La banque cotée lance une augmentation de capital de 1,47 milliard de dirhams pour renforcer ses fonds propres et élargir sa base de clientèle. Une opération qui marque le retour des établissements de crédit sur le marché primaire. Portée par une croissance soutenue et un positionnement stratégique tourné vers les jeunes générations, CIH Bank passe à l'offensive en bourse avec une recapitalisation d'envergure prévue du 4 au 23 juillet. En levant près de 1,5 milliard de dirhams, l'établissement ne se contente pas de renforcer ses ratios clés, il s'offre également un levier financier attractif pour ses actionnaires historiques. Ratios solides En cela, le message adressé au marché est clair. Le groupe piloté par Lotfi Sekkat propose 4,1 millions d'actions nouvelles à un prix unitaire de 358 dirhams, soit une valorisation particulièrement avantageuse, marquée par une décote sensible de 12% par rapport au cours moyen pondéré des douze derniers mois (407 dirhams), et allant jusqu'à 15% selon le ratio cours/bénéfice (P/E). «Cette décote offre une opportunité intéressante pour les investisseurs de long terme», souligne un membre du top management, mettant en avant une valorisation attractive avec un multiple de capitalisation (P/E) de 14,9x, inférieur à la moyenne sectorielle établie à 17,7x. Sur le plan de la solidité financière, l'opération conforte les fondamentaux de CIH. «Les ratios prudentiels de solvabilité dépassent nettement les seuils réglementaires, tant sur base sociale que consolidée», nous explique-t-on. À ce titre, le ratio CET1, qui mesure la solidité financière d'une banque en rapportant ses fonds propres de premier rang à ses engagements pondérés par le risque, ressort à 8,96% en 2024, niveau largement supérieur au seuil réglementaire exigé de 8%, indique le communiqué publié à l'occasion de l'opération. Environnement exigeant Cette levée intervient dans un environnement réglementaire exigeant. Elle s'inscrit avant tout dans la continuité d'une troisième inflexion stratégique majeure pour la banque cotée. Après une phase de diversification (2009-2016), suivie d'une montée en puissance dans la bancarisation des jeunes et la transformation digitale, la banque souhaite désormais élargir son offre en ciblant une base clientèle plus large comprenant PME, professionnels, Marocains résidant à l'étranger et clientèles aisées. «Le moment est propice», insiste un membre de la direction générale, évoquant un marché à fort potentiel, encore sous-adressé. La banque a identifié un potentiel interne de plus de trois millions de clients à fidéliser ou à mieux équiper. À l'échelle macroéconomique, CIH se positionne en anticipation d'un vaste mouvement d'investissements publics estimé à plus de 35 milliards de dollars d'ici 2030 dans des secteurs clés tels que l'infrastructure, l'eau, l'énergie et la santé. «Le Maroc entre dans un nouveau cycle de développement, et notre rôle est d'en capter les flux», soutient le top management. Par ailleurs, la recapitalisation permettra à CIH Bank d'augmenter sa capacité d'octroi de crédits tout en optimisant ses indicateurs prudentiels, un enjeu particulièrement stratégique dans un contexte où les exigences réglementaires internationales (ICAAP, SREP, Bâle III) se renforcent. Démarche prudente Sur le volet boursier, la banque adopte une démarche prudente mais ambitieuse. L'offre cible prioritairement les actionnaires existants via des droits préférentiels de souscription (DPS) à une parité de trois nouvelles actions pour vingt-trois droits détenus. La prime d'émission, fixée à 258 dirhams par action (pour un prix de souscription total de 358 dirhams), affiche une décote significative comparée au cours observé fin juin (environ 413 dirhams). «Cette stratégie traduit clairement la volonté de préserver la confiance des actionnaires minoritaires tout en élargissant la base actionnariale», analyse un spécialiste du marché. En ciblant aussi bien les institutionnels que les investisseurs individuels, CIH Bank cherche à élargir sa base actionnariale. Le flottant, aujourd'hui limité à 16,4%, est susceptible d'attirer des boursicoteurs intéressés par des opérations de spéculation ou par la valeur sur le long terme, à condition qu'ils se saisissent de cette fenêtre d'opportunité dans un marché jugé attentiste. Si la banque affiche une résilience certaine – tant sur les marges que sur les indicateurs de rentabilité –, la valorisation du secteur bancaire reste encadrée par un environnement monétaire resserré. Elle se distingue par ailleurs par un coefficient d'exploitation inférieur à la moyenne et un rendement sur fonds propres (ROE) de 11,45% en 2024, même si le maintien du taux directeur à un niveau relativement élevé continue de peser sur la dynamique du crédit. Au-delà de la croissance organique, cette opération traduit, d'une manière générale, le retour progressif des banques sur le marché primaire, dans un cycle marqué par des exigences prudentielles et des conditions de liquidité toujours tendues. Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ECO
