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Les Subsahariens dans la littérature
Publié dans La Gazette du Maroc le 01 - 12 - 2003

L'immigration clandestine et les intellectuels marocains
Boubkeur El Kouche est écrivain à Tanger. Il connaît bien la géographie secrète de cette ville située au carrefour des continents. Il y a un an,
il a raconté dans son roman “Une saison au paradis” les désillusions des harragas et la vie qu'ils menaient dans le Nord du Maroc avant de tenter l'aventure de la traversée. Les Subsahariens font désormais partie de l'imaginaire de Tanger et du Maroc en général. Matière à réflexion et matière poétique tout court.
La Gazette du Maroc : pendant les années cinquante, on le sait, Tanger a exercé une grande fascination sur les Américains. La dream city a représenté une terre d'accueil pour un nombre impressionnant de visiteurs en quête d'un ailleurs paisible. Comment expliquez-vous que la ville soit devenue, depuis une quinzaine d'années, un lieu de passage pour des milliers de Subsahariens ?
Boubkeur El Kouche : pour les laissés-pour-compte de l'Afrique qui veulent échapper à la misère, à la sécheresse ou aux guerres civiles qui sévissent dans leur pays, Tanger est une cité de transit où il fait bon vivre et le lieu le plus approprié pour partir à la recherche d'une vie meilleure. Vue des bidonvilles du fin fond de l'Afrique, la traversée du détroit de Gibraltar est à la portée de n'importe quelle personne qui a de l'argent, qui fait preuve d'un peu de patience et qui a du courage. Il suffit de trouver un rabatteur qui connaît les combines, de payer un convoyeur et de grimper dans une barque pour atteindre la Terre promise.
Cela suffit-il pour expliquer la présence à Tanger d'un nombre incalculable de candidats à l'émigration clandestine ?
Non, bien sûr. Je crois que c'est surtout l'impossibilité d'obtenir un visa en bonne et due forme qui oblige les déshérités du Maghreb et d'Afrique à venir jusqu'ici pour essayer de s'en sortir par des moyens illégaux. Après l'instauration du visa par l'Espagne, en 1991, cette solution est devenue, pour ainsi dire, la seule issue de secours. Cela explique en grande partie la raison pour laquelle on vient d'un peu partout pour tenter sa chance. Depuis cette date, la ville accueille de plus en plus de Subsahariens qui aspirent à une autre vie. Ils y séjournent quelques semaines, quelques mois, voire quelques années en attendant de se lancer dans leur périlleuse aventure. On en voit beaucoup qui errent dans les rues de la ville, surtout pendant la mauvaise saison, avant de disparaître de la circulation. Leur présence crève les yeux ! C'est pourquoi ils tiennent une place importante dans mon roman que j'ai écrit pour décrire une situation intolérable : le drame des harragas qui se produit tous les jours dans l'indifférence presque totale de tous. Mais qui pourrait stopper l'hémorragie ?
Pourquoi avoir écrit “Une Saison au paradis ?”
C'est à cause d'une découverte macabre. Un matin, je faisais mon footing au bord de la plage, à quelques pas du casino. Soudain, j'ai vu le corps d'un Subsaharien d'une vingtaine d'années qui avait été rejeté par les vagues. J'ai été littéralement horrifié par le décès du jeune homme. J'ai pensé à ses parents qui croyaient probablement qu'il avait réussi la traversée du détroit et je n'ai pas pu m'empêcher d'imaginer leur tristesse le jour où ils allaient recevoir son cercueil plombé. Je suis rentré chez moi et j'ai griffonné à la hâte, sur une feuille de papier, ce que j'avais vu. Ce premier jet avait la sécheresse objective d'une dépêche de la MAP. Je l'ai repris par la suite pour l'insérer dans la trame du roman. La scène est racontée dans les moindres détails dans le livre. “Une Saison au paradis” raconte aussi l'histoire de deux compères qui ne sont pas allés au-delà de Ceuta ainsi que les dérives de plusieurs personnages qui ont réussi à atteindre l'autre rive. Mais le roman ne se limite pas aux frustrations des jeunes paumés qui rêvent de partir à la conquête de l'Eldorado, à la descente aux enfers de ceux qui ont été surpris par les eaux froides du détroit et aux désillusions de ceux qui ont réussi à franchir le Rubicon. Il livre également de gros plans sur les parvenus, les faux dévots, les arrivistes...
Quelles ont été vos sources d'inspiration ?
La rubrique des faits divers de journaux locaux et nationaux ainsi que les histoires que j'ai entendues, celles des jeunes en détresse que j'ai eu l'occasion de rencontrer ou d'apercevoir ici et à l'étranger. Bien sûr, j'ai composé mes personnages de telle sorte que les personnes en question ne puissent pas se reconnaître. Ils sont la somme de plusieurs personnes que j'avais observées.
En ce qui concerne les Subsahariens, j'ai recueilli leurs témoignages. C'est le cas plus particulièrement du Nigérian dont je parle (il mendiait aux abords d'une station-service) et de quelques autres qui avaient passé clandestinement plusieurs mois en Europe, qui avaient été arrêtés lors d'un contrôle d'identité et qui ont été refoulés.
Vous ont-ils fait part de leurs déboires en Europe ?
