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Santé Un secteur sinistré
Publié dans Le temps le 12 - 07 - 2011

Le secteur de la santé est vraisemblablement mal en point. Etat des lieux.
Le raisonnement qui consiste à admettre que le Maroc est économiquement sur de bons rails, est légitime. Plans sectoriels, ouverture sur les marchés étrangers, stratégie touristique rationnelle et plans d'autonomie énergétique sont autant de réalisations qui concourent à corroborer cette pensée. Pourtant, à y voir de plus près, la façade luminescente du progrès comporte d'inquiétantes fêlures. Parmi les plus notables, on retrouve un secteur sensible : la santé publique. Pendant plus de trente ans, les pseudo-réformes se sont entassées, les gouvernements succédés et les déclarations d'intentions accumulées. Assainir les hôpitaux, définir une politique d'affectation pertinente, récompenser équitablement les médecins, leur accorder une couverture sociale digne de leur statut, des professions de foi souvent sacrifiés à l'aune de l'exécution. Tandis que l'orientation économique du royaume fait la part belle à l'édification de villes nouvelles, de logements sociaux et de projets créateurs d'emploi, la santé publique pâtit d'un étonnant délaissement.
Triste naufrage
Oui la généralisation de l'AMO fut une initiative étincelante ; oui, les prémices du RAMED sont porteuses d'une belle promesse pour nos laissés-pour-compte des prises en charges hospitalières. Néanmoins, ces politiques de prévoyance à l'égard de tous font peser une immense responsabilité sur les épaules des praticiens publics. Or, on constate qu'à ces derniers, on refuse le b.a.-ba de l'humanité dont on leur demande de faire preuve. De fait, pour la plupart, ils ne bénéficient d'aucune garantie de soins… aucune. Et pendant ce temps, les vœux pieux se multiplient, encore et encore. Hélas, la fronde légitime des médecins résidents et internes fait office de note éliminatoire à l'encontre des politiques hésitantes qui ont maculé l'univers de la médecine publique. Le pourquoi et le comment d'un triste naufrage.
Réda Dalil
Le «je t'aime moi non plus» qui sanctifie le rapport Etat-médecin, affiche de plus en plus de craquelures. Diagnostic.
Le mal-être des médecins
Il est des chiffres comme çà, qui paralysent. Exemple : 40 dirhams. C'est là l'indemnité perçue par un médecin interne ou résident moyennant une garde. Dans les CHU, il arrive qu'un interne en effectue une douzaine par mois. Faire le calcul, c'est se confronter à un malaise et partant, ressentir de l'empathie pour ces héros de la santé publique qui, lors d'une manifestation le 29 mai dernier, ont buté contre la faroucherie incompréhensible des autorités. L'épisode est fâcheux. Non point parce que des garants de la santé des citoyens furent rabroués violemment, mais parce qu'il cache une faillite totale du mode de communication liant les médecins à leur autorité de tutelle. En 2008, on crut à l'entente. Syndicat indépendant des médecins de la santé publique et ministère de la Santé s'étaient alors entendus sur un schéma de réforme. A l'époque, la deal se résumait à l'octroi d'une couverture de prévoyance santé au profit des résidents. Trois ans plus tard, les jeunes médecins, exposés, de par leur proximité des malades, au risque de pathologies nosocomiales, continuent à exercer sans filet sanitaire.
