Le Conseil focalise désormais son action sur le respect des droits économiques et sociaux. Herzenni empiète sur la plate-bande des associations et autres organisations de défense des droits de l'Homme, voire des syndicats. Le CCDH décide de passer à la vitesse supérieure. Son président, Ahmed Herzenni, tourne définitivement la page des droits politiques et entame le chantier de la deuxième génération des droits de l'Homme, en l'occurrence, économiques et sociaux. Et cela, avant de s'attaquer, dans un avenir très proche, aux droits culturel et linguistique. C'est, en substance, le contenu des déclarations du président du CCDH lors de la présentation d'une enquête conjointe réalisée avec le PNUD. Enquête qui porte sur le «droit au développement» dont les résultats, précise Ahmed Herzenni, devraient être soumis incessamment au débat public. Aux dires des responsables de cette instance, « le CCDH accorde un intérêt tout particulier aux Droits économiques, sociaux et culturels (DESC), au point d'en faire l'axe prioritaire de sa nouvelle orientation». Pourquoi une telle réorientation ? Selon certains observateurs, le CCDH aurait atteint ses limites quant à la concrétisation des recommandations de l'IER, texte qui regroupe les principales revendications d'ordre politique : lutte contre l'impunité, séparation des pouvoirs et autres réformes constitutionnelles. Pour le CCDH, «la scène publique marocaine connaît, actuellement, une recrudescence de la revendication à caractère socio-économique (emploi, santé, services de bases, éducation, etc.) et culturel (linguistique notamment). Sous l'impulsion d'acteurs de la société civile, ce type de revendication ne cesse de prendre de l'ampleur et augure d'un avenir où un «droit au développement, dans son acception la plus large, pourrait constituer l'enjeu majeur du débat public au Maroc». L'excuse est donc toute trouvée. En effet, précise-t-on auprès du CCDH, «c'est dans ce contexte, et au vu de ces constats, que le CCDH a mené, en partenariat avec le PNUD, une étude consacrée à la thématique du Droit au développement au Maroc». Cette étude ne traite pas, prévient le Conseil, de l'ensemble des droits énoncés par le Pacte international relatif aux DESC, ni de tous les Objectifs du Millénaire. «Elle est consacrée aux droits relevant de quatre secteurs jugés prioritaires au vu de l'état du développement humain au Maroc, à savoir : l'emploi, l'éducation, la santé et le logement». Des secteurs, tient à préciser cette institution, «à la fois objet de revendications récurrentes, déterminants pour la stabilité sociale et désormais prioritaires en termes d'engagement budgétaire». Ce sont aussi des secteurs sur lesquels se concentre l'effort des principales organisations de défense des droits de l'Homme, l'AMDH en premier. Le CCDH essaie-t-il de tirer le tapis sous les pieds de cette association aux quelque 90 antennes locales et plus de 10.000 adhérents ? La question reste ouverte, alors que l'association essuie une série de critiques émanant même des institutions constitutionnelles. Pour le CCDH, «le principal objectif de cette étude est de promouvoir l'intégration de l'approche des droits de l'Homme dans les processus publics de prise de décisions et, corrélativement, dans les politiques et programmes publics en rapport avec le développement humain». En somme, soutient-on auprès de l'institution, «le respect des droits humains et le développement forment un tout indissociable. Leur interdépendance sous-tend tous les champs d'actions : socioéconomique, politique et culturel». Un discours qui rejoint celui de nombreux acteurs associatifs et même syndicaux. Pour ce qui est de l'étude en soi, elle précise que «l'analyse de ce secteur du logement selon une grille qui conjugue Objectifs du Millénaire et les droits énoncés dans le Pacte international relatif aux DESC, met en évidence des avancées, des insuffisances et des contraintes qui entravent l'accès de tous à un logement adéquat». Sur le volet santé, «malgré les acquis, le secteur présente encore d'importantes insuffisances, souvent exacerbées par des inégalités d'ordre géographique et catégoriel», précise le document. Côté éducation, même son de cloche : «l'enfant passe trop de temps à étudier des curricula trop éclatés, qu'il n'arrive pas à intégrer tout seul en compétences transversales utiles et monnayables. Un modèle d'école plus diversifié et des curricula recentrés sur les compétences essentielles permettront sans doute d'obtenir de meilleurs résultats». Et enfin pour ce qui est du droit au travail, «la croissance de l'activité économique ne se traduit pas par une répartition équitable des revenus entre rural et urbain, entre régions et entre couches et catégories de la population».