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Le peuple veut abattre la tyrannie!
Publié dans Lakome le 13 - 04 - 2011

Inspiré par les deux révolutions tunisienne et égyptienne, ainsi que ce vent de liberté qui souffle sur toute la région du nord de l'Afrique et du Moyen-Orient depuis fin décembre 2010, le mouvement de protestation que connaît le Maroc depuis le 20 février prend de plus en plus d'ampleur et a pu relever, jusqu'à maintenant, plusieurs défis considérés infranchissables. Retour sur une expérience d'un mouvement extraordinaire de la jeunesse marocaine.
Les manifestations du 20 février: l'étincelle de départ!
Début février et après quelques semaines de débat et de discussion sur les réseaux sociaux, principalement Facebook, des jeunes Marocains inspirés par leurs sœurs et frères tunisiens et égyptiens décident de passer à l'action. Ils annoncent à travers des vidéos un appel à tous les citoyens marocains pour une mobilisation dans tous le pays le dimanche 20 février baptisé «Jour du changement». L'appel est simple, il contient des revendications démocratiques et politiques assez fortes et jusque-là réservées à une élite politique restreinte, notamment en ce qui concerne la limitation des prérogatives du roi. En plus des intimidations policières, la machine médiatique officielle se déchaîne à l'encontre des jeunes du mouvement du 20 février. Pendant deux semaines, diffamations et mensonges visent ces militants et les organisations qui les soutiennent. Depuis le départ, ils sont traités de tous les noms (séparatistes, antipatriotes, athées, homosexuels …). Des ministres ainsi que des leaders politiques de tous bords (droite, gauche caviar, islamiste …) participent à ce lynchage médiatique. La désinformation atteint son summum à la veille du 20 février. Al Oula et 2M, les deux télévisions «nationales», annoncent le 19 février en soirée que «les organisateurs ont annulé les manifestations». Dans cette manœuvre, le pouvoir utilise un des initiateurs du mouvement qui a changé de camp après avoir reçu un traitement «de faveur» de la part des autorités. Ces dernières insistent en passant l'information de l'annulation que le «risque de débordements existe».
Malgré cette propagande, les jeunes, qui se sont constitués en coordinations dans 53 villes et campagnes pour la préparation des marches du 20 février, surprennent le régime et ses nouveaux et anciens chiens de garde. Ce fameux dimanche, les Marocains étaient par centaines de milliers (230 000 selon les organisateurs, 37 000 selon les autorités) dans la rue pour le changement, pour des réformes politiques, économiques et sociales profondes notamment: une nouvelle constitution, le respect des libertés, la fin de l'impunité, de la corruption et des crimes économiques…
C'est une première grande victoire pour les jeunes militants du mouvement du 20 février. Depuis ce jour, on parle d'un avant et d'un après. Confiants, les membres du mouvement enchaînent des sit-in et des marches dans plusieurs villes concernant les revendications du mouvement mais aussi sur des thèmes annexes (gestion déléguée, la démocratisation du champ médiatique…). Pour y arriver des jeunes se sont inventé de nouvelles formes de protestations, en intégrant sketchs improvisés, musique, poésies, etc.
Discours du roi
Le 9 mars le roi annonce dans un discours «historique»[1] des réformes constitutionnelles en nommant -encore une fois- une commission[2] formée en majorité de hauts fonctionnaires, des commis de l'Etat et de personnalités classées à gauche, mais qui n'ont de gauche que le nom comme Amina Bouayach (présidente de l'Organisation marocaine des droits de l'homme), Ahmed Herzenni et Driss Yazami (anciens détenus politiques) ou Mohamed Tozy et Abdellah Saaf (professeurs universitaires). Le roi n'a pas manqué de dessiner les contours du champ de travail de la commission, en les inscrivant dans les «constantes de la monarchie et de la nation».
Si les termes utilisés par le roi dans ce discours s'apparentent fortement à quelques revendications du mouvement, un regard plus attentif permet de s'arrêter sur la différence entre les revendications pour lesquelles les jeunes sont sortis le premier jour par rapport à ce que propose le roi. Ce tableau explique la différence.
Ces pseudo-concessions du pouvoir central constituent bien une autre petite victoire du mouvement du 20 février. Le régime et l'élite politique, y compris le roi, se voient aujourd'hui obligés de prendre au sérieux le mouvement, alors qu'ils l'ont complètement ignoré au départ. Dans un précédent discours royal, le roi avait annoncé «qu'il ne [céderait] pas à la démagogie[3]». Cela dit, il est encore très tôt pour crier victoire. Les événements qui suivent le confirment.