Situation ubuesque
Le laxisme ainsi persistant, les doléances de la profession se sont naturellement exacerbées. Aujourd'hui, le plafond des demandes s'est hissé. Et pour cause, on réclame le statut de doctorat d'Etat au diplôme de médecin toujours assimilé à un master. On exige une intégration au bout d'un an contre trois actuellement. On s'arc-boute sur l'augmentation du salaire de l'astreinte de 40 à 60 dirhams. La détermination des syndicalistes est telle que leur décision de boycotter les services des urgences, fût-elle moralement inacceptable, n'en demeure pas moins excusable. Ripostant, les walis et directeurs de CHU se sont prévalus d'un décret datant de 1918 pour repeupler à la hâte des urgences abandonnées par les maîtres des lieux. Ubuesque. Les médecins ne sont pas dupes. Le bras de fer, comme il est de coutume dans ce métier, se termine toujours au profit du ministère. Pourquoi ? Pour une raison simple qui tient en un mot : vocation. Le médecin n'est pas un travailleur comme les autres. Globalement, son choix de carrière repose très peu sur les critères mercantilistes classiques. Soigner, aider, sauver des vies relève d'abord d'un appel organique, une nécessité diront certains. Outre les pièces sonnantes et trébuchantes, la gratification s'opère autrement. Elle est au pire narcissique, au mieux solidaire, empathique. C'est ainsi que, miné par un gouffre financier structurel, le ministère de la Santé publique a systématiquement recours à une botte secrète imparable : le temps. Faire durer le dialogue, retarder les décrets d'application, pourrir la situation. Les médecins «vocationnistes» par défaut, regagneront leurs postes, dériveront inlassablement vers la pratique d'une passion chevillée au corps. C'est précisément à ce scénario que l'on assistera sans doute. Et pour cause, la réquisition des médecins par les walis n'a pas rencontré une immense résistance.
L'ire des résidents
Se faisant une raison de leurs maux, les jeunes praticiens ont regagné leur CHU, demandant, pour le symbole, une excuse officielle de l'Etat pour la violence engagée dans la dispersion des sit-in. Pour autant, ce «je t'aime moi non plus» qui sanctifie le rapport Etat-médecin, affichera de plus en plus de craquelures. Les raisons en sont multiples. Retenons -en deux. D'abord, la pression démographique. Si comme on l'annonce avec fracas, le RAMED se devait d'être généralisé fin 2011, le déluge d'une population financièrement inapte aux soins, sera puissant. Cette horde de démunis qui bénéficiera de facto d'une prise en charge a minima, viendra se presser dans les couloirs aseptisés des CHU et autres polycliniques. Dans ce contexte, une guilde de médecins insatisfaits rendrait le dispositif dangereusement ingérable. En second lieu, il convient de mettre en lumière une problématique essentielle de la profession. Le corps médical souffre d'une pathologie tristement banale. L'inégalité sociale. Entre les spécialistes caviar du privé, caste héréditaire se transmettant un capital intellectuel et matériel de génération en génération, et ces boursiers du public touchant 3000 DH au prix d'un sacrifice pantagruélique, il existe un monde de différence, un clivage qui dépasse le «Baddou dégage» que l'on conjugue à toutes les sauces. A ce propos, il n'est d'ailleurs pas étonnant que la frustration des résidents et internes explose au moment où le Marocain s'érige contre l'impunité des privilèges. Réduire la crise médicale à son aspect technique, salarial et académique, serait faire fi d'un poison de base : le deux poids de mesure. Tâchons de nous en rappeler !
Réda Dalil
Le secteur de la santé, ou ce qu'il en reste, n'est pas en crise, il est en état de «faillite». En cause, une gestion calamiteuse.
La grosse erreur de casting
Ici, elle est sur un plateau de télévision. Là, écumant les tribunes du Parlement. Ailleurs, sur Facebook, Yasmina Baddou s'expose trop. Normal, elle est à la tête d'un secteur national stratégique : la Santé publique. Or, ne voilà-t-il pas que ce même secteur va mal ? Très mal. Du moins, depuis que Mme Baddou a été «castée» au cabinet du gendre Abbas El Fassi. Parlons clair, parlons vrai : le secteur touche le fond. Bassir Réda Allah, du Syndicat indépendant des médecins du secteur public, ne fait pas dans la dentelle. «Le bilan de Mme Baddou est catastrophique», s'indigne-t-il (voir entretien en page26). Parlons de diagnostic, plutôt que de «bilan». Et il est sans appel. Moral des troupes ? Il est à terre. Rien ne va plus entre la ministre Baddou et les professionnels de la Santé, qui ont mis de côté leur stéthoscope et observent des grèves à répétition. «Imaginez un médecin sans couverture médicale !», s'étonne le syndicaliste. Ce médecin non «couvert» n'a rien à envier au cordonnier mal chaussé. Mais passons, pourquoi leur refuse-t-on l'équivalence de leurs diplômes décrochés ailleurs avec le doctorat d'Etat ? Pour quelle raison l'Etat continue-t-il à ne pas les reconnaître juridiquement ?
