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L'Etat et la corruption
Publié dans Lakome le 20 - 12 - 2012

Depuis l'avènement du nouveau gouvernement, et après une année de contestation par excellence, le sujet de la lutte contre la corruption est sur toutes les langues. Que faut-il espérer ?
Mise en avant par le Parti justice et développement (PJD) dans son programme électoral, la lutte contre la corruption suscite l'intérêt croissant de la population mais ne satisfait pas les acteurs qui oeuvrent en pratique à la réduction de ce fléau. L'un deux, Transparency Maroc, dresse un bilan noir un an après l'accession des islamistes du PJD au gouvernement. Dans une lettre adressée au Premier ministre, Abdelilah Benkirane, l'ONG anti-corruption déplore que «les structures et les lobbies qui profitent de la corruption, de l'économie de rente et de l'ensemble des privilèges, tiennent toujours leurs positions au sein même des centres de décision, faisant obstacle à toute réforme visant à construire une société fondée sur les valeurs d'intégrité et d'égalité».
Et pourtant, on assiste à une multiplication des procès de lutte contre la corruption, et les actions menées - dans les médias notamment - par les institutions de la Justice marocaine et des corps de la police judiciaire, traduisent une certaine volonté de l'Etat d'accélérer le traitement des affaires de corruption révélées au grand jour suite aux convocations de personnalités de l'Etat, dont certaines se sont vues condamnées à des peines de prison.
Seulement, cette volonté de l'Etat, exprimée au plus haut sommet de l'appareil comme dans les discours royaux, n'a pu avoir d'impact sur la gouvernance, ni assurer plus de transparence et d'égalité dans les secteurs les plus touchés. Non seulement les classements internationaux sanctionnent le Maroc d'année en année, mais les officiels ne se retiennent plus de dissimuler leur pessimisme. Abdessalam Aboudrar, nommé par le roi Mohammed VI à la tête de l'Instance de lutte contre la corruption, vient de présenter un rapport qui selon lui « a démontré que le champ de la corruption au Maroc est en passe de s'étendre à l'ensemble des domaines de la chose publique".
Scepticisme et pessimisme marquent donc les principaux acteurs et remettent en question la sincérité des pouvoirs publics. Va-t-on un jour en finir avec la corruption, accéder à une carte institutionnelle saine garantissant l'égalité, la transparence et l'accès à l'information ?
«Allah a pardonné ce qui est passé»... Ce fameux verset du Coran répété par le chef du gouvernement devant des millions de téléspectateurs restera dans la mémoire des Marocains comme le témoignage de l'impuissance de la primature face à la puissante machine Corruption. Abdelilah Benkirane, pour qui la fin de la corruption était le cheval de bataille et l'argument en fer qui l'a porté avec son parti à la tête du gouvernement post-20 février, a réduit ses promesses au fur et à mesure de l'exercice du pouvoir.
La publication des listes d'agréments du transport public et celles de l'exploitation des carrières de sable, symboles d'un système de rente et de favoritisme échappant à toute rationalité économique, en est le maigre exemple.
Le gouvernement s'est arrêté à la publication alors qu'il était question de la fin de l'exploitation rentière et opaque de ces pans entiers de l'économie échappant à la transparence. Pire, d'autres secteurs rentiers ne sont même pas dans l'équation, notamment les licences de pêches hauturière, panacée des généraux de l'armée marocaine et de l'entourage royal.
L'année d'exercice du gouvernement sous la nouvelle Constitution a donc mis à jour les limites du courage de l'exécutif, rongé par l'action politique d'un cabinet royal plus puissant que jamais et qui a, profitant du flou autour de ses attributions, sû faire plier les islamistes et contrôler un large champ du paysage politique. En surface, le palais adopte un discours sans concession sur la corruption, appelant aux réformes juridiques. Et en effet, un éventail considérable de nouvelles lois ont été adoptées. Une convention des Nations unies ratifiée, une loi sur la protection des témoins, l'élargissement des attributions de l'Instance centrale de lutte contre la corruption...etc. « Un discours fort, en attendant qu'il se matérialise avec une volonté réelle » explique Azzeddine Akesbi, ancien secrétaire général de Transparency Maroc. Ce que Akesbi qualifie de décalage entre les déclarations est la pratique est à l'image de tout le système politique marocain. « Si elle a lâché du lest, cette nouvelle Constitution continue de concentrer tous les pouvoirs entre les mains d'une seule personne » poursuit-il en évoquant l'exemple de la loi sur les nominations. Celle-ci, clarifiant les prérogatives du roi d'un côté et du chef du gouvernement de l'autre quant à la nomination des hauts responsables, a pourtant permis au palais royal de garder la main sur toutes les institutions sensibles. « Le pire c'est que le palais a gardé tout ce qui est stratégique, mais sans pour autant en assumer la responsabilité. Les mécanismes de reddition de comptes, de redevabilité ne fonctionnent pas. L'histoire risque de se répéter à l'instar de ce haut responsable du CIH qui a signifié aux autorités qu'il ne rendra compte qu'à celui qui l'a nommé : le roi » explique Akesbi.
