Nouvelle logique sur la question du Sahara marocain Thomas T. Riley, ambassadeur des Etats-Unis d'Amérique au Maroc : Thomas T.Riley, a exprimé sa fierté de servir son pays en tant qu'ambassadeur au Maroc au moment où le Maroc et les USA approfondissent leurs relations bilatérales et se préparent à bénéficier ensemble de l'accord de libre-échange. Le diplomate américain, s'est engagé à renforcer les relations étroites entre les deux pays en soulignant la place privilégiée du Royaume, un partenaire ami " bicentenaire " et un allié stratégique de la première puissance mondiale. Cette dernière s'inscrit, aujourd'hui, dans une nouvelle logique sur la question du Sahara Marocain en aidant à la recherche d'une solution politique, équitable et définitive du conflit sous l'égide des Nations Unis, mais à travers un dialogue direct entre l'Algérie et le Maroc. La Gazette du Maroc : cela fait plus d'un quart de siècle que le Maroc déploie des efforts ininterrompus en vue de la libération de tous les prisonniers de guerre marocains détenus à Tindouf en territoire algérien. Pour quelles raisons les Etats-Unis d'Amérique ont tenu à intervenir directement dans le dénouement de ce contentieux épineux? Thomas T. Riley : à vrai dire, c'est le fruit des résultats des efforts appréciables déployés par le gouvernement et la société civile au Maroc, y compris la presse, dont les pressions se sont avérées concluantes en aboutissant à la libération définitive des derniers prisonniers marocains à Tindouf. Dernièrement, une délégation d'anciens prisonniers marocains à Tindouf, qui ont été déjà libérés, s'est rendue à Washington pour sensibiliser les responsables américains sur la situation de leurs concitoyens encore détenus en Algérie. Après avoir rencontré, notamment, le sénateur John Mc Cain, ils ont donné une conférence de presse pour accroître la pression de la société civile et faire toute la vérité sur cette affaire. La libération des 404 soldats marocains prisonniers est une première en ce sens que le nombre des détenus libérés comprend la totalité des prisonniers de guerre. Cette initiative se démarque des anciennes pratiques qui se contentaient de libérer les prisonniers par tranches successives avec un calendrier étalé sur plusieurs années. Comme à chaque fois, on ne libérait que des petits groupes composés entre 40 et 100 prisonniers seulement là, il a fallu envoyer une haute personnalité américaine chargée de la supervision. C'est alors que le président Georges Bush a désigné le sénateur Richard Green Lugar auquel revient le succès de l'opération. On peut dire que c'est une supervision américaine pour aider nos amis, et notamment le Maroc, qui est un grand ami des Etats-Unis depuis longtemps. C'est un moment historique de voir les prisonniers marocains libres. L.G.M : quels sont les centres d'intérêts régionaux des Etats-Unis d'Amérique qui ont initié la dernière tournée du sénateur Richard G. Lugar dans la région du Maghreb arabe ? T.T.R : le sénateur Richard G. Lugar a commencé sa tournée dans la région du Maghreb arabe par l'Algérie pour régler ce dossier, avant de se rendre ensuite au Maroc et en Libye. A vrai dire, il y a beaucoup d'intérêts américains dans la région du Maghreb, compte-tenu de l'amitié qui lie les Etats-Unis d'Amérique aux pays de la région. Nous suivons avec beaucoup d'attention la situation dans le Maghreb et au Maroc où, comme vous le savez, Sa Majesté Le Roi Mohammed VI a entamé des réformes dans différents secteurs, comme la Moudouwana (code de la Famille), qui est une décision courageuse. Nous espérons aussi que le Royaume connaisse une très bonne croissance économique, ainsi que pour l'ensemble de la région maghrébine. Nous espérons également la réouverture des frontières entre le Maroc et l'Algérie et l'amélioration de la situation du Sahara en mettant fin aux problèmes actuels. L.G.M : existe-t-il une coopération entre les USA et le Maroc dans le domaine de la lutte contre le terrorisme et pour la préservation de la paix et de la stabilité dans le Maghreb arabe ? T.T.R : effectivement, la coopération entre les Etats-Unis d'Amérique et le Royaume du Maroc dans le domaine de la lutte anti-terroriste est excellente. Il existe plusieurs façons de coopérer, comme l'échange des renseignements concernant les membres des groupes terroristes et sur les mouvements terroristes en général. D'autres domaines de coopération sont mis en oeuvre, comme l'organisation des stages de formation dans la lutte anti-terroriste dont bénéficient les cadres marocains, surtout les services de sécurité et de sûreté. Le terrorisme est un phénomène international difficile