A la traîne
Sachant le déficit cruel en médecins au Maroc, -l'équivalent d'un médecin pour 1800 citoyens, ce qui a valu au Maroc d'être classé bien derrière la Tunisie, plus encore l'Algérie, pourquoi l'Etat n'a-t-il pas envisagé d'intégrer cette «armée» de médecins dans la fonction publique ? N'y va-t-il pas de la santé des citoyens et, plus encore, de la santé d'un pays ? Est-ce un hasard si le Roi a toujours tenu à inscrire le secteur de la Santé, avec celui de la Justice et de l'Enseignement, à la tête des priorités nationales ?
Laissons de côté cette question, puisqu'elle n'est qu'une goutte dans un immense océan de problèmes qui continuent de plomber le secteur : statut des médecins internes, promotion professionnelle, indemnisations, et tout, et tout. La volonté politique pour régler ces dysfonctionnements semble manquer terriblement au gouvernement El Fassi, et à la ministre istiqlalienne Baddou en particulier.
Tout comme les médecins grévistes, de même la majorité silencieuse des citoyens continuent d'être privés de couverture médicale. Entrée en vigueur en 2006, l'Assurance maladie obligatoire (AMO) semble être «grippée» aujourd'hui plus que tout autre temps. Et pour cause. Nombre d'obstacles freinent son fonctionnement. Les différents intervenants, notamment les mutuelles, sont bloqués entre l'ancien et le nouveau système. Grave, c'est grave. Mais ce qui l'est encore plus, cette discrimination criante dont le système est porteur. Parmi les médicaments remboursables, seuls les génériques sont acceptés. Remarquez que les raisons sont plutôt économiques : les génériques coûtent moins cher ! Mais ce n'est pas là où le bât blesse, les assurés étant obligés de demander à chaque fois à leurs médecins de prescrire des génériques pour la simple raison que le remboursement ne se fait que sur cette base.
On vous fait grâce du fameux Régime d'assistance médicale aux économiquement démunis, placé sous le label trop brillant de «Ramed», cela semble être une «bulle» ni plus ni moins.
Que faut-il ajouter encore au «compteur» sifflotant de Yasmina Baddou ?
L'affaire du médicament «Mediator» ? Il a fallu que le scandale éclate en France pour que notre ministre constate l'ampleur du gâchis. Avec elle, le citoyen a découvert que ce poison, pointé comme responsable de graves maladies cardiaques, circulait tout aussi librement qu'impunément. Cela ne semblait pas inquiéter notre ministre, pas plus que le renchérissement préoccupant des prix des médicaments qui sont les plus chers au monde.
En état de «faillite»
Comparativement à un benchmark comprenant la Tunisie, la France, la Nouvelle-Zélande et l'Afrique du Sud, le médicament reste encore de 30 à 180% plus cher au Maroc. Là encore, il a fallu un rapport accablant de la part de nos parlementaires pour que la ministre bouge finalement. Plusieurs mois après d'âpres négociations avec les professionnels de l'industrie pharmaceutique, la ministère de la Santé a rendu publique une liste de 160 médicaments dont le prix aurait baissé.
A ce tableau, vient s'ajouter une touche tout aussi sombre que l'état glauque de nos hôpitaux. Le pauvre citoyen a l'impression de se trouver dans des «abattoirs» plutôt que dans des hôpitaux : des malades gisant à même le sol, manque flagrant de matériel médical, déficit en médicaments et, au bout du compte, cet insoutenable débordement du personnel médical. L'inadéquation de l'offre en hôpitaux avec les besoins de la population vient en rajouter à la situation, tellement le fossé est grand. Exemple : pour une population d'un million d'habitants, en l'occurrence la population salétine (Salé), il n'y a qu'un seul hôpital !!! Encore faut-il savoir si cet hôpital, Moulay Abdellah, est conforme aux standards internationaux, eu égard au sous-effectif inquiétant en personnel médical, en équipements, tant et si bien que les pauvres habitants de Salé se voient obligés de se tourner, au mieux, vers les cliniques privées, au pire, se rabattre sur les hôpitaux déjà débordés de Rabat, tel Ibn Sina.
