S'il y a un secteur sur lequel la pression est l'une des plus importantes à la suite de l'aboutissement du démantèlement douanier progressif des échanges commerciaux, depuis mars dernier, entre le Maroc et l'UE, ce serait, à coup sûr, celui de l'industrie locale du bois. Pour se prémunir d'une concurrence qui devait s'avérer plus intensive que jamais, via les importations de bois et des produits dérivés d'ameublement, la mise à niveau normative et le rehaussement qualitatif semblent être la réponse que les professionnels du secteur souhaitent apporter en réaction à cette nouvelle donne d'ouverture économique élargie. Vendredi dernier, ces derniers sont «sortis de l'ombre» en marge d'un séminaire sur la normalisation technique des productions de la filière locale. Pour une filière qui ne communique pas assez, le timing choisi pour mener cette opération montre clairement l'urgence dans laquelle le secteur se trouve. Les chiffres parlent d'eux mêmes. «Pour 2010, le chiffre d'affaires à l'export du secteur avoisine 700 MDH, là où, pour l'import de bois et de ses dérivés, la valeur cumulée sur la même période est de 5,5 MMDH», nous indique Ali Fassi Fihri, le président de l'Association marocaine des industries du bois et de l'ameublement (Amiba). Dépendance croissante La dépendance croissante du Maroc vis-à-vis des importations de bois (85% sont destinées à la construction), est en effet un des grands boulets du dynamisme du secteur local. À cela s'ajoute l'importance croissante d'un autre aléa de marché, en rapport cette fois à la forte croissance des importations de meubles en kit, de mobiliser de bureau, de portes, de panneaux de contreplaqué, qui profitent également de la baisse constante des droits de douane sur les dix dernières années. D'autre part, les professionnels déplorent également le défaut d'organisation des industriels du marché du bois, «qui nuit à la promotion du secteur ainsi qu'à sa mise en valeur». L'Amiba, dont la création était censée pallier cette lacune organisationnelle, ne regroupe aujourd'hui qu'une quinzaine de sociétés, pour un secteur qui compte plus de 500 établissements, soit plus de 6% du tissu industriel. Néanmoins, l'entité patronale a de grandes ambitions, en dépit de cette petite mobilisation. «Nous devons agir pour développer la compétitivité de nos industries», lance le président de l'Amiba. Cet effort vise justement à plus d'ouverture du secteur vers les marchés à l'export, avec la mise en place et la généralisation de normes rigoureuses liées à la qualité des produits, à la sécurité du personnel et à la protection de l'environnement. L'objectif, à terme, est de pousser les professionnels du secteur à s'orienter davantage vers les organismes publics chargés de la normalisation, à l'image du Conseil supérieur interministériel de la qualité et de la productivité, des comités techniques mixtes, ainsi que du service de la normalisation industrielle marocaine. Ali Fassi Fihri, Président de l'Association marocaine des industries du bois et de l'ameublement : «Il faut que les produits répondent aux normes» Les Echos quotidien : Dans quel cadre s'inscrit la tenue du séminaire professionnel organisé en fin de semaine dernière ? Ali Fassi Fihri : C'est une séance d'information qui est adressée à tous les acteurs du marché, qu'ils soient producteurs, importateurs ou même consommateurs. C'est de l'information, aussi bien par rapport aux importations qu'à la production locale. Il faut absolument que les produits du bois puissent répondre à des normes reconnues mondialement, que ce soit par rapport aux producteurs ou aux consommateurs. Deuxièmement, nous pensons nous lancer vers d'autres marchés, notamment européens. Nous devons donc nous atteler à la sensibilisation et au soutien des opérateurs du bois, et plus particulièrement de l'artisanat marocain, qui a ses propres spécificités de marché, mais qui est très peu sensibilisé aux normes existantes. Il y a un attrait certes pour le produit de l'artisanat, mais ce manque de conformité peut être un frein au développement de cette filière... N'est-ce pas un réflexe protectionniste pour le secteur, après la libéralisation des échanges entre le Maroc et l'UE ? Je ne le vois pas forcément ainsi. J'y perçois plutôt une certaine quête d'équité. C'est-à-dire que, pour qu'il y ait une concurrence saine et loyale dans ce secteur, il faut que le consommateur local connaisse le produit et ses caractéristiques en termes de qualité. Qu'en est-il de l'enquête antidumping lancée sur les importations de contreplaqués en provenance de Chine ? La commission interministérielle a établi un rapport provisoire qui donne raison aux plaignants et établit une concurrence déloyale. Nous avons collaboré à l'élaboration de cette enquête. Nous attendons pour le moment les décrets d'application des mesures commerciales qui ont été préconisées au terme de cette étude, ce qui devrait l'être dans les jours à venir. Ce décret devrait imposer des droits de douane supplémentaires sur les produits contreplaqués provenant de la Chine.