer les rêves de celui ou celle qui la sollicite à condition d'effectuer le “Tlab Taslime” (croire en elle et en ses pouvoirs). A côté du “lieu de l'existence de cet esprit invisible” une très vieille femme s'est assise sur une tombe, là où les gens se sont habitués à la retrouver chaque jour depuis vingt ans. Elle était en train de discuter avec Salh ou “Lbouhali” comme la plupart le surnomme. Un homme barbu aux yeux maquillés en noir installé à “Sid El Yabouri” depuis 1966 déjà. Sa présence dans ce mausolée est due à un rêve qu'il avait fait il y a 37 ans et dans lequel un saint l'invitait à visiter Sid El Yabouri. Salh raconte que “Lalla Aïcha” existe vraiment car il l'a vue un jour. Il se rappelle que c'était une nuit très sombre et qu à 2 heures du matin une jeune fille de 16 ans, d'une beauté irrésistible, est venue le saluer. Lorsqu'il a voulu voir ses pieds, elle les a cachés derrière une tombe parce qu' elle n'avait pas de jambes mais des pattes ! Une histoire appuyée par la sexagénaire qui était assise à côté de lui. Cette femme au visage creusé par les rides et au teint bronzé à cause des rayons de soleil auxquels elle s'expose chaque jour, se dit la gardienne que Lalla Aïcha a désignée pour garder son “siège” ! Depuis son arrivée, elle a fait de la vente du henné et du citron son métier. Un métier qui l'aide en quelque sorte à faire face aux aléas de la vie. Dès qu'elle voit les femmes sortir du mausolée, elle leur tend des bols de lait sans même leur laisser le temps de parler. “Impossible de refuser la baraka de Lalla Aïcha”, s'exclame-t-elle. Les femmes laissent sur le terrain entouré de briques des olives noires, des dattes, du pain sans sel “car les djinns ne mangent pas de sel” explique-t-elle. Certaines d'entre elles allument des bougies et prient doucement. Etant en pleine explication, la vendeuse de henné semblait être dérangée par la présence d'un homme qui était debout non loin d'elle et qui était en train de grogner tout seul. On apprend que c'est l'un des petits fils de ce saint. Pour lui, les djinns n'existent que dans l'imaginaire de ces femmes trop naïves et prêtes à tout croire et à tout faire pour que les choses aillent mieux pour elles. Il raconte en protestant : “Sid El Yabouri est venu de l'Andalousie en tant que combattant. Il s'est installé à Chellah où il a étudié “la science”. C'est vrai qu'il faisait ses ablutions avec l'eau du puits (et il ajoute en colère cette fois) mais il n'y avait ni cette “Lalla Aïcha” ni ce canon qu'elles sont en train de sacraliser. J'ai beau essayer de les chasser (et il montre de l' index la “gardienne” de “Lalla Aïcha” et du canon) mais en vain. Elles corrompent les agents de police pour rester…cela ne fait que salir la réputation de ce saint, c'est de la véritable sorcellerie ! Normal, c'est un résultat logique de l'ignorance des gens” conclut-il. En effet, la vendeuse de henné n'est pas la seule à faire le “job” de gardienne, d'autres le font aussi mais de l'autre côté du marabout…
Le canon de Sid El Yabouri
Deux vieilles femmes se sont installées à côté de la carcasse d'un canon. Elles aussi vendent du henné mais elles ont une autre fonction : elles indiquent aux femmes comment se bénir par le canon. C'est la dernière étape de la visite. C'est celle où il faut aussi piétiner le citron. Néanmoins, la visite du canon ne peut se faire que si la personne est déjà venue visiter le marabout trois après-midi en trois mercredis successifs, pour avoir le droit de toucher le canon de Sid El Yabouri. “Le canon qui a existé depuis la nuit des temps!” explique l'une des gardiennes. Les rituels consistent à prendre le henné et à le passer sur le canon puis laisser les empreintes des mains sur le mur d'en face et s'orienter vers la Mecque pour enfin piétiner le citron jusqu'à ce qu'il explose et le jeter derrière. Ainsi, le citron jeté accumule toute la malchance, la malédiction et le mauvais sort. Une fois cette étape achevée, les femmes commencent à lancer des “youyous” de joie. Des rires se font entendre de plus en plus. Les femmes sont heureuses, elles se croient libérées ou plutôt nouvellement nées…


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