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« En voulant acheter la paix trop vite, on oublie les problèmes de fond »
Publié dans L'observateur du Maroc le 28 - 02 - 2014

L'Observateur du Maroc. Les négociations entre le gouvernement malien et les groupes armés du Nord ont finalement débuté le 13 février. Pourquoi ce processus est-il si laborieux ?
Charles Grémont. Je ne crois pas qu'on puisse parler de négociations, mais de discussions.
Elles ont mis longtemps à s'engager car il fallait prendre en compte plusieurs données : l'ensemble du Mali, des rapports de force divergents et ...le fait qu'il existe autour du président malien une cinquantaine de personnes qui n'ont pas vraiment envie de négocier avec les groupes armés du nord et qui préfèrent une option plus radicale.
Le problème, c'est que l'armée malienne n'a pas les moyens de se réimposer au Nord par la force.
Le gouvernement exigeait en outre que les discussions se déroulent seulement à Bamako – ce que les groupes armés refusaient – et il s'est borné à proposer un renforcement de la décentralisation à des mouvements qui, pour avoir renoncé à une déclaration d'indépendance, réclament néanmoins plus qu'une simple décentralisation, quelque chose qui s'apparente plutôt au statut particulier qui figurait déjà dans le Pacte national de 1992.
Face à l'inaction du pouvoir à Bamako et à la panne du processus de négociation, la communauté internationale a fait pression pour accélérer les choses.
A commencer par la France, l'Union Européenne et la Minusma (forces de l'ONU qui entretiennent, comme d'ailleurs un peu tout le monde, des relations assez tendues avec le président Ibrahim Boubacar Keïta – IBK).
Quels sont jusqu'ici les résultats de ces discussions ?
Elles se sont finalement ouvertes à Bamako avec l'ensemble des tendances et des mouvements armés (MNLA, MAA – Mouvement Arabe de l'Azawad – et HCUA – Haut Conseil pour l'unité de l'Azawad).
Ces deux points constituent déjà une avancée en dépit de l'absence de certaines personnalités du MNLA et du HCUA, leur secrétaire général respectif et les jeunes plus radicaux.
Il y a eu accord sur le cantonnement et le désarmement des combattants dans une douzaine de sites situés dans les trois régions du Mali et les groupes armés ont dit reconnaître l'intégrité du territoire malien.
Le cantonnement, qui porte sur 5 à 6000 combattants, devrait permettre de stabiliser et d'identifier les combattants.
Leur nombre n'est toutefois pas clair car il n'est pas facile de faire le distingo entre ceux qui ont effectivement été dans les rangs des mouvements armés et ceux qui le prétendent aujourd'hui pour obtenir des dividendes du conflit armé.
C'est l'un des problèmes du Mali : on négocie rapidement, on intègre des gens et on ne parle pas des problèmes de fond.
On est loin ainsi de la redéfinition d'un statut pour les régions du nord.
A ce sujet, on a l'impression que Bamako fait l'impasse sur la région de Kidal : aucun ministre n'y a mis les pieds depuis novembre et aucun préfet ou sous-préfet n'y réside ...
C'est effectivement un point sensible et cela remonte à loin.
Alors que les Touaregs de Kidal, contrairement à ceux de Gao, Tombouctou et Ménaka, ne se sont pas révoltés pendant la colonisation française, ils ont été paradoxalement les premiers à se révolter en 1963-1964 après l'indépendance.
La répression sanglante – et disproportionnée – de l'armée malienne a laissé une terrible empreinte sur la population de l'Adagh des Ifoghas dont le premier « rapport » avec le nouvel Etat malien aura ainsi été marqué par la violence et les humiliations.
Cela a évidemment favorisé un sentiment de défiance vis à vis de l'Etat central, de Bamako...Une chape de plomb s'est ensuite abattue sur la région de Kidal et cette révolte d'une poignée d'hommes a crée une suspicion à l'égard de l'ensemble des Touaregs considérés comme des rebelles en puissance ... Un autre facteur explique la particularité de Kidal, qui est situé à plus de 300 kms des rives du fleuve Niger : sur le plan économique, ses populations regardent beaucoup plus vers l'Algérie que vers le sud.
Les gens de Kidal sont par ailleurs considérés comme le fer de lance de la rébellion de l'Azawad qui, depuis 2012, concerne les trois régions du pays où vivent d'autres populations (Peuls, Songhaïs ainsi que d'autres Touaregs).
Comme ils revendiquent l'indépendance de l'Azawad sans les avoir vraiment consulté, c'est générateur de conflit... Enfin, un problème est directement lié à l'opération Serval.
Après la reconquête de Gao et de Tombouctou, l'armée malienne a repris position dans ces villes.
Mais elle n'est pas rentrée à Kidal.
C'est vrai qu'il existait dans cette ville un risque réel de représailles sur les populations civiles de la part d'une armée malienne humiliée par les rebelles et animée par une volonté de vengeance.
Mais le fait qu'elle n'ait pu y entrer a créée une polémique sur les liens entre la France et les Touaregs de Kidal...
Que pèsent les avancées actuelles face à un nord-Mali où les violences intercommunautaires semblent prendre le pas ?
Peu de chose effectivement...Aujourd'hui, les armes se sont tues, il n'y a plus d'accrochages directs entre les uns et les autres.
Mais depuis novembre, on assiste à une flambée de violences intercommunautaires entre les Peuls et les Touaregs avec des représailles sur les civils qui ont fait trente morts début février.
Ces violences sont très préoccupantes, d'autant qu'il y a des armes partout.
Or l'Etat malien ne contrôle rien de tout cela.
Il n'en a pas plus les moyens que la Minusma ou l'opération Serval qui s'en tient à ses objectifs de traque des mouvements djihadistes.
