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Ouvrière la journée, chef de ménage le soir… le combat pour vivre
Publié dans La Vie éco le 08 - 04 - 2011

Plus sérieuses à la tà¢che, elles sont plus demandées que les hommes dans les secteurs du textile et de la confection. Beaucoup sont chefs de ménage.
Elles souffrent d'une triple discrimination : être femme dans une société machiste, subir une exploitation effrénée et trimer pour nourrir des enfants.
Lundi 28 mars, quartier de Aïn Sebaâ. Khadija travaille comme ouvrière dans une grande entreprise d'ameublement qui compte 1 700 salariés dont quelque 400 femmes ouvrières. Khadija, 45 ans, en fait partie depuis 1980. Issu de la région d'Ouled Saïd, à quelques encablures de Casablanca, le père y était déjà ouvrier, et pour joindre les deux bouts et subvenir aux besoins d'une famille de six enfants, il poussait sa fille aînée à le joindre, pendant les vacances scolaires, dans l'usine comme couturière pour gagner un peu d'argent. C'est de cette façon que Khadija s'est retrouvée ouvrière après avoir arrêté sa scolarité, sur les lieux mêmes où son père a fait toute sa carrière. Ouvrière, trente ans de labeur et des journées qui, toutes, se ressemblent. Décrocher ? Impossible, Khadija est aujourd'hui mariée et a des responsabilités. Le travail est une nécessité absolue. Qu'il pleuve, qu'il vente ou qu'il fasse beau, c'est le réveil à 6 heures, la préparation du petit-déjeuner pour ses deux enfants et son mari, tapissier de son état. A huit heures, revêtue de son tablier de travail, elle commence une «interminable journée». Répétitif, à la chaîne. «En maniant une machine, je ne pense à rien, je deviens moi-même machine qui tourne d'une façon mécanique. Comme on n'a pas le droit de parler avec les autres, je m'absorbe dans mes idées : les enfants que je dois récupérer le soir de dar al hadana (garderie des enfants), et le mari qui réclame avec insistance son dîner», raconte t-elle. Avec ses trente ans de carrière, Khadija, il est vrai, n'est plus dans le schéma classique d'une ouvrière payée à l'heure et à la pièce. Son salaire, devenu mensuel, a sensiblement augmenté : de 350 DH il est passé à 3 500 DH. De quoi, avec celui de son mari, pouvoir acquérir à crédit un logement social au quartier Attacharouk. Travailler à l'extérieur et participer d'une manière sensible aux dépenses quotidiennes ne la dispense pas de troquer son tablier d'ouvrière le soir pour celui de mère au foyer, de préparer le dîner, et le déjeuner du lendemain pour elle, pour le mari et les enfants. Le lot en somme de toutes les femmes marocaines qui travaillent, encore que ces ouvrières n'ont pas les moyens de se permettre une femme de ménage pour les assister dans leurs travaux ménagers. Qui gère le foyer ? «En apparence, c'est lui, mais en réalité c'est moi qui trace les grandes lignes. Les hommes, il faut savoir leur faire sentir qu'ils sont supérieurs aux femmes, sinon ils sont vexés. Cela dit, le travail me valorise, je me sens utile, et mon mari me respecte», reconnaît Khadija.
