Chercheur universitaire Psychologue clinicienne, professeure universitaire et CEO d'Elaabassi Psy Africa L e Maroc vit aujourd'hui une transformation économique profonde : industrialisation accélérée, compétitivité mondiale, expansion africaine. Mais derrière les chiffres de croissance, un autre indicateur se dégrade silencieusement : la santé mentale au travail. Selon l'Organisation mondiale de la santé, les troubles liés au stress professionnel coûtent chaque année plus de 1.000 milliards de dollars à l'économie mondiale en perte de productivité. Nos dirigeants marocains et africains se retrouvent à jongler entre cadence économique, pression hiérarchique et poids intellectuel, mais aussi culturel de culte de la force et déni de l'aspect émotionnel dans les milieux de travail sérieux. Ce mélange explosif nourrit des burn-out silencieux, des dépressions masquées, une prise de décision altérée et une érosion lente de la motivation collective. Pendant des décennies, la psychologie est restée cantonnée aux hôpitaux, aux universités ou aux cabinets privés. Dans les entreprises marocaines, elle était considérée comme une affaire personnelle, presque honteuse. Admettre un besoin d'accompagnement psychologique revenait à admettre une faiblesse. Dans les années 1950, aux Etats-Unis, des chercheurs comme Frederick Herzberg et Abraham Maslow ont pourtant montré que la performance découle autant des facteurs émotionnels que matériels. Les concepts d'intelligence émotionnelle ou de leadership empathique, popularisés par Daniel Goleman, ont transformé la gestion des ressources humaines dans les grandes multinationales. Mais dans la sphère marocaine et africaine francophone, cette révolution est arrivée tardivement, car les entreprises ont longtemps privilégié une vision hiérarchique où la loyauté primait sur la compréhension et où la peur du supérieur remplaçait le dialogue et l'élaboration d'une vision stratégique commune, qui repose sur la performance de l'équipe sur le long terme. Aujourd'hui, la donne change. L'ouverture économique du Maroc, la montée des startups, la transformation numérique et l'ambition africaine imposent un nouveau paradigme : la performance humaine devient stratégique. Les entreprises recherchent désormais des équipes capables de penser vite, de s'adapter, d'innover et de collaborer. Or, toutes ces qualités reposent sur un facteur invisible : le cerveau, cet organe souvent dénié dans les stratégies managériales, mais qui reste le véritable chef d'orchestre de la performance humaine en général, et dans la productivité en particulier. C'est lui qui régule la créativité, la gestion du stress, la motivation et la persévérance — autrement dit, toutes les composantes de la réussite et du leadership moderne. Le travail acharné, la résilience et la vision stratégique émergent du même endroit : un cerveau entraîné à fonctionner dans la productivité accélérée plutôt que dans la survie. Si l'on n'apprend pas à le comprendre, le protéger et l'optimiser au sein même de l'entreprise, et à intégrer cette conscience dans la culture organisationnelle, la durée de vie des entreprises s'en trouvera réduite. Une entreprise fonctionne comme un organisme vivant : si son cerveau — c'est-à-dire sa direction et sa culture — tombe malade, tout le système s'affaiblit. Prenons l'exemple d'une personne malade qui choisit d'ignorer sa maladie. Elle continue de vivre comme si de rien n'était, sans traitement ni prévention. À court terme, elle tient encore debout, mais à moyen ou long terme, son système immunitaire s'affaiblit : soit elle finit par développer des complications graves, soit elle survit dans un état de fragilité constante, incapable de fournir un effort soutenu, de voyager ou de progresser. À l'inverse, une personne qui reconnaît son état, se soigne et préserve son équilibre, assure la durabilité de sa santé et de sa vitalité. C'est exactement ce qui se passe dans une entreprise. Lorsqu'une organisation souffre de problèmes de performance, de désorganisation ou de conflits internes et qu'elle choisit d'ignorer ces signaux, elle met en danger sa propre immunité économique. Elle risque soit une mort rapide — faillite, perte de réputation, effondrement hiérarchique — soit une longue survie douloureuse, marquée par des crises financières et organisationnelles chroniques. En revanche, une entreprise qui accepte de se diagnostiquer, d'analyser ses tensions humaines et d'investir dans la santé psychologique de ses équipes construit les bases d'une croissance durable, saine et lucide. Selon Deloitte (2023), 77% des dirigeants mondiaux ont connu un épuisement mental sévère au cours des douze derniers mois. Certaines multinationales en ont payé le prix fort : le scandale de France Télécom, dans les années 2000, a révélé les effets destructeurs d'un management déshumanisé, entraînant des drames humains et une crise mondiale de réputation. Plus récemment, WeWork ou Boeing ont subi des effondrements organisationnels dont les racines étaient avant tout psychologiques et managériales, et non économiques. Ces exemples s'inscrivent dans une longue liste d'organisations, parfois florissantes, qui chaque jour paient le prix du déséquilibre psychologique interne Dans ce contexte, la psychologie d'affaires s'impose comme un nouveau langage de la réussite. Elle analyse les dynamiques invisibles du pouvoir, de la motivation, de la peur et du leadership. Les entreprises qui l'intègrent gagnent en lucidité, en cohésion et en stabilité. Selon Harvard Business Review, les structures qui investissent dans la psychologie organisationnelle enregistrent jusqu'à 30% de performance supplémentaire et un taux de fidélisation accru de 40%. Le Maroc, par sa position géographique et culturelle, peut devenir un pionnier de ce nouveau modèle africain de leadership conscient. Les entreprises marocaines, longtemps guidées par des schémas hérités du passé, ont désormais l'opportunité de bâtir des organisations émotionnellement intelligentes, où le facteur humain devient un levier stratégique plutôt qu'un risque à gérer. C'est dans cette logique que s'inscrit Elaabassi Psy Africa, première société marocaine dédiée à la psychologie d'affaires et organisationnelle. Nous accompagnons les entreprises dans la prévention du stress professionnel, la sélection psychotechnique des talents et le développement du leadership lucide. Notre mission : allier science, conscience et performance durable. Nous croyons que la santé psychologique est un capital immatériel aussi précieux que la trésorerie ou la réputation. À long terme, les entreprises qui sauront investir dans leur dimension psychologique et psychotechnique seront celles qui dirigeront l'économie marocaine et africaine de demain. En conclusion, le Maroc et l'Afrique francophone ont une chance historique : celle d'intégrer la psychologie dans leur culture managériale avant que les crises ne s'en chargent. Ce n'est pas un luxe, mais une nécessité économique et humaine. La réussite durable ne se mesurera plus uniquement en chiffres d'affaires, mais en qualité mentale des dirigeants, solidité émotionnelle des équipes et intelligence collective. Parce qu'avant d'être un centre de profit, une entreprise est d'abord un organisme vivant, et sa survie et sa réussite dépendent de la santé de son cerveau.