Récapitulons : détérioration de la situation du personnel médical, grèves à répétition, paralysie des hôpitaux, sous-effectif en praticiens (médecins et infirmiers compris), manque d'équipements et d'hôpitaux en général … Autant d'indicateurs sur la «très mauvaise forme» du département de Mme Baddou. Ce secteur, ou ce qu'il en reste, n'est pas en crise, il est en état de «faillite». Et ce ne sont surtout pas les «maladresses» de la ministre Baddou qui vont sauver ses meubles. Il y a urgence à lancer, ici et maintenant, un plan de sauvetage pour renflouer le bateau chavirant de la santé. La santé du citoyen, plus encore le fonctionnement de tout un pays, en dépend largement.
M'Hamed Hamrouch
D'une maladresse à l'autre Interrogée au Parlement sur la Leishmania, maladie provenant de la piqûre d'un insecte et ayant entraîné des morts tragiques dans la région d'Errachidia, la ministre Baddou a répondu par une crise de … fou rire. Drôle de fou rire, diffusé en direct par la première chaîne, et repris par nombre de sites Internet, qui a donné la mauvaise impression que la ministre Baddou se riait des malheurs des citoyens. Sur le fond, c'est la pire des maladresses qu'ait commises la ministre istiqlalienne. Sur la forme, les citoyens trouvent que Mme Baddou, pourtant avocate de profession, a donné une très mauvaise image de ce métier, compte tenu des impairs linguistiques qu'elle a jusqu'ici commis. Le dernier en date, il remonte à une récente apparition sur le plateau de Médi1TV, quand elle a promis, dans un arabe très approximatif, régler les problèmes «fi dakkatine wahidatine» (d'un seul coup) !
Rira bien qui rira le dernier …
Dr Bassir Reda Allah, représentant du SIMPS, fait l'état des lieux d'un secteur malade.
«Des laissés-pour-compte»
Comment analysez-vous la grogne qui sévit parmi les professionnels de la santé ?
Les revendications des médecins marocains sont légitimes. Le bilan que nous faisons, au sein du Syndicat indépendant des médecins du secteur public, est catastrophique. Les médecins internes et résidents sont des laissés-pour-compte à différents niveaux et notamment pour ce qui est de l'équivalence des diplômes, lesquels doivent, à mon sens, être assimilés aux doctorats d'Etat, ce qui n'est malheureusement pas le cas. Imaginez un médecin qui ne bénéficie pas de la couverture médicale…
Estimez-vous que ces revendications sont légitimes et quelles sont les actions à mener pour calmer les esprits ?
Les doléances des médecins sont tout à fait légitimes. Les responsables du secteur de la santé doivent trouver des solutions rapides, efficaces pour clore ce dossier qui commence à sentir mauvais. Les médecins demandent à être intégrés expressément dans la fonction publique. Le ministère de tutelle doit revoir sa stratégie pour ce secteur vital. Un médecin tabassé par les forces de l'ordre ne peut qu'éprouver un sentiment de dégoût, voire de mépris envers son institution de tutelle.
Les discussions s'intensifient autour de l'AMO et du RAMED. Quel est le bilan que vous faites de ces deux modes d'assurance maladie ?
Ces deux modes d'assurance maladie n'ont pas encore pris leur vitesse de croisière et de ce fait, le bilan que j'en fais n'est pas très positif. Certes, l'AMO et le RAMED sont deux modes d'assurance maladie louables, une première au Maroc ; néanmoins, nous appelons à multiplier les efforts afin de les élargir le plus possible aux populations nécessiteuses qui ont eux aussi le droit d'être couverts en cas de maladie.
Certaines voix estiment que malgré leur sympathie avec les demandes des médecins, le citoyen ne doit pas être pris en otage par les médecins. Qu'en pensez-vous ?
Croyez-moi, nous n'avons pas pour objectif de prendre le citoyen en otage. Nous passons avec les malades plus de temps qu'avec nos familles. Nous sommes conscients du mal-être des malades. Lors de la dernière grève que nous avons menée, nous avons donné l'assurance que ce flottement ne causerait aucun décès parmi les patients surtout que les urgences reçoivent des cas graves qui nécessitent une intervention rapide et efficace. Malgré la pression psychologique que cela induit, nous essayons tant bien que mal de maintenir à un niveau optimal les services sanitaires que nous offrons à nos malades. Les citoyens ne sont pas responsables de la situation actuelle et par conséquent, ils ne doivent guère en subir les contrecoups.