Au-delà des discours
Si le discours du 9 mars a promis des réformes visant à renforcer le pluralisme, les droits de l'homme et les libertés individuelles, la réalité sur le terrain a été tout autre. Quelques jours après le discours, plusieurs villes ont connu des répressions sauvages notamment à Casablanca mais aussi à Mohammedia le 13 mars, Khouribga le 15 mars, Berkane, Youssoufia, etc.
Cette attaque qui visait l'intimidation des jeunes du mouvement a créé, à la surprise du régime, un esprit plus solidaire chez les militants qui sont plus que jamais décidés à aller jusqu'au bout. La violence de l'intervention à l'encontre des manifestations pacifiques des jeunes et qui n'a pas épargné les journalistes a permis à certains de se rendre compte de la vraie nature du système répressif qui nous gouverne et qui ne tolère aucune opinion dissidente.
Cette intervention contredit aussi la propagande officielle du régime soutenu par ses alliés occidentaux sur la supposée «exception marocaine» en matière d'ouverture et d'acquis démocratiques.
Sur le plan économique et social, pire encore, le roi lui-même et la classe dominante qui l'entoure continuent d'exploiter d'une façon injuste et parfois dans l'illégalité totale les richesses naturelles du pays (mines, terres fertiles, eau, produits agricoles, vent, soleil bientôt…), avec une opacité totale autour de sa fortune dont la partie apparente a été multipliée par 5 depuis l'an 2000[4]! Tandis que la majorité du peuple continue de vivre dans la détresse: plus de 5 millions d'habitants vivent avec 0,88 euro par jour, le salaire minimum légal est de 5 euros par jour, et le taux de chômage atteint 15%[5], les jeunes diplômés étant particulièrement touchés.
...et demain
Comme disait la citation célèbre : «Ce qui est important, ce n'est ni d'être optimiste, ni pessimiste, mais d'être déterminé». L'évolution des événements va dépendre principalement de la capacité des jeunes et des militants à être déterminés et aller jusqu'au bout de ce processus de changement déclenché depuis plus de deux mois. L'implication d'autres couches sociales paupérisées, en tête les ouvriers et les travailleurs jusque-là inhibés par des appareils bureaucratiques obsolètes, changera certainement l'ampleur du mouvement ainsi que la nature même de ses revendications.
Les jeunes, profitant de la révolution des NTIC[6], ont montré une capacité d'organisation et de lutte extraordinaire qui a pu reconditionner les positions de tous les courants politiques et qui a bouleversé en quelque sorte le paysage politique du pays.
Il est important et primordial pour le mouvement de préserver son indépendance, pas seulement vis-à-vis des courants politiques de tous bords, mais aussi, et je dirais surtout, des mahkzeniens[7] et néo-makhzeniens qui cherchent aujourd'hui à noyauter le mouvement et mettre des freins et des butoirs à son avancement. L'indépendance doit être aussi totale par rapport aux gouvernements des pays occidentaux, dont certains sont des anciens/nouveaux colonisateurs et tous complices des dictatures dont ont souffert les peuples de la région pendant plusieurs décennies. Dans ce sens la rencontre de quelques jeunes avec l'ambassade de France au mois de mars à Rabat est à mon avis une grande erreur et montre l'illusion que continue d'avoir une partie des jeunes sur le rôle et la position des pays impérialistes qui, et l'expérience l'a bien montré, ne se soucient que de leurs intérêts économiques d'abord mais aussi géostratégiques dans la région[8].
* Jawad Moustakbal est militant d'ATTAC/CADTM Maroc
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[1] Pour le texte intégral de ce discours voir http://www.map.ma/fr/sections/activites_roi/texte_integral_du_di_1/view
[2] La Commission consultative de révision de la Constitution est composée du président et de 18 membres, elle a été installée le 10 mars.
[3] Voir le texte intégral de ce discours sur l'adresse : http://www.map.ma/fr/sections/activites_roi/texte_integral_du_di/view
[4] En 2009, le magazine américain Forbes le classait à la 7ème place des monarques les plus riches de la planète.
[5] Source: CIA World Factbook - Version du 16 mai 2008
[6] Nouvelles technologies de l'information et de la communication
[7] « Makhzéniens » signifie ici les anciens et nouveaux gardiens du temple du régime au Maroc. Le Makhzen est une expression courante au Maroc pour nommer l'Etat marocain ainsi que toutes ses institutions régaliennes.
[8] Voir dans ce sens les déclarations d'Alain Juppé, ministre d'Etat, ministre des Affaires étrangères où il fait l'éloge du régime marocain et demande aux autres pays de le suivre dans un discours méprisant où il considère implicitement les miettes de changement promises par le Roi suffisantes pour les peuples de la région.


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