La loi 03.23 modifiant le Code de procédure pénale est entrée en vigueur ce lundi. Présentée comme une avancée majeure, elle rebat les cartes de la garde à vue, renforce les droits des justiciables et inscrit la réforme judiciaire dans l'agenda stratégique du Maroc à l'horizon 2030. L'instant ressemble à un basculement attendu depuis des années. En entrant en vigueur ce lundi, la loi 03.23 vient s'interposer dans le quotidien de la justice marocaine avec une ambition claire, celle de moderniser en profondeur les pratiques, d'encadrer les moments les plus sensibles du parcours judiciaire et de renforcer la confiance du public. Le ministère de la Justice parle d'un moment historique qui illustre la volonté politique forte du Royaume d'ancrer l'Etat de droit, un choix assumé qui place la réforme pénale au cœur d'un vaste chantier institutionnel engagé pour accompagner les mutations du pays. Une loi qui change la mécanique du procès Publiée au Bulletin officiel le 8 septembre 2025, la loi 03.23 s'aligne sur les Hautes Orientations Royales qui appellent à une politique pénale modernisée et à une protection accrue des libertés. Les juristes y voient un texte charnière qui revisite plusieurs équilibres essentiels du procès pénal, en particulier les droits de la défense, la présomption d'innocence et l'exigence d'être jugé dans un délai raisonnable. Dans son communiqué, le ministère parle d'une avancée majeure dans le renforcement des garanties d'un procès équitable. Le texte élargit l'accès à l'assistance juridique et consacre une lecture plus rigoureuse des droits du justiciable, ce qui répond à des revendications anciennes des avocats, du CNDH et des ONG. Les zones les plus sensibles reconfigurées La réforme touche au cœur des pratiques judiciaires. La garde à vue, moment souvent critiqué pour son opacité, est désormais encadrée par de nouveaux garde-fous. La personne concernée doit être informée de ses droits, peut contacter un avocat et accéder à un service de traduction si nécessaire. La prolongation de cette mesure requiert une motivation explicite, ce qui marque une rupture avec une pratique longtemps dénoncée comme automatique. La détention préventive connaît le même resserrement. Elle est réservée aux situations strictement nécessaires et doit être appuyée par une justification détaillée. Le texte ouvre la voie à des mesures alternatives modernisées, comme le contrôle judiciaire renforcé ou le bracelet électronique, une évolution jugée cruciale pour désengorger les établissements pénitentiaires. Les victimes voient aussi leur place évoluer. Elles disposent d'un droit à l'information sur l'évolution de la procédure, d'un accompagnement juridique et social et d'un dispositif renforcé pour les femmes et enfants victimes de violence. Pour le ministère, ces avancées traduisent une volonté d'humaniser la justice et de repositionner la victime comme acteur à part entière. La réforme dépasse la seule technique juridique. Le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, insiste sur sa portée politique en affirmant que cette loi constitue un pilier essentiel de la dynamique de réforme majeure engagée par notre pays. Il précise que la modernisation du système judiciaire et la garantie d'une sécurité juridique renforcée représentent des facteurs décisifs pour accroître l'attractivité internationale du Maroc. Dans la perspective de la Coupe du monde 2030, le gouvernement veut afficher une justice plus lisible, plus prévisible et plus conforme aux standards internationaux. Le ministre affirme que la réforme de la procédure pénale n'est pas un simple ajustement technique, mais un choix sociétal et politique visant à consacrer une justice efficace et équilibrée. Autre nouveauté, la création d'un Observatoire national de la criminalité qui fournira des données renouvelées et harmonisées pour éclairer la politique pénale. Le ministère présente cette structure comme un outil scientifique d'orientation stratégique, appelé à moderniser la décision publique dans un domaine longtemps dépourvu de statistiques consolidées. Une réforme ambitieuse qui entre dans sa phase de vérité La loi 03.23 est présentée comme une pierre angulaire du chantier national de modernisation de la justice. Elle est aussi le résultat d'un processus participatif impliquant magistrats, avocats, institutions publiques et société civile. Le communiqué du ministère affirme qu'elle reflète la confiance de l'Etat dans ses institutions et sa capacité à conduire des transformations de grande envergure. Reste désormais la phase la plus déterminante, celle de la mise en œuvre. Elle dépendra de la formation des professionnels, de l'adaptation des infrastructures, de la diffusion des nouveaux outils procéduraux et de la coordination entre les institutions. Les ambitions sont élevées, et le gouvernement assume cette trajectoire en affirmant que cette réforme accompagnera les ambitions du Nouveau modèle de développement et consolidera la vision du Royaume pour le Maroc de 2030. Faiza Rhoul / Les Inspirations ECO