Habitat anarchique, pourquoi Agadir est un cas d'école A Tama Ou Anza, même les rues sont à vendre
La rocambolesque histoire d'un couple franco-marocain
Démolitions en série de leur demeure, agression physique, menaces…
Au nom de la paix sociale, la loi n'est plus appliquée En achetant en 2001 un terrain constructible dans la localité de Tama Ou Anza, à 15 km environ d'Agadir, Arlette et Mohamed Harrouch étaient loin de s'imaginer tous les tracas qu'ils allaient rencontrer. Dans ce site normalement promis à un bel avenir touristique, c'est bled siba. La loi est édictée par les membres d'une famille de la région, raconte Arlette Harrouch. En effet, même les rues sont à vendre! Dès 2004, pendant l'aménagement de leur lot, le couple comprend qu'il est loin de la quiétude qu'il est venu chercher en ces lieux. Leur balcon est détruit sans PV et sans motif valable. «Une habitante de la localité nous propose alors d'acheter la paix par l'achat de la rue qui jouxte notre maison si on veut ouvrir nos fenêtres et sortir notre balcon. Nous refusons bien sûr'', relate Arlette Harrouch. Les époux décident ainsi début 2006 d'ouvrir les fenêtres et sortir les balcons. Nouvel ordre encore de démolition sans motif et un élu les menace même de murer leur maison par une autre construction. Fin 2007, l'histoire se poursuit. Sur conseil de leur avocat, ils finissent par ouvrir leurs fenêtres. “Une demi-heure après, le caid est là mais nous avons sur le chantier un huissier qui peut entendre ses propos. Je demande un PV et il est obligé de le faire. Nous sommes alors dans les délais de 2 mois pour nous pourvoir en justice auprès du tribunal administratif.”, précise Arlette Harrouch. Après bien des péripéties marquées par une agression physique et des menaces, le couple Harrouch gagne son procès en justice et finit sa façade. Mais leurs tracas n'en sont pas pour autant terminés. Ils ont continué à être ennuyés jusqu'à tout dernièrement. Ils ont donc porté plainte à la police pour acharnement et intimidation avec témoins à l'appui. Pourquoi tant de pression contre eux? Il semble que dans la localité, le foncier fait perdre à certains riverains la tête et la notion de la légalité. Aussi, les époux Harrouch, après avoir agi, individuellement, sur plusieurs fronts pour dénoncer le désordre à Tama Ou Anza, ont constitué une association dénommée “Vivre à Tama Ou Anza” avec des habitants de la localité. Et ils disent être vraiment inquiets de ce qui s'y passe. Dans la zone de Tama Ou Anza, c'est véritablement l'anarchie. Ici, raconte une habitante des lieux, “les constructions illégales sont le fait de gens riches qui spéculent sur des terrains qui appartiennent normalement à la Smit (ex-Sonaba). Ils se moquent de la qualité du bâti qui est catastrophique. Des rues étroites, des tracés du réseau assainissement non respectés… les règles élémentaires en matière d'aménagement urbanistique sont bafouées. C'est l'anarchie tout simplement”, raconte-t-elle. En effet, des constructions sont aménagées en plein sur le lieu d'écoulement des eaux de pluie de Tama Ou Anza. Les maisons existantes risquent donc de se retrouver inondées lors des orages, poursuit-elle. Le plus grave c'est que tout cela se fait au vu et au su de tout le monde. Les contrevenants finissent donc par croire qu'ils sont dans leur droit. C'est en fait ce laisser-faire pour des raisons de paix sociale qui a encouragé la prolifération du phénomène d'habitat anarchique. Ces derniers huit mois, rien n'arrêtait les contrevenants, indiquent les riverains. Depuis l'intervention des autorités locales à Aourir jeudi dernier, on sent cependant un changement dans les comportements. Mais les dégâts sont déjà faits et le ras le bol de la population est fort face à des constructions anarchiques multiples et des biens communs en péril.