Professeure – HEC Business School Rabat À chaque flambée du prix du pétrole, les effets se font rapidement sentir au Maroc : hausse des prix à la consommation, pression sur le budget de l'Etat et ralentissement de l'activité économique. Dans un contexte international marqué par une forte volatilité des marchés énergétiques, la question du pétrole redevient centrale. Mais pourquoi exerce-t-il une influence aussi forte sur la croissance du pays ? Et surtout, peut-on réduire cette dépendance ? Une économie structurellement dépendante du pétrole Le Maroc est un importateur net d'énergie. Près de 95% de ses besoins énergétiques sont couverts par les importations, principalement sous forme de pétrole et de produits dérivés. Cette dépendance structurelle rend l'économie nationale particulièrement vulnérable aux fluctuations des prix internationaux. Lorsque le prix du baril augmente, la facture énergétique s'alourdit immédiatement. À l'inverse, une baisse des prix peut offrir un répit temporaire, sans pour autant résoudre le problème de fond : une exposition durable aux chocs externes. Comment le pétrole agit-il sur l'économie marocaine ? L'impact du pétrole ne se limite pas au prix du carburant à la pompe. Il se diffuse à l'ensemble de l'économie à travers plusieurs mécanismes interdépendants. La hausse de son prix entraîne une augmentation des coûts de transport, de production et d'importation. Ces surcoûts sont progressivement répercutés sur les prix des biens et services, alimentant l'inflation et réduisant le pouvoir d'achat des ménages. Parallèlement, l'alourdissement de la facture énergétique contribue au creusement du déficit commercial. Les importations d'énergie augmentent plus rapidement que les exportations, ce qui fragilise l'équilibre des échanges extérieurs. Ces déséquilibres exercent également une pression sur le taux de change. Dans un contexte de dépendance énergétique élevée, la dégradation de la position extérieure limite la capacité de l'économie à maintenir une croissance stable. Plus le pétrole est cher, plus les marges de manœuvre économiques se réduisent, rendant la croissance plus vulnérable aux chocs externes. Ce que montrent les données récentes L'analyse des données économiques nationales sur la période récente met en évidence un lien étroit entre variations des prix du pétrole, évolution de l'inflation, situation de la balance commerciale et dynamique de la croissance économique. Les résultats montrent que les fluctuations du prix de l'or noir précèdent souvent celles de la croissance, traduisant l'existence d'un effet de transmission significatif vers l'activité économique. Les chocs pétroliers se répercutent également de manière mesurable sur l'inflation et sur le commerce extérieur, en alourdissant la facture énergétique et en accentuant les déséquilibres commerciaux. Malgré les efforts engagés en matière de diversification économique et de transition énergétique, la croissance du pays demeure ainsi sensible aux évolutions du marché pétrolier international. Autrement dit, même si l'économie nationale s'est modernisée et s'est progressivement orientée vers les services, elle reste exposée aux aléas énergétiques mondiaux. Des efforts certains mais encore insuffisants Depuis plusieurs années, le Maroc a engagé une stratégie ambitieuse de transition énergétique, notamment à travers le développement des énergies renouvelables (solaire et éolien). Ces initiatives vont dans le bon sens et contribuent progressivement à réduire la dépendance énergétique. Cependant, les données montrent que cette transition n'a pas encore permis de neutraliser totalement l'impact des chocs pétroliers sur la croissance. La vulnérabilité demeure, en particulier à court et moyen terme. Quels leviers pour renforcer la résilience économique ? Face à cette réalité, plusieurs leviers apparaissent essentiels pour renforcer la résilience de l'économie marocaine face aux chocs pétroliers. L'accélération de la transition vers les énergies renouvelables et l'amélioration de l'efficacité énergétique constituent un axe prioritaire, en permettant de réduire progressivement la dépendance aux importations de pétrole et d'atténuer l'impact des fluctuations des prix internationaux. Parallèlement, le renforcement des politiques de maîtrise de l'inflation demeure indispensable afin de limiter les effets de la hausse des coûts énergétiques sur les prix à la consommation ainsi que sur le pouvoir d'achat des ménages. L'amélioration de la compétitivité des exportations représente également un levier majeur. En diversifiant la structure des exportations et en renforçant la valeur ajoutée des secteurs productifs, le Maroc peut réduire le déficit commercial et améliorer sa position extérieure. Enfin, la consolidation des politiques macroéconomiques joue un rôle clé dans l'absorption des chocs externes. Une gestion prudente des finances publiques, une politique monétaire adaptée et une meilleure coordination des instruments économiques permettent de préserver la stabilité macroéconomique et de soutenir une croissance plus résiliente et durable. Le prix du pétrole reste un facteur clé de la croissance économique au Maroc. Tant que la dépendance énergétique persiste, chaque hausse du baril constitue un risque pour la stabilité économique. La transition énergétique n'est donc pas seulement un enjeu environnemental. Elle représente aussi un levier stratégique de croissance, de résilience et de souveraineté économique. Réduire la vulnérabilité aux chocs pétroliers, c'est renforcer la capacité du Maroc à construire une croissance plus stable, plus durable et mieux maîtrisée.