Le Maroc et l'Ukraine signent un accord de transport routier international    Es-Smara : En revendiquant son attentat, le Polisario confirme son caractère terroriste    Sahara : La cavalcade solitaire de Giorgia Meloni en Europe    Le Polisario défie Washington par ses attaques contre le Sahara marocain    Chine: Des robots humanoïdes disputent des matchs de football en préparation des Jeux mondiaux    Le Maroc pour des corridors de transport Afrique-Turquie, dans une logique de durabilité, de résilience et d'inclusivité    Sidi Hajjaj : La future LGV suscite des interrogations chez les riverains    ONHYM : Première pierre de la réforme du secteur public    Rabat : Conférence de presse dédiée à la présentation des premières Assises nationales de l'Intelligence artificielle    Le Parlement arabe souligne le rôle important de S.M. le Roi dans la défense de la cause palestinienne    Brésil : Belém accueillera bien la COP30 malgré les critiques sur les coûts « exorbitants » d'hébergement    La BM et l'AIEA veulent promouvoir l'utilisation de l'énergie nucléaire dans les pays en développement    Un bateau de course français retrouvé à Tan-Tan un an après son naufrage    Le Maroc envisagerait l'acquisition du système de missiles sol-air Patriot    L'Olympic Safi remporte la Coupe du Trône aux dépens de la Renaissance de Berkane    Fès : Abdellatif Hammouchi supervise les dispositifs de sécurité de la finale de la Coupe du Trône    Coupe du Trône : Trains spéciaux pour les supporters de l'OCS et de la RSB    Prépa. CDM (F) U17 Maroc 25 : Nouvelle victoire des Lioncelles face aux Norvégiennes !    Météo : Des records de température battus dans plusieurs villes marocaines    Températures prévues pour le lundi 30 juin 2025    Agadir : Les Pavillons perdus de vue depuis des années    La dialyse péritonéale : Une méthode d'épuration rénale à développer au Maroc    Mawazine 2025 : ElGrande Toto pulvérise OLM Souissi    Casablanca : le Salon du Livre d'occasion fait son retour après cinq ans de hiatus    MAGAZINE - Hommage : Amir, Hamid, Ayoub à Marrakech    Casablanca Music Week: Ambiance survoltée à La Casablancaise    Le Maroc capte plus de 2,4 milliards de dirhams d'exportations irlandaises    Au Nigeria, le groupe OCP cofinance une rénovation de 325 millions de dirhams de l'usine d'engrais de Bauchi    Rabat reçoit le 29 juin une mission saoudienne en quête de nouveaux débouchés africains    La police judiciaire d'Agadir arrête deux Britanniques recherchés pour homicide et infractions judiciaires    Congrès du PJD à Casablanca : de grands slogans face à la réalité d'un parti en crise    Séville: M. Akhannouch représente SM le Roi à la conférence de l'ONU sur le financement du développement    Le Maroc tourne-t-il la page d'Abdeslam Ahizoune ? De Maroc Telecom au Festival Mawazine et à la Fédération d'Athlétisme    Laâyoune : le secrétariat d'Etat dément toute atteinte aux ressources halieutiques    Guerre de 12 jours: l'Iran demande à l'ONU de reconnaître la "responsabilité" d'Israël et des Etats-Unis    L'Iran dit avoir de "sérieux doutes" sur le respect du cessez-le-feu par Israël    Mondial des clubs: Chelsea élimine Benfica après prolongation et rejoint Palmeiras en quarts    Magazine. Boudchar fait changer 200.000 passionnés    Sherine en playback, public en colère : le festival Mawazine déraille    CMW : un concert flamboyant avec Hussain Al Jassmi et Rahma Riad    Une délégation de la Gendarmerie Royale visite le Musée de la Gendarmerie nationale française dans le cadre du renforcement de la coopération    Le ministre chinois des AE rencontre les envoyés de l'UE et de ses Etats membres    Futsal : Les Lionceaux U17 survolent le tournoi de Castro del Río    Le Maroc conclut un accord de transport routier avec l'Ukraine à Istanbul    Agadir: interpellation de deux ressortissants britanniques faisant l'objet de mandats d'arrêt internationaux    Foot féminin: Le Maroc s'impose face à la Tanzanie    Majida El Roumi submergée par l'émotion à Rabat adresse un message touchant au Roi Mohammed VI : « Notre amour pour le Maroc est un attachement unique »    Benguérir : Interpellation de deux individus pour outrage à des policiers    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Salim Jay : Une photographie de Farid avec Mohamed Choukri
Publié dans Le Soir Echos le 15 - 03 - 2010

C'est une petite photographie prise en polaroid dans un café de Rabat, il y a une bonne vingtaine d'années. Mohamed Choukri est assis devant un verre de «Stork». Choukri et Farid, mon frère jumeau, sont côte à côte. L'auteur du Pain nu a la main droite posée sur l'épaule de Farid. Tandis que mon frère semble fixer le photographe d'un air surpris, Choukri a le regard de quelqu'un qu'on n'aura pas. Les deux amis protestent de leur bonne foi. Farid n'a pas encore commencé de boire le verre de lait qu'il tient dans la main. Choukri lisait volontiers les poèmes que Farid publiait dans un quotidien. 
