Couple séparé depuis plus de vingt ans, les jeux de l'amour et du hasard, les placent dans une situation inattendue, alors que le temps aidant et les aléas de la vie sont passés par là. Quelle femme trompée, lâchement abandonnée, détruite par ce que les magazines féminins appellent aujourd'hui, un « pervers narcissique », n'a rêvé de voir revenir son époux, rampant, cassé par l'existence, à l'agonie, la suppliant de lui porter secours ? C'est le sésame rêvé, qui se présente un jour à la porte de Séverine Chapuis, éditrice littéraire de renom, femme mûre à qui tout a réussi, depuis que son époux Jean-Pierre, l'a quittée. Elle a construit à force de ténacité et de travail, un édifice, sa maison d'édition, qui encourage et publie les auteurs de talent. Amoureuse de son directeur des finances, Patrice (Jean Barney), elle file le parfait train de vie. La mise en scène, signée Jean-Luc Moreau, nous invite à pénétrer l'univers parisien du sérail littéraire, ainsi que chaque maillon de la chaîne participant à cette vie de livre. On aime la désinvolture du jeune Guillaume (Arthur Fenwick), le coursier ; le mélange d'acuité et de légèreté du lecteur Gaëtan (Jean Franco), incarnant le gay pouvoir, le personnage du prof introverti et torturé, Liebovski, campé par Jean-Yves Roan. On est moins surpris par le personnage attendu, suffisant, fourbe, de Patrice (Jean Barney), qui entretient une relation avec la secrétaire de Séverine, Célia. Tout est au mieux dans le meilleur des mondes, jusqu'au au moment où débarque l'ex-mari de Séverine, Jean-Pierre. Parce qu'elle est femme, magnanime, et qu'elle ne « sait pas dire non », faiblesse, que Jean-Pierre, lui a toujours reconnue, Séverine, accepte d'embaucher son ex-mari, sur le carreau et complètement dépité, il n'est plus le sniper, qui a géré du temps de sa période professionnelle faste des « patrimoines de pharaon » . Cette femme, jadis, détruite dans sa chair par cet homme qu'elle a aimé sans doute plus qu'elle même, consent, à l'employer, comme… technicien de surface. Jean-Pierre est en charge de « nettoyer les chiottes » et surtout de la boucler : personne ne doit savoir qu'il est « l'ignoble salaud », et ex-mari de la patronne. A partir de ce moment, l'auteur, Eric Assous, en adéquation avec l'air du temps, nous rappelle la précarité ambiante des salariés français, le manque d'estime réservé aux quinquagénaires sur le marché de l'emploi, l'absence de perceptives professionnelles, la case RSA (ancien RMI), mais aussi, le petit patronat étranglé par les charges… Pour le metteur en scène, Jean-Luc Moreau, «Le Technicien est une pièce d'Eric Assous…. Et cela suffit pour m'enthousiasmer…. Un nouvel univers de mots, de situations, de quiproquos, que va servir une troupe d'acteurs dont je connais le talent. En tête le duo Maaike Jansen – Roland Giraud… Mes amis ! Nous nous sommes fidèles, et notre travail est studieux et joyeux. Nous sommes en confiance, et la mise en scène se noue dans la complicité. Le technicien est une comédie pure, un divertissement dont les ressorts sont cette magistrale connaissance qu'Eric Assous a de l'âme humaine… De ses désordres, de ses charmes… Le tout est d'en rire. » Voilà, ami lecteur, tant que les hommes et les femmes continueront de s'aimer, bien, mal, cela donnera lieu à la création, à l'émotion, au divertissement. Et comme aimait à le dire Musset dans « On ne badine pas avec l'amour » : «Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux et lâches, méprisables et sensuels ; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées ; le monde n'est qu'un égout sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange ; mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c'est l'union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux». [...]