Face à cela, on ne peut faire l'économie d'un travail à la base capable de renouer les fils d'un tissu social déchiré.
Les gens doivent se parler – et ils savent le faire – mais cela restera impossible tant qu'un minimum de confiance n'aura pas été retrouvé, entre les populations du Nord, et aussi avec Bamako.
Or, aujourd'hui, la plupart des acteurs engagés dans des prémisses de négociations cherche à se placer pour profiter des dividendes éventuels.
Et pendant ce temps, le torchon brûle au nord.
Les Peuls sont par exemple les parents pauvres de ces rebellions à répétition, ils ont de vrais problèmes de banditisme et de vendettas avec leurs voisins Touaregs et ils ne sont pas à la table de négociations ! Comme ils veulent exister sur cette scène politique (et armée), ils ont pu intégrer – depuis 2012 – un mouvement armé comme le Mujao (groupe le plus pluriethnique) pour faire valoir leurs intérêts et leurs revendications.
Cela ne signifie pas forcément qu'ils veulent imposer la charia : ils utilisent aussi le Mujao pour se positionner face à leurs voisins...
Deux autres problèmes – la présence djihadiste et celle des narcotrafiquants et des contrebandiers – semblent aussi loin d'être réglés...
La présence des combattants islamistes qui sont toujours là, parfois à quelques kms des villes comme Gao ou Tombouctou, est effectivement préoccupante.
En dépit du travail accompli, personne ne peut penser que la France parvienne à éradiquer ces groupes salafistes seulement par des voies militaires.
C'est de bien plus longue haleine.
Les trafics en tout genre, notamment de la drogue, perdurent aussi.
Personne ne s'en est occupé alors que cette économie criminelle est un facteur d'instabilité et que la manne qu'elle représente attire tout le monde.
Y compris ceux qui sont au pouvoir, surtout dans un pays pauvre comme le Mali.
C'était tout le problème du régime de ATT (Amadou Toumani Touré, le président renversé en mars 2012) et de ses relais avec quelques grands notables du nord ...
Où se situent les vrais points de blocage? Dans l'absence de moyens de l'Etat central ou la personnalité même de IBK ?
Il ne fait pas de doute que le régime précédent était impliqué dans le trafic de drogue et les enlèvements.
Cela s'est un peu amélioré.
Mais le manque de moyens demeure : les groupes armés sont beaucoup plus puissants que l'armée malienne... La volonté politique manque aussi.
Certes IBK a pris des décisions assez radicales sur l'armée, à commencer par l'arrestation du capitaine Sanogo et la détention de l'ancien chef d'état major, une manière de se garantir contre d'éventuelles tentatives de renversement... Pour le reste, rien n'a été fait depuis les accords de Ouagadougou, au point qu'on peut se demander si le président qui, pour le moment campe sur des positions très nationalistes, peu favorables au dialogue et à la recherche de solutions politiques, ou des membres de son entourage n'ont pas misé sur un certain pourrissement.
Or plus on attend, plus les revendications politiques initiales s'éparpillent, plus les violences intercommunautaires surgissent, plus les leaders – et leurs ambitions et intérêts personnels – se multiplient, plus le mouvement se délite et plus les choses pourrissent... La volonté d'acheter une paix rapide, avec l'argent de la communauté internationale, et de dire qu'« on a signé un accord » n'est pas de nature à régler le problème.
Sans une réponse claire de l'Etat central, on va creuser à nouveau les inégalités dans le Nord.
Ceux qui sont mécontents mais n'ont pas les moyens de déclencher quelque chose vont se disperser : certains vont repartir en Libye, d'autres vont rester sur place et dans dix ans, cela va repartir...
Rien n'a donc vraiment changé ?
ATT est tombé, il y a eu un nouveau président, un nouveau gouvernement, mais les logiques et tout le réseau qui existaient sous ATT sont toujours à l'oeuvre.
La France a dicté son agenda électoral et réclamé un retour à un ordre constitutionnel, mais ce n'est pas ça qui assainit une situation... Plus on avance vers une stabilisation, plus il faut se placer pour obtenir ces rentes, celle du développement ou celle des trafics en tout genre.
D'autant que le Mali est dans une voie de reconstruction et que l'UE promet 3,5 milliards pour reconstruire le pays.
Des grands notables de Gao, qui avaient fait le dos rond pendant l'occupation du MNLA puis du MUJAO, s'entendent par exemple avec les forces en présence pour conserver leurs intérêts économiques.
Ces gens tirent encore toutes les ficelles.
Ils sont aussi souvent les élus de la nouvelle assemblée et on peut se demander si ils représentent une alternative crédible pour répondre à la gravité de la situation.
Voir une crise aussi majeure et profonde accoucher non pas des mêmes personnes mais des mêmes logiques est inquiétant... Sans prise de conscience réelle du fait que tout le monde a trempé dans les détournements, les corruptions, c'est mal parti.
Cette prise de conscience peut venir d'une jeunesse, certes mal organisée mais qui ouvre les yeux.
Mais cela peut conduire à des mouvements violents au nord comme au sud.
Il est donc urgent de réfléchir aux questions de fond : le mode d'organisation, les grands découpages régionaux, l'autonomie et tout ce qui touche à la gouvernance et à la justice au niveau local.
En réalité, l'une des raisons des échecs de tous les accords de paix, c'est que les négociations ont toujours impliqué le pouvoir central et les mouvements armés, mais pas les figures des populations civiles, ni les réfugiés qui, bien que premières victimes de ces conflits armés, ne sont jamais associés à ces processus.
Or, souvent, ceux qui vivent sur le terrain ne se retrouvent pas derrière les mouvements armés.
Il serait grand temps de les écouter ❚


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