Evidemment. Après quelques minutes de conversation et en échange d'une petite somme d'argent, j'ai pu apprendre des choses incroyables. C'est grâce à leurs confidences que j'ai su que ceux qui n'avaient pas eu de chance et qui avaient été appréhendés par La Guardia civil n'avaient connu de l'Espagne que ses centres de rétention. Le camp où ils avaient été parqués comme du bétail et qu'ils m'ont décrit ressemble à s'y méprendre à un univers carcéral. Quant à ceux qui avaient échappé aux mailles du filet, ils avaient trimé comme des forçats dans des fermes à la merci des négriers. Ils m'ont dit qu'ils avaient cueilli des tomates sous des serres plus de dix heures par jour et qu'il leur était strictement interdit de quitter leur baraquement après leur longue et rude journée de travail. Ils m'ont dit que le sort des filles pas trop moches n'était pas plus enviable parce qu'elles étaient obligées de se prostituer pour gagner leur ticket d'admission au paradis. Ils m'ont dit que le sud de l'Andalousie était un marché aux esclaves.J'ai raconté tout cela dans le roman, sans fioritures, mais avec une pointe d'humour.
Son titre est, de ce point de vue, trompeur. A l'exception du journaliste qui est un exemple de réussite et d'intégration, tous les personnages rencontrent des difficultés insurmontables et se retrouvent en situation d'échec. Vous êtes d'accord avec moi ?
Vous avez entièrement raison. En fait, j'ai agi par antiphrase comme Emile Zola qui avait intitulé «La Joie de vivre» le plus sombre de ses romans. Tout compte fait, pour tous les jeunes paumés qui débarquent de façon illégale en Europe, autrement dit qui n'ont pas de titre de séjour valable, un logement et un travail stables, c'est l'enfer. Ils croyaient pouvoir trouver l'image resplendissante de l'Eldorado de l'autre côté du détroit -celui qu'ils caressaient sur les écrans de leur télé- et découvrent en définitive un monde très dur et sans pitié. J'ai voulu montrer aux candidats potentiels à l'émigration clandestine que l'Europe n'est pas du tout un paradis pour les gens sans papiers et les empêcher de suivre aveuglément des passeurs sans scrupule qui profitent de leur malheur pour se remplir les poches et qui les conduisent à une mort presque certaine.
Certains Subsahariens en partance pour le soi-disant Eldorado séjournent dans cette ville pendant plusieurs mois. Comment sont-ils perçus par la population ?
La plupart du temps comme des fantômes. Il y a des gens qui les traitent avec un certain mépris et qui prétendent qu'on ne peut pas leur trouver un emploi et les intégrer. De fait, ils ne viennent pas ici pour s'installer définitivement. Tanger n'est pour eux qu'un lieu de transit. La concentration trop grande de va-nu-pieds dans certains quartiers engendre quelquefois des réactions d'hostilité. D'aucuns craignent une augmentation de la délinquance et ils trouvent les “gueux” d'Afrique noire plutôt encombrants. D'autant qu'ils grossissent démesurément les rangs des diplômés chômeurs. Ceci étant dit, ils ne sont pas franchement rejetés par la plus grande partie de la population. Les gens les aident, surtout pendant le mois sacré du Ramadan. Il faut souligner que les Tangérois se situent aux antipodes des Européens frileux qui se sont verrouillés pour se protéger de la “horde des miséreux”. Mon souhait est que les Tangérois se montrent encore plus hospitaliers à l'endroit des ressortissants d'Afrique noire. Mais le danger c'est que Tanger est devenu une pompe aspirante pour ces oiseaux migrateurs. Quoi qu'il en soit, il faudrait que la ville dispose de plus de moyens financiers. Il va sans dire qu'un accueil plus digne des Subsahariens suppose, au préalable, une coopération internationale en matière d'immigration de grande envergure.
Dans votre ouvrage “Regarde, voici Tanger”, que vous avez sous-titré “Mémoire écrite de Tanger depuis 1800”, est une anthologie de textes consacrés à cette cité par des aventuriers, des diplomates, des peintres et des écrivains occidentaux et marocains. L'ouvrage réunit des morceaux choisis de cinquante-deux auteurs étrangers qui y ont séjourné depuis le début du XIXe siècle. Dans quel but avez-vous
réalisé cet essai ?
Un examen attentif des extraits permet, en effet, de découvrir que les écrivains occidentaux du XIXe siècle ont largement contribué à la propagation de stéréotypes d'une époque révolue. La plupart d'entre eux ont façonné l'image d'une ville déroutante et redoutable. René Caillié, Charles Didier et Alexandre Dumas, pour ne citer que trois écrivains français parmi les plus connus, ont représenté les Arabes comme une horde de sauvages. C'était, bien sûr, le discours convenu qu'il fallait tenir à l'endroit des “indigènes”. Quant à ceux qui ont débarqué à Tanger au cours de la première moitié du XXe siècle, ils en ont donné les images d'une ville-canaille, d'une cité interlope, d'un lieu de contrebande ou d'un refuge pour les aventuriers. Toutefois, les écrivains qui fuyaient l'American way of life (notamment Truman Capote et Allen Ginsberg) ont découvert une ville internationale et cosmopolite qui les a charmés et l'ont décrite comme une ville de rêve.


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