La saison estivale s'y prête: les spécialistes de la détaxe veulent passer à la vitesse supérieure. Ce service lancé au Maroc fin 2008 consiste à rembourser la TVA aux touristes de passage et est géré par deux opérateurs qui se partagent à eux seuls le marché national. Il s'agit de la filiale marocaine de Global Refund et de Morocco Tourism Refund (MTR) qui est affilié au réseau Premier Tax Free. Et d'un côté comme de l'autre, l'on nourrit déjà de grands espoirs pour 2010. Les impressions recueillies font état d'une bonne orientation de l'activité sur les premiers mois de l'année. «Sur la première moitié de 2010 nous sommes déjà à 75% de la performance de l'année dernière», rapporte l'administrateur directeur général de MTR Saâd Sefrioui. Même son de cloche auprès de Global Refund Maroc, où l'on constate «un début 2010 placé sous un très bon signe», selon les termes de Ouafaa Bachlouch, Acting Country Manager de la filiale marocaine de Global Refund. En lien direct, les prévisions sur toute l'année fixent la barre haut chez l'un et l'autre opérateur. «Nous avons prévu de franchir la barre des 5.000 transactions», informe Sefrioui. À raison d'un panier moyen de 10.000 dirhams par transaction, MTR espère donc drainer un volume d'achats de 50 millions de dirhams, ce qui correspondrait à un chiffre d'affaires avoisinant 1,5 million de dirhams sachant que les opérateurs de la détaxe prélèvent 3% sur les transactions détaxées. L'on n'est pas moins optimiste chez Global Refund Maroc et les prévisions tablent sur 600 à 700 demandes à traiter par mois (entre 7.000 à 8.000 transactions pour toute l'année 2010). S'ils parviennent à leurs fins, les deux opérateurs auront bien réussi à redresser la barre par rapport à un exercice 2009 en demi-teinte, qui fait aussi office de première pleine année d'activité pour la détaxe au Maroc. En effet, sur l'année précédente, Global Refund Maroc n'avait réalisé que de 100 à 300 transactions par mois (jusqu'à 3.500 transactions annuellement) contre 2.800 transactions pour MTR. Mais même si les attentes des deux spécialistes devaient se réaliser pour 2010, l'on resterait très loin des prévisions initiales établies à l'introduction de la détaxe au Maroc. En effet, les deux sociétés aujourd'hui en exercice ciblaient 1 million de clients. L'idée était qu'au moins 10% des 10 millions de touristes que devrait capter le Maroc à l'horizon 2010 auraient recours à la détaxe. Partant d'une prévision de panier moyen d'achat de 2.000 dirhams (correspondant au minimum à dépenser pour pouvoir accéder au service de détaxe) ce sont donc, sur le papier, 2 milliards de dirhams qui devaient être drainés par la détaxe, ce qui devait générer un chiffre d'affaires de 60 millions de dirhams pour les deux opérateurs (sur la base d'un prélèvement de 3%). Certes, les deux spécialistes de la détaxe ont eu la bonne surprise de relever dès le démarrage de leur activité, des valeurs moyennes de transaction, autour de 8.000 dirhams, dépassant le triple de ce qui était attendu : 2.500 dirhams. Mais globalement, on reste bien en dessous du potentiel initialement identifié. Ce n'est certainement pas faute de demande, car les opérateurs rapportent unanimement un intérêt avéré de la clientèle étrangère pour la détaxe au Maroc. Le problème résiderait, plutôt, dans le dispositif de détaxe en lui-même. Il y a d'abord la base de commerces nationaux susceptibles de faire accéder la clientèle de touristes au service de détaxe. Certes, Global Refund Maroc et MTR revendiquent un large réseau de commerces affiliés, respectivement 980 et 1.500 commerces. Cependant, le manager de Global Refund Maroc, reconnaît qu'une base de données d'affiliés peut inclure en partie des boutiques de petite taille, non structurées, ne délivrant pas de facture ou obéissant à un régime de TVA forfaitaire, autrement dit des boutiques qui ne