à localiser. Le plus important est de continuer cette coopération. Le Maroc a déjà fait beaucoup d'efforts dans la lutte contre le terrorisme. c'est un de nos meilleurs partenaires des plus actifs pour faire face à ce fléau. L.G.M : quel sera l'impact de l'accord de libre échange conclu entre le Maroc et les Etats-Unis, notamment au niveau des échanges commerciaux, et dont l'entrée en vigueur est annoncée pour l'année 2006? T.T.R : notre objectif est d'élargir les secteurs de coopération économique et commerciale entre nos deux pays. Nous allons assister à une augmentation des investissements américains dans le Royaume qui commenceront à affluer dès l'entrée en vigueur de l'accord de libre-échange conclu entre le Maroc et les Etats-Unis. Ce qui n'a pas empêché l'implantation au Maroc de sociétés américaines bien avant la signature de cet accord. Et, aujourd'hui, ces compagnies ont augmenté leurs volumes d'investissements au Maroc. En terme d'échanges commerciaux, le volume global des exportations et des importations se situe autour de 1 milliard de dollars, un seuil relativement modeste, bien sûr qui est appelé à se développer davantage si nous nous appliquons à diversifier les produits et les secteurs d'échange. Le secteur agroalimentaire marocain peut exporter vers les Etats-Unis tandis que les Américains peuvent exporter, à bon prix vers le Maroc, le maïs qui sert à l'élevage et qui est utilisé dans les produits laitiers. Certainement, Les Etats-Unis d'Amérique et le Maroc vont bénéficier ensemble de l'application de l'accord de libre-échange, notamment par l'accroissement des échanges commerciaux et l'augmentation des investissements américains dans le Royaume. En outre, Il y aura de nouvelles sociétés américaines qui s'installeront au Maroc, ou des compagnies spécialisées dans la fabrication des produits destinés à l'export vers l'Europe. C'est une opportunité pour nous Américains et pour vous Marocains, un partenariat gagnant gagnant. L.G.M : comment évaluez-vous le bilan de la coopération bilatérale depuis que votre entrée en fonction en qualité d'ambassadeur des Etats-Unis au Maroc ? T.T.R : nos domaines de coopération sont multiples et variés, que ce soit dans l'économie, le commerce, l'éducation et autres secteurs d'intérêt commun. Nos deux pays ont participé conjointement à des exercices militaires. Nous offrons des stages de formation pour les Marocains et nous avons un programme d'échanges d'étudiants universitaires. Nous avons offert la possibilité aux étudiants marocains de faire connaissance avec la culture et le mode de vie de la société américaine. Nos relations sont excellentes sur plusieurs volets et iront en se renforçant et en se diversifiant davantage. L.G.M : quel est votre stratégie pour développer les relations bilatérales à tous les niveaux ? T.T.R : nous mettons en œuvre des programmes d'assistance encadrés et financés par l'USAID. Nous avons lancé notre programme d'un montant de 100 millions de dollars pour les 5 prochaines années intéressant divers secteurs. Nous continuons cet effort de coopération bilétarale avec les perspectives que laissent entrevoir le " Millennium Challenge Corporation " qui est un programme différent de celui de l'USAID. Le " Millennium Challenge Corporation " est différent, c'est un pari sur le changement interne avec des idées et des programmes locaux établis par le pays même, au lieu d'exporter des programmes qui ont été conçus aux Etats-Unis. Mais les Etats-Unis peuvent contribuer avec des idées ou des consultations à la demande de nos partenaires. Actuellement, nous travaillons ensemble avec la primature et plusieurs ministères pour les aider au développement du Maroc. L.G.M : que pensez-vous de l'Initiative Royale pour le développement humain (INDH) décrétée par le Souverain dans son discours du 18 mai dernier? T.T.R : c'est une Initiative extraordinaire. Je pense personnellement que pour remporter ce challenge, outre les opportunités économiques, c'est dans les citoyens que devra s'effectuer l'investissement le plus important. Je sais que près de la moitié des Marocains sont analphabètes et que presque 50 % des citoyens vivent dans le milieu rural. C'est pour cela que Sa Majesté a voulu investir dans la promotion et la dignité de l'être humain. Ce plan de développement humain sert à donner beaucoup d'importance à l'éducation, de donner les opportunités aux jeunes et aux femmes, de créer de l'infrastructure et de construire des routes. Dans les 5 ou 10 années qui viennent, on verra un avenir plein d'opportunités pour tous les Marocains. Je suis tout à fait d'accord avec Sa Majesté le Roi Mohammed VI.