Etes-vous confiant en l'avenir des médecins ?
J'appelle les médecins à revendiquer davantage leurs droits tout en gardant à l'esprit le serment d'Hippocrate que nous avons prononcé au début de notre carrière. Je pense que les médecins marocains sont classés parmi les meilleures au monde et réussissent malgré les difficultés à mener à bien la mission qui est la leur. Nous ne demandons pas la lune, nous aspirons simplement à travailler dignement dans des conditions qui garantiraient notre dignité en tant qu'êtres humains sans parler de notre statut professionnel.
Propos recueillis par Mohcine Lourhzal
Jaâfar Heikel, professeur de médecine, nous explique sa vision de l'avenir de la santé au Maroc.
«Une situation très inquiétante»
Comment voyez-vous les manifestations que mènent les médecins marocains ?
Je vais vous donner mon point de vue sur les manifestations pour rester dans l'esprit de la question. Il n'est pas normal que l'on «bastonne» des Marocains pour le simple fait qu'ils revendiquent des droits légitimes. Mais il est tout aussi fondamental pour la démocratie que tout citoyen marocain respecte la loi en matière de manifestations publiques. Le ministère de la Santé aurait dû anticiper et dialoguer encore plus (même s'il l'a fait à plusieurs reprises) et le temps qu'il faut car je suis convaincu que les médecins sont des personnes responsables, connaissent la situation du pays et surtout mesurent leurs responsabilités. Mais les médecins doivent davantage communiquer et plus souvent auprès de la population qui ne connait pas suffisamment leur mal-être et leurs conditions d'exercice de la profession. En tout cas, dans le cadre de la loi et de la réglementation sanitaire en vigueur, des droits des citoyens malades, je soutiens mes collègues sur le fond de leurs revendications qui sont à mon sens un minimum.
De l'avis de la ministre de la Santé, les médecins n'ont pas le droit de mener une grève en raison du fait que c'est le patient qui « trinque». Partagez-vous le même avis ?
Je suis surpris de constater ce genre de « rhétorique » puisque le ministère de la Santé est partie prenante de la tension actuelle au sein de la profession. Ce n'est pas bon pour la communication de dire que ce sont les citoyens qui payeront le prix fort lorsque l'on sait qu'une insuffisance dans la performance d'un système de soins n'est pas due uniquement aux professionnels de la santé mais également à la politique de santé, le niveau des infrastructures et des équipements et le mode de gouvernance. Par contre, en tant que médecin, je pense qu'il est impératif et ce, quelles que soient les circonstances, que les services d'urgence (médicales, chirurgicales) et leurs services d'appoint (réanimation, soins intensifs, radiologie, biologie) soient opérationnels 24h/24h et 365 jours. Les médecins en grève doivent assurer les gardes même s'ils n'ont pas encore été rémunérés pour cela.
Plus globalement, quel est le bilan que vous faites du secteur de la santé au Maroc ?
Le diagnostic sanitaire est connu de tous les experts qui s'intéressent au secteur de la santé. Au Maroc, nous avons amélioré plusieurs indicateurs épidémiologiques, nous avons renforcé le programme de lutte contre plusieurs maladies et nous avons réalisé une avancée cruciale en mettant en oeuvre l'AMO. A ce titre, il faut avoir l'honnêteté de reconnaître les progrès réalisés, l'extension de l'offre de soins et la volonté d'instaurer une carte sanitaire ou encore les réglementations pour la transplantation d'organe, la gestion déléguée de services sanitaires au privé, les normes de bonnes pratiques de laboratoires, etc. Néanmoins, force est de constater les faits suivants: les objectifs du plan d'action 2008-2012 du ministère de la Santé ne seront pas atteints, le RAMED n'a pas été mis en place, la lutte contre la corruption n'a pas de résultats palpables, la gouvernance des hôpitaux n'est pas optimale, la performance du système de soins est très insuffisante selon les instances internationales et surtout les Marocains ont une image peu reluisante de leur système de santé. En terme de dialogue, jamais nous n'avons connu autant de grèves dans ce secteur. Nous avons plus que jamais besoin de responsables au niveau du ministère et au niveau périphérique d'expérience probante dans le management du domaine médical ou sanitaire.
Propos recueillis par Mohcine Lourhzal


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