En Espagne, les actes terroristes commis par le Polisario sont rarement évoqués par les pouvoirs publics et les partis politiques. Un mutisme qu'un centre de recherche marocain essaie de briser. Au Maroc, l'«Observatoire national des études stratégiques» appelle l'Etat espagnol à lancer une enquête parlementaire sur les attaques terroristes perpétrées par le Polisario contre des «civils et marins espagnols». «Ces attaques, corroborées par les témoignages des victimes et de leurs familles, ont causé de nombreux décès et blessés parmi les marins civils, qu'ils soient espagnols ou marocains. Certains ont même été enlevés et détenus dans les camps de Tindouf. Ces opérations, menées avec des armes lourdes, s'inscrivent dans la définition internationale du terrorisme, ce qui justifie une réévaluation officielle de cette période», affirme le centre de recherche dans une lettre adressée au chef du gouvernement, Pedro Sanchez, à la présidente de la Chambre des représentants, Francina Armengol, à la ministre de la Défense, Margarita Robles, et au ministre des Affaires étrangères, José Manuel Albares. Cette démarche suit l'appel lancé le 11 août par le think-tank marocain, exhortant «tous les Etats à adopter une approche similaire à celle du Congrès américain concernant la désignation du Front Polisario comme organisation terroriste». 300 victimes espagnoles attendent une reconnaissance En avril, les députés Joe Wilson, républicain, et Jimmy Panetta, démocrate, ont présenté une proposition de loi en ce sens, bien que le Polisario n'ait tué que cinq ressortissants américains, comme le rappelle Robert Greenway, directeur du Centre Allison pour la sécurité nationale à la Heritage Foundation, une institution influente auprès du Parti républicain de Donald Trump. Les actes terroristes du Polisario en Espagne, commis dans les années 70 et 80, demeurent un sujet presque tabou. Contrairement aux attentats de l'organisation basque ETA, du MPAIAC (Mouvement pour l'autodétermination et l'indépendance des Iles des Canaries), fondé à Alger par Antonio Cubillo (1930-2012), ou des groupes jihadistes, ceux signés par le Polisario semblent bénéficier d'une certaine indulgence de la part de la classe politique et des médias ibériques. Pourtant, la loi 29/2011 publiée au Bulletin officiel de l'Etat espagnol du 22 septembre 2011 «rend hommage aux victimes du terrorisme et exprime son engagement permanent envers toutes les personnes qui en ont souffert ou pourraient en souffrir. Cette loi est un signal de reconnaissance et de respect, ainsi qu'un devoir de solidarité (...) et d'effort partagé pour la réparation des victimes et de leurs familles», lit-on dans son préambule. Néanmoins, les victimes du terrorisme du Polisario se disent «méprisées et abandonnées» par les autorités publiques, avait dénoncé, en février 2024, l'Association Canarienne des Victimes du Terrorisme (ACAVITE). L'ONG avait alors regretté le faible soutien financier des pouvoirs publics à ses actions, tandis que ceux-ci financent généreusement les activités du Polisario. L'ACAVITE avait condamné «un flagrant deux poids, deux mesures». L'ACAVITE, créée en 2006, estime à 300 le nombre de victimes du terrorisme du Polisario, qui attendent une reconnaissance officielle.