De tout ce qui s'entreprend par les institutions du pays dans le cadre de la lutte contre la corruption, il n'y a qu'une certaine presse qui ose évoquer l'action de l'entourage royal dans le monde des affaires. Le roi qui détient la plus grande partie des pouvoirs politiques se trouve être en même temps le premier banquier, le premier assureur, le premier investisseur agricole, le premier exploitant de mines... Un conflit d'intérêt si flagrant mais tellement passé sous silence qu'avant sa dénonciation à une large échelle dans les manifestations du Mouvement du 20 février, ceux qui décriaient cette proximité entre politique et business étaient comptés sur les doigts d'une main.
Au centre du milieu des affaires se trouve la holding royale SNI, qui opère dans des secteurs allant de la banque à l'énergie en passant par l'immobilier, les télécommunications, les mines ou l'agroalimentaire. Son retrait de la Bourse de Casablanca en 2011 après une fusion avec l'autre holding royale, ONA, n'aurait pu se faire sans un coup de pouce institutionnel. Ainsi, se confrontant à un assèchement de ses liquidités et une incapacité à lever davantage de fonds pour racheter les parts des petits actionnaires ne souhaitant plus accompagner la SNI en dehors de la Bourse de Casablanca, cette dernière a obtenu un traitement de faveur dont aucun concurrent de la même taille n'aurait pu rêver...
Préparée dans la discrétion totale, l'annonce de la fusion bouleversa le marché financier le 25 mars 2010. Quelques mois plus tôt, fin 2009, le projet de loi de finances 2010 prévoyait une défiscalisation des plus-values sur les opérations de fusion. La décision « taillée sur-mesure pour permettre au holding royal ONA-SNI de procéder à sa restructuration tout en privant le Trésor public d'une importante recette fiscale » comme en dira l'économiste Najib Akesbi, sera reconduite lors des lois de finances suivantes.
Après cette aide à peine voilée du ministre de l'Economie et des finances pour accompagner « sa restructuration », une autre institution ira au secours de la SNI pour lui permettre d'obtenir plus de liquidités. « Bank Al Maghrib a émis une note aux banques leur demandant de déconsolider la dette de SNI, ONA, et leurs filiales. Cette déconsolidation rétablira une marge d'endettement à ces holdings considérées dans leurs ratios financiers comme des banques » nous expliquera un analyste financier. Cette mesure ne sera pas la seule décidée par Abdellatif Jouahri, le gouverneur de Bank Al Maghrib. Lors du conseil d'administration de la banque centrale en avril 2010, il sera décidé une baisse du taux de la réserve obligatoire de 8 % à 6 %. Une baisse qui permettra d'injecter plus de liquidités dans le système bancaire marocain et... une levée de fonds pour financer l'opération de fusion suivie du retrait de la Bourse.
Bank Al Maghrib, comme un ensemble d'autres grandes institutions continuent de voir leurs directeurs nommés directement par le roi. « Le conflit d'intérêt demeure, et le délit d'initié reste plus que probable tant que c'est le premier acteur économique qui opère ces nominations » insiste Azzeddine Akesbi.
Les exemples se multiplient et se ressemblent. Ils démontrent la puissance de la machine Corruption, capable de casser toute résistance. En février 2012, un scandale explose à Rabat. Maroc Telecom, l'opérateur historique privatisé à partir de la fin des années 1990, cède un terrain d'à peu près 8 hectares dans le quartier Agdal à Rabat à la Financière d'investissements industriels et immobiliers, filiale de la SNI. Une simple cession si elle n'était pas faite « à un prix d'ami » : 2500dh le m2 au lieu de 15.000dh, le prix normal dans ce quartier. Pire encore, ce terrain n'appartenait pas à Maroc Telecom, mais plutôt aux associations d'œuvres sociales du personnel de l'entreprise, des terrains sur lesquels la direction de l'opérateur n'a aucun pouvoir. Mais l'opération s'est faite, et le terrain de Tennis des salariés de Maroc Telecom est maintenant transformé en un projet d'hypermarché Marjane. Les associations qui ne se sont pas laissées faire ont fait opposition à la décision, puisque la loi est de leur côté. Cette résistance a coûté le travail à Rachid Maksoud, président de l'association des œuvres sociales des travailleurs de Maroc Telecom.
Cette affaire, aussi marginale puisse-t-elle être, passera inaperçue. Ni les médias n'en parleront, ni les représentants de la nation ne l'évoqueront au parlement, quand à la Justice, elle reste au cœur des secteurs les plus rongés par la corruption et dont la réforme s'avère un casse-tête pour l'Etat. Jusque là, c'est l'absence de volonté qui est pointée du doigt. «Nul besoin d'études supplémentaires ou de diagnostics complémentaires. Ce qu'il faut c'est la volonté, la capacité et l'audace politiques» concluera Transparency dans sa lettre adressée au chef du gouvernement, le message sera-t-il entendu?
Cette enquête a été réalisée avec le soutien de l'ONG Free Press unlimited et le Centre Ibn Rochd


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