donnent pas droit à un service de détaxe d'achat. Succès retentissant dans le luxe Un autre blocage résiderait dans l'accompagnement. En 2009 déjà, la mise en place du système de détaxe au Maroc avait été faite sans grande communication officielle, ou commerciale d'ailleurs, ce qui explique en grande partie le démarrage poussif du dispositif sur la même année. Si les efforts de promotion commerciale déployés par les deux opérateurs sont à présent plus visibles, côté Etat, les choses ne semblent pas avoir sensiblement changé. «Il y a des ajustements à faire», reconnaît sobrement Sefrioui. Plus critique, Ouafaa Bachlouch reproche aux autorités de ne pas jouer le jeu. La responsable relève plusieurs défauts logistiques qui engendrent des déperditions de clientèle. «La signalétique manque encore au niveau des aéroports, aussi, aucune démarche de simplification n'est menée par les douanes pour simplifier la procédure au bénéfice des intéressés, alors que le processus de détaxe requiert un minimum d'accompagnement», regrette Bachlouch. Rappelons néanmoins, à la décharge des administrations publiques, partie prenante de l'opération de détaxe, que des changements de hiérarchie ont ralenti tout avancement. Et l'on parle notamment de l'Administration des douanes et des impôts indirects, de la Direction générale des impôts (DGI) et de l'Office des changes. Un dernier blocage relevé concerne enfin le seuil minimum de détaxe établi à 2.000 DH (ce montant devant être dépensé intégralement dans un seul magasin pour pouvoir prétendre à la détaxe). À ce niveau, il est jugé élevé, surtout au vu du pouvoir d'achat des MRE (la troisième clientèle pour la détaxe au Maroc après les Français et les touristes en provenance du Moyen-Orient) qui représentent une clientèle de prédilection. Aussi est-il proposé de porter le seuil minimal d'accès à la détaxe à 500 dirhams ou tout au plus à 1.000 dirhams pour pouvoir élargir la base de clientèle, requête sur laquelle la DGI ne s'et pas encore prononcée. Le réaménagement est de nature à «créer une dynamique plus importante à tous les niveaux», affirme Sefrioui. Bachlouch fait même de ce réaménagement une condition sine qua non pour la pérennité de l'activité de détaxe au Maroc. En effet, l'actuel seuil minimum exigé favorise surtout les achats dans le luxe. Les boutiques qui s'y spécialisent l'ont d'ailleurs bien compris et la tendance est de faire de la détaxe un argument commercial et d'accompagner les clients sur le terrain dans leur démarche pour détaxer leurs achats. Reste qu'en dépit de ce volontarisme, les spécialistes de la détaxe ne peuvent compter sur le seul luxe pour doper leurs affaires. Il se trouve d'ailleurs que l'actuel niveau d'activité de Global Refund Maroc lui permet à peine d'équilibrer sa situation. Dépasser ces blocages figure donc comme une priorité, car faut-il le rappeler, l'institution de la détaxe s'inscrit dans la volonté gouvernementale de faire du Maroc une destination de shopping. Mode d'emploi Les étrangers en visite au Maroc peuvent, après achat dans des magasins de la place, récupérer une partie de la TVA, soit 13 % de la facture sur un taux global de 16 % accordé par les impôts ; les 3 % revenant au prestataire du service de détaxe. Le montant minimum d'une facture éligible à la détaxe est fixé à 2.000 dirhams. Une fois l'achat effectué, le client se fait délivrer 4 bordereaux à partir d'une borne semblable en tout point à un terminal de paiement par carte. Y sont mentionnés le montant, ainsi que les modes de paiement et de remboursement. Ces bordereaux sont alors présentés à des guichets des gestionnaires de la détaxe disponibles dans les enceintes des aéroports, par exemple. Le remboursement est effectué soit sur place en liquide, soit par virement bancaire et la douane se charge, elle, de s'assurer de la sortie effective de la marchandise détaxée.