Saïda, abandonnée par son mari à l'âge de 24 ans avec deux enfants à charge
Saïda est aussi ouvrière dans usine de confection à Aïn Sebaâ. Mariée très jeune, à 18 ans, elle a été abandonnée, 6 ans plus tard, par son mari, avec deux enfants à charge. Nous sommes au début des années 80. Saïda retrousse les manches et se met au travail. La hargne l'habite : deux enfants sur les bras, à nourrir et à éduquer, la responsabilité est plus lourde. Aujourd'hui, ses enfants ont grandi. L'un est avocat, l'autre pharmacien. Elle en est fière. Une femme jeune, et divorcée, comme elle, à l'usine, éveille souvent la convoitise des hommes. Certaines, de guerre lasse, succombent, d'autres résistent. Beaucoup sont malmenées, humiliées, voire battues par leurs supérieurs ou leur patron. Harcèlement sexuel et violence dans les ateliers de confection à Casablanca sont monnaie courante et constituent les deux principaux motifs de plaintes formulées par les ouvrières auprès des centres d'écoute des associations des droits de la femme. Mina Fouzri, du Centre Habiba Zahi de soutien aux femmes en situation difficile (inauguré par le Roi en septembre 2010) le confirme : «La dernière femme en date à venir se plaindre pour violence subie de la part de son patron est une jeune fille de 16 ans. Ses blessures se sont infectées et nous étions obligées de l'assister juridiquement pour porter plainte contre l'agresseur. Le hic est que la victime travaillait dans un petit atelier de confection installé dans une maison. Du jour au lendemain, le patron et son atelier se sont volatilisés». En effet, si les entreprises où Khadija et Saïda travaillent sont des entités organisées qui leur accordent le SMIG, les déclarent à la CNSS et les couvrent contre les accidents de travail, nombre d'ateliers à Casablanca sont soit dans l'informel, soit des PME qui méprisent les droits des travailleurs. Et les ouvrières plus que les ouvriers.
Exercer le métier d'ouvrière à Casablanca n'est en effet pas une sinécure. Quand, de plus, on se trouve être le chef de ménage et le principal pourvoyeur de ressources ; quand il faut se taper les corvées de la maison après une journée harassante dans l'usine, entretenir les enfants, subir les avanies d'un boss peu respectueux des normes du travail ; quand on se retrouve à être l'objet de harcèlements sexuels …, c'est peu dire que la vie n'est pas rose. «Le comble, affirme Aziza, autre ouvrière dont le mari ne travaille pas, c'est d'être traitée le soir par le mari, pour une broutille, de «bant Al maâmil» (fille des usines), c'est-à-dire pas moins qu'une prostituée». Les ouvrières que nous avons interrogées disent toutes que la mauvaise réputation qu'elles traînent est une offense pour elles, mais ne les empêchent pas d'être le pivot de leurs familles. Des milliers d'ouvrières le sont devenues malgré elles, pour nourrir une famille, à cause d'un divorce, de l'abandon d'un mari qui va prendre une autre épouse ou tout simplement de la nécessité de faire vivre une famille. Ces femmes prolétaires subissent une triple malédiction : être femme dans une société machiste, trimer pour nourrir des enfants, voire un mari sans travail, et subir une exploitation effrénée, en tout cas supérieure à celle des hommes.
Elle travaille 10 heures par jour, samedi compris, à raison de 10 DH l'heure
31 mars. Autre direction, boulevard Khalid Ibn Al Walid. Quelque 200 unités de confection, notamment de fabrication de jeans et tee-shirts, y élisent domicile. Il est 12 heures, c'est la pause. Les ouvrières sortent des usines par grappes pour aller déjeuner dans les gargottes et mahlabas du coin. Jamila, la quarantaine, est du lot. Son mari l'a abandonnée pour une autre femme, et à son corps défendant elle prend en charge ses deux enfants de 8 et 10 ans. Elle travaille 10 heures par jour, samedi compris, à raison de 10 DH l'heure. Elle arrive péniblement à un salaire de 3 000 DH par mois. Les heures supplémentaires ? «Elles ne sont pas toujours appliquées. C'est selon l'humeur de la patronne», se plaint-elle. Le réveil à 6 heures du matin, tous les jours, elle connaît, de même que toutes les corvées de la maison, le soir. Elle aussi confiait ses deux enfants, depuis qu'ils étaient petits, aux soins d'une maison de garde au prix de 200 DH le mois chacun. «Autrement, je ne pouvais pas travailler pour les nourrir et je n'ai personne qui peut les garder», ajoute t-elle.
