Beaucoup d'entrepreneurs finissent par s'habituer aux impayés comme si c'était une fatalité. Pourtant, derrière chaque chèque en bois, il y a une petite entreprise fragilisée, un patron inquiet, une trésorerie qui vacille. Le phénomène ne faiblit pas, malgré les lois qui se durcissent année après année. En 2024, plus de 776.000 chèques ont été rejetés pour absence ou insuffisance de provision. Un chiffre important que le taux officiel de rejet (3,23%) camoufle mal. La réalité, elle, se lit sur les devantures : «Chèques non acceptés», «Seuls les chèques certifiés»… Le chèque, jadis symbole de confiance, est devenu suspect. Rien d'étonnant quand on sait que 82% des chèques impayés concernent des montants de 1.000 à 50.000 dirhams, des sommes vitales pour des structures qui vivent souvent au jour le jour. Pour beaucoup de TPE, un impayé de 15.000 ou 20.000 dirhams suffit à créer un «trou» dont on ne se relève pas. Et si le chèque inquiète, la lettre de change relève carrément du paradoxe. 618.000 traites impayées ont été recensées l'an dernier, dont près de 90% faute de provision. Le plus surprenant est qu'un tireur de traite non provisionnée n'encourt aucune sanction. Résultat : les abus se multiplient, et les plus petites entreprises, une fois encore, encaissent le choc. Ces impayés à répétition n'ont rien d'anecdotique : ils minent la confiance, crispent les relations commerciales et plombent la vitalité économique du pays. On parle souvent d'accompagnement des TPE, de digitalisation et de réformes. Mais tant que cette hémorragie silencieuse perdurera, nombre d'entre elles continueront de tomber, non par manque d'ambition, mais par manque... de provisions chez leurs clients. Hicham Bennani / Les Inspirations ECO