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Le Maroc réoriente son argumentaire sur le Sahara occidental vers le développement économique après ses gains politiques incontournables, révèle le centre américain World Politics Review
Le différend quinquagénaire autour du Sahara a connu une évolution diplomatique notable depuis 2020. Cette année-là, le président américain Donald Trump avait apporté son soutien au plan d'autonomie marocain pour ce territoire, en conclusion de son premier mandat. Depuis lors, l'Espagne, la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne ont rallié cette position, rejoignant ainsi plus de cent Etats membres des Nations unies (ONU). Selon World Politics Review, «Rabat a habilement capitalisé sur la déclaration de M. Trump pour amplifier sa démarche diplomatique, opérant une mue rhétorique majeure : l'angle sécuritaire, naguère dominant, s'efface désormais devant l'impératif de développement économique». D'après un rapport fouillé du centre américain, «durant des décennies, les autorités marocaines ont plaidé que leur souveraineté sur ce territoire constituait la parade la plus efficace contre les menaces d'instabilité incarnées par le Front Polisario», soupçonné désormais de terrorisme. La même source précise que «le Front Polisario bénéficie toujours du soutien de l'Algérie, rival géopolitique traditionnel du Maroc, elle-même épaulée diplomatiquement et militairement par la Russie», et poursuit en affirmant que «dès lors, Rabat présente son projet d'autonomie limitée sous souveraineté chérifienne comme le rempart optimal contre l'influence russe. Il accuse également l'Iran et le Hezbollah de soutenir militairement le Front via Alger – allégations que Téhéran dément», mais sans convaincre. L'économie comme levier de développement L'analyse souligne que «depuis 2020 cependant, le Maroc réoriente sa revendication de souveraineté autour du développement économique, mettant en avant des infrastructures d'envergure destinées à attirer investissements étrangers et commerce mondial». Mohammed Loulichki, ancien diplomate marocain et chercheur au Policy Center for the New South, estime dans un entretien écrit que «cette transformation stratégique a joué un rôle pivot dans la campagne d'autonomie», et cite notamment le projet portuaire de Dakhla Atlantique qui «consacre concrètement la souveraineté [marocaine] tout en promouvant une vision de stabilité, de connectivité et d'intégration économique». L'observateur marocain note que «[Rabat] déploie des efforts notables pour exhiber ce chantier, conduisant des journalistes sur place». La ville de Dakhla, établie sur une péninsule sablonneuse prisée des adeptes de kitesurf, voit déjà ses artères désertes et lampadaires trahir l'expansion anticipée, tandis que «le site de construction du port, hautement sécurisé et distant d'une heure de route dans le désert balayé par les vents, s'avance sur près de 1,6 kilomètre dans l'Atlantique, avec quelque 1 500 ouvriers s'affairant parmi grues et camions». Retombées diplomatiques et leviers de pression Le document américain note que «ce projet de 1,2 milliard de dollars constitue la pièce maîtresse d'une ambition destinée à ériger le Sahara occidental en plaque tournante régionale reliant l'Afrique de l'Ouest aux marchés mondiaux» et ajoute que «Rabat prévoit d'y expédier produits agricoles, fruits de mer, phosphates et terres rares vers l'Europe et l'Amérique latine dès 2029». Parallèlement, il indique qu'«un projet autoroutier d'un milliard de dollars reliera Dakhla à Tanger, tandis que des discussions s'engagent avec le Mali, le Burkina Faso et le Niger – Etats sahéliens enclavés – pour des accès portuaires». Selon la même source, «cette stratégie porte déjà ses fruits diplomatiques», rappelant que «le soutien britannique au plan marocain en juin 2025 relevait autant d'une logique économique que politique, visant à approfondir les échanges commerciaux». De même, il mentionne que «le président français Emmanuel Macron, dans une missive au roi Mohammed VI, a qualifié le développement socio-économique du territoire "d'impératif", saluant "les efforts du Maroc" et promettant l'accompagnement de Paris». Le rapport nuance cependant en affirmant que «Rabat n'hésite pourtant pas à recourir à des moyens de pression» et précise qu'«Madrid a subi des relâchements contrôlés des contrôles migratoires vers Ceuta et Melilla, manifestant le mécontentement marocain». Dans un discours d'août 2022, le souverain a averti que «la question saharienne constitue le prisme par lequel le Maroc appréhende son environnement international [...] critère clair et simple de la sincérité des amitiés». Oublis humanitaires et perspectives éthiques L'analyse américaine relève que «l'organisation conjointe par le Maroc, l'Espagne et le Portugal de la Coupe du monde de football 2030 (FIFA) ouvre de nouvelles perspectives de partenariats économiques» et indique que «Londres a explicitement lié ses accords commerciaux à une priorité d'accès aux projets infrastructurels liés à l'événement». Le rapport déplore que «ces flux financiers [pourrait concerner] le sort des camps de réfugiés de Tindouf, dans le sud-ouest algérien» et précise que «quelque 173 000 Sahraouis y survivent depuis cinquante ans sous contrôle du Front Polisario, dans un contexte de violations systémiques des droits humains». Il juge particulièrement alarmante «la condition des femmes réfugiées, confrontées à des violences sexistes, mariages forcés et restrictions de mouvement», et observe que «l'Algérie n'a pas pris de mesures significatives pour atténuer leurs souffrances tandis que l'aide internationale serait détournée par le Front», selon un récent document onusien plusieurs fois discuté dans les enceintes européennes. La même analyse estime que «si la campagne marocaine pour la reconnaissance de ses "provinces méridionales" paraît irrésistible, Rabat pourrait ennoblir ses victoires par un plan de rapatriement sincère des réfugiés de Tindouf», et poursuit que «toute réelle intégration exigerait cependant des partenariats avec la société civile sahraouie – notamment ces femmes ayant témoigné de leur calvaire devant le Conseil des droits de l'homme de l'ONU à Genève». Enfin, le document conclut que «l'approche réaliste du Maroc a convaincu une large part du monde de l'inéluctabilité de sa souveraineté», mais avertit que «le dialogue avec les acteurs de la société civile de l'autre bord demeure probablement la clé finale d'une intégration pacifique».