Autant que le gouvernement, l'opposition institutionnelle se cherche ! Il lui faut fédérer ses forces pour constituer un bloc à la cohérence et la solidité de marbre et être une force de proposition... Nous n'y sommes pas encore, mais plutôt dans un vase clos caractérisé par une certaine inertie ! A quoi ressemble de nos jours la politique au Maroc ? Sans doute l'interrogation paraîtrait-elle d'emblée saugrenue. Toutefois, elle taraude bien des esprits et, pour peu que l'on y regarde de plus près, elle nous interpelle. Il y a bientôt un an, presque jour pour jour, que le Maroc entrait de plain-pied dans une campagne électorale dont la caractéristique essentiel à l'époque est qu'elle allait changer son visage et, partant, finir par donner la victoire au PJD. Tous ceux et celles qui redoutaient ou souhaitaient « mezzo voce » son triomphe, et quelle que soit leur position, en ont eu, chacun à sa manière, pour leur grade. Voilà donc dix mois que la coalition gouvernementale, à dominante islamique, a pris la relève à la tête du pays. Hétéroclite de par sa composition – car elle regroupe côte à côte les islamistes, la droite traditionnelle en mal de reconversion et une partie la gauche fourvoyée – elle reste solidaire par principe. Or, de l'unité organique, elle n'a que l'apparence, tant il est vrai que le vent de la discordance la menace à tout moment. A telle enseigne, et ce n'est pas nouveau, que le chef du gouvernement est enclin de rappeler régulièrement les uns et les autres à l'ordre et à réaffirmer à tout bout de champ la sacro sainte règle de la « discipline gouvernementale ». Après s'être accommodé des tirs croisés qui, tout au long de ces dix mois, ont fait le miel d'une aguichante actualité concernant les agréments, les carrières de sable, les primes de fin d'année à un ministre de l'Economie et des finances et à l'ancien directeur général des impôts, des divers procès en sorcellerie et de la vindicte populiste, la classe politique semble se prêter à présent à un réalisme de bon aloi. Parti sur le feu de l'action, le PJD a bien entendu revendiqué le « droit d'inventaire » des majorités gouvernementales qui l'ont précédé. Il en a même fait un mode d'emploi, jouant tour à tour l'imprécation et l'effet de manche. Il aura, en tout cas, réussi à alimenter les manchettes de certains organes de presse et les nombreux sites de journaux électroniques. Cela dit, rien non plus ne peut l'exonérer au « devoir d'inventaire » que l'opposition ou l'opinion pourraient lui réclamer. Le Maroc , dont l'histoire trempe dans la durée des énergies , des éternels défis et d'une longue quête unitaire, ne change pas pour si peu. Tant s'en faut. Pourtant, excepté l'irréductible attachement à la Monarchie et le dogme de l'intégrité territoriale, l'unanimité n'a jamais constitué sa règle essentielle, mais plutôt l'exception ! On n'a cessé tout au long des longs mois qui ont précédé les élections de septembre 2007, remportées par le parti de l'Istiqlal et celles de novembre 2012 par le PJD, de nous rebattre les oreilles sur le salutaire changement d'équipe, de gestion voire d'hommes, porteurs de renouveau et réformateurs ! Si tant est que l'on puisse faire preuve d'optimisme béat, non seulement le progrès a été très lent et n'est pas encore au rendez-vous, mais les engagements pris publiquement pendant la campagne électorale semblent être renvoyés aux calendes grecques. Demain sera meilleur...Pour l'instant, contentons-nous des proses et monologues éblouissants. Il reste que le gouvernement ne porte pas seul la totale responsabilité de ce glissement vers l'autosatisfaction triomphaliste, pire que le contentement...Une certaine opposition – faite de grands partis comme l'USFP, le RNI, le PAM et l'UC et une multitude d'autres petites formations – ne semble guère en état d'assumer son rôle. Là aussi, la béance meuble les comportements et plombe les initiatives. Quant aux petites formations, y compris celles qui par chance se prévalent de justifier le fameux seuil des 5 % au parlement, autant leur nombre et leur multitude faussent irrémédiablement le jeu des cohérences politiques, autant ils sont réduits à une peau de chagrin. Beaucoup d'entre eux croient jouer la « force du centre » capable de déterminer les alliances comme dans un puzzle. Mais c'est un jeu à somme nulle. Il sont le « centre ontologique », parce que devenus tout simplement petites sommes d'appoint. Parce que le PJD a arraché 27,8 % des suffrages le 25 novembre 2011, ses supporters, outre crier victoire sur un ton de revanche, ont cru aussi par la même occasion et non sans une certaine arrogance, sonner un peu trop vite le glas de tout ce qui s'apparentait à l'ancien régime politique ! En septembre 2007, avec un taux d'abstention aggravé et choquant, le parti de l'Istiqlal avait obtenu 10,7 % des voix, deux points en moins que le PJD...Il a pourtant été choisi pour former le gouvernement. L'un et l'autre des deux partis, chouchoutés à tour de rôle par les électeurs en cinq ans d'intervalle, ne se sont pas fait faute de claironner leur volonté de « recomposer le paysage politique et de partir à l'assaut de la corruption » ! L'Istiqlal a déchanté au bout de cinq ans, après avoir plongé et épuisé le pays dans l'immobilisme qu'incarnait un Premier ministre, ci-devant secrétaire général au mol consensus. Le PJD en est encore à l'amer désenchantement annoncé, avant de passer au cycle du purgatoire, sur fond d'une colère amplifiée par des revendications sociales exacerbées et des grèves qui inclinent le gouvernement à réagir , qui font aussi le lit de la politique des promesses et des belles intentions. Son arrivée au pouvoir en janvier dernier n'a-t-elle pas laissé d'abord croire à une contre tendance ? * Tweet * *