Elle les récupère tous les soirs, et se dirige vers son appartement nouvellement acquis au quartier Anassi. Souvent, les ouvrières sont financièrement chefs de ménage. Soit que le mari ne travaille pas, ou gagne moins que sa femme, soit que la femme entretient les enfants après un divorce ou l'abandon du mari. Et le premier investissement que font les ouvrières déclarées, qui ont un salaire stable et un compe bancaire, c'est d'acquérir un logement, quitte à payer la traite pour le restant de leur vie. C'est le cas de Jamila qui paie 800 DH par mois depuis cinq ans. Dans un travail de thèse de doctorat soutenue récemment par Leila Bouasria à la Faculté des lettres d'Aïn Chok, sur le salariat féminin au Maroc, notamment les ouvrières (travail en voie de publication), les mêmes conclusions en sont tirées. Sur les 200 femmes enquêtées, 34% sont des chefs de ménage, et beaucoup investissent dans l'achat d'un appartement. «Le travail lui même est cherché par l'ouvrière dans la perspective d'acheter un logement. Ces conclusions restent cependant à vérifier à l'échelle nationale dans une enquête plus affinée», dit-elle modestement (voir entretien). Toujours est-il que la journée de Jamila, après avoir quitté l'atelier à 19 heures, n'est pas encore terminée, les tâches ménagères l'attendent et elles aussi sont indispensables à gérer que le travail à l'usine, «sinon la maison devient une porcherie et j'ai horreur des saletés».
Un constat : les ateliers de confection et le secteur du textile de manière globale ont une prédilection pour les femmes ouvrières plus que pour les hommes. Normal, commente le sociologue Ahmed Al Motamassik. «Les ouvrières sont préférées aux hommes dans quelques secteurs comme le textile, non pas parce que c'est un travail de femme, mais parce que la gente féminine est plus patiente et ne rechigne pas comme la gente masculine. Elle est aussi moins syndiquée, et ferme les yeux si elle est maltraitée, voire harcelée sexuellement. Il faut reconnaître que le secteur de l'industrie du textile est le moins développé au Maroc sur le plan du respect des droits des travailleurs. Beaucoup de PME opèrent dans l'informel et même celles qui ont pignon sur rue font le minimum pour assurer leurs droits aux salariés». Le patron de l'atelier où travaille Jamila, un jeune de trente ans, dit autre chose : «Toutes mes ouvrières sont déclarées et touchent le SMIG. Je les préfère aux hommes car elles sont plus dévouées et plus sérieuses dans leur travail».
Dans un autre atelier situé au boulevard Khalid Ibn Al Walid, Malika, 45 ans, est sortie à la même heure que Jamila de l'atelier où elle travaille pour casser la croûte. Une unité de 150 salariés, dont une centaine de femmes. Cette femme reconnaît que toutes les ouvrières dans cet atelier sont déclarées à la CNSS, ont l'AMO, mais ce n'est pas suffisant. Il manque une chose importante : «Le respect de la dignité de la femme. On travaille sans relâche 10 heures par jour. Comme on est payé à l'heure, la patronne est là, à nous surveiller, à nous insulter et à nous harceler à tout moment pour produire le maximum en une heure. 100 pièces en ce laps de temps, c'est trop, je n'en peux plus. Je quitte !», tranche-t-elle. Ce jour-là, Malika n'est pas sortie de son travail que pour casser la croûte, mais pour de bon. Elle ira, dit-elle, dès le lendemain chercher un autre atelier où «le rythme n'est pas aussi infernal». Elle n'a pas d'autre choix. Elle s'est mariée à 16 ans et a mis six enfants au monde avec un homme qui l'a quittée au bout de 10 ans de mariage, pour prendre une deuxième épouse. Deux de ses enfants se sont mariés, mais quatre sont encore sous sa responsabilité. Boulanger de son état, le mari «vient à peine une fois par mois jeter un coup d'œil sur ses enfants, et repartir illico chez l'autre femme. Les hommes sont comme ça, ils prennent comme épouses des jeunes, ils enfantent avec elles, et ils partent, après, chercher ailleurs. Alors que nous, femmes, travaillons comme des esclaves pour nourrir ces enfants», se révolte t-elle.


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