L'un d'eux, en 1981, s'intitulait Dans les coulisses de l'oubli :   «Je me souviens, écrivait-il, d'un jardin où sur un banc s'échouait le fracas des rêves. Nous étions assis dans l'improbable (…) Façades frisées de mémoire, ébullition de pupilles, cils des remords que la terre étourdit.»  
Le chagrin de la disparition de Mohamed Choukri nous laissa quelque peu interdits. J'entendais dans le texte de Farid sa quête obstinée d'images, de suggestions ineffables. Barthes, cité par le «Robert» disait : «On se débarrasse des intellectuels en les envoyant s'occuper un peu de l'émotion et de l'ineffable» 
Poète, Farid avait le sens et le goût du beau.
Quelques-uns de ses textes ont paru dans un petit volume tiré à cinquante exemplaires aux éditions Le Vieux logis (Longué, France) à l'initiative de Daniel Couturier qui remarque en couverture :
«La puissance de transformation de la poésie n'abolirait-elle pas les limites du possible ? 
C'est à ce ferme et insaisissable espoir que Farid Jay semble s'accrocher» Farid , hélas, décéda en mai 2008. Il avait pignon sur une rue intérieure où la poésie  coule de source. Je lui avais demandé de me raconter une anecdote qu'il tenait de Choukri. Après réflexion, il se lança : «Choukri m'a raconté un jour avoir dit à quelqu'un qui voulait lui emprunter Histoire de la folie de Michel Foucault : «Si tu veux de ce livre, il faut me donner 100. 000 francs. Sinon, tu repartiras les mains vides».  
   Quand manque quelqu'un comme Mohamed Choukri, un sentiment d'immense tristesse fond sur vous, les premiers jours, avant que cette tristesse ne se résolve en chagrin. «La vie m'a blessé, elle me caresse désormais», nous disait-il à Tanger en janvier 2003. La caresse a fulguré en plusieurs cancers…
Je pense à Farid plus souvent qu'à Choukri, mais j'aime songer à ce que furent leurs rencontres.
Resongé à l'auteur du Pain nu en voyant  l'adaptation théâtrale de Tristessa  de Jack Kerouac avec Francis Arnaud. Choukri avait connu Kerouac à Tanger. Tristessa  parle d'une femme, au Mexique, et d'un homme hanté par cette femme. Il y a quelques années,  j'écoutais ce monologue en compagnie d'un jeune comédien marocain si populaire que, dans tous les quartiers de Paris, nous ne pouvions faire deux cents mètres sans que des Marocains ne le saluent, des sourires plein les yeux. Abdessamad Miftah El Kheir me disait : «Quand je lis Le Pain nu, je me dis que Mohamed Choukri a déclaré sa pauvreté pour montrer sa richesse.»
Cette richesse faite de liberté abrupte, c'est le cadeau inestimable de Mohamed Choukri aux lecteurs de langue arabe ou de chacune des trente neuf langues en lesquelles il a été traduit. Arquebusier du véridique, il scandalisait les bien-pensants et épatait les autres.  Il apportait une brassée d'expériences où la déroute côtoie le triomphe, Mohamed Choukri ne cessera de prendre ses lecteurs à témoin de sa passion d'homme libre.
 Le ton inimitable du promeneur dans son labyrinthe tangérois produira longtemps son effet de douleur exquise à la lecture du roman Zoco Chico qu'un jeune éditeur belge révéla en français, en 1995, dans une traduction de Mohamed El Ghoulabzouri. Le charme de la langue arabe dont use Mohamed Choukri, rythmée, vivante, vibrante, chaque mot avançant comme un pion offensif, chaque mot nécessaire contribuant à l'emporter haut la main, je l'entends encore tel que Miftah El Kheir m'en fournissait la preuve en lisant Choukri à haute voix, comme on salue haut et fort.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.