Cultivant avec brio le côté « humain » chez plusieurs de ses personnages détestables qu'il parvient à transformer en personnes déchirantes et tragiques (Pusher 2), l'acteur danois excelle aussi bien dans des films d'auteur que dans des blockbusters hollywoodiens (James Bond, Marvel, Star Wars, Harry Potter, Indiana Jones...). Se définissant comme une personne « complexe avec beaucoup de chaos », il nous parle aujourd'hui des raisons qui le motivent à choisir ses rôles et notamment celui qu'il incarne dans « The Promise Land », présenté cette année au festival de Marrakech après la Mostra de Venise. Dans votre dernier film « The Promise Land » de Nikolaj Arcel, vous incarnez Ludvig Kahlen, un vétéran endurci qui aspire à la gloire dans une épopée du XVIIIe siècle. Pourquoi avoir choisi d'interpréter ce personnage ? Mon personnage est un homme qui façonne son propre destin, qui a le sens de la droiture et de la justice, et qui est prêt à incendier le monde pour obtenir ce qu'il veut. C'est un drame d'époque, situant son intrigue au Danemark en 1755, une période très dure que j'ai trouvé intéressante. Généralement, j'accorde beaucoup plus d'importance au scénario, à l'histoire du film et au réalisateur qu'au personnage proprement dit. Vous avez excellé dans votre rôle dans « The hunt » (La Chasse) de Thomas Vinterberg ? Comment avez-vous abordé ce rôle ? Dans ce film, j'interprète le rôle de Lucas, un auxiliaire de jardin d'enfants divorcé accusé à tort de pédophilie et qui se retrouve victime de lynchage par ses proches. Ces sentiments de frustration et de colère chez les gens sont compréhensibles. Aucun personnage dans le film n'est à blâmer, je comprends la réaction des amis de Lucas, je connais la vie dans les petites villes, ..., c'est pour cela que c'est frustrant pour le public et pour le personnage. C'était un voyage brutal, un film brutal, mais ça ne veut pas dire que c'était difficile d'interpréter ce rôle parce que le scénario était super bien écrit, et donc c'était facile d'accepter le déroulement des choses. Des fois, lorsqu'on a l'impression que c'est difficile, c'est extrêmement facile, dans certaines scènes, si ce qu'on essaie ne marche pas, ça devient forcément difficile à accomplir. Vous savez, un personnage commet beaucoup d'erreurs, c'est une constituante de l'histoire dramatique, et notre boulot en tant qu'acteurs, c'est de le montrer aux gens d'une certaine façon. Et si les gens n'aiment pas le personnage, ça m'est égal, le personnage est comme ça et c'est ça l'histoire. Si vous prêtez attention à ce genre de choses, vous devez faire un autre boulot. Comment choisissez-vous vos rôles en général ? Vous savez, je ne dis pas non tout le temps (rires). Si jamais je refuse un rôle, c'est parce que je trouve qu'il n'est pas intéressant, ou que je ne peux pas communiquer avec le réalisateur, ou bien que ce dernier n'ait pas réussi à me convaincre que le personnage est intéressant d'une certaine manière. Lorsque j'accepte par contre d'incarner un personnage, ma décision dépend du scénario, ça doit m'intéresser quelque part, des fois ce n'est pas nécessairement le personnage qui motive mon choix, l'histoire peut être déterminante. En fait, l'histoire doit m'intriguer, m'intéresser et me donner envie de la voir. Puis par la suite, je dois être capable de communiquer avec le réalisateur, il n'est pas nécessaire qu'on soit d'accord, mais si on peut communiquer et trouver un terrain d'entente, alors à ce moment-là, c'est gagné d'avance. Comment préparez-vous vos rôles ? Adoptez-vous la même approche qu'il s'agisse d'un personnage gentil ou méchant ? En fait, ça m'est complètement égal que le personnage que j'incarne soit gentil ou une brute. J'essaie de trouver quelque chose qui caractérise le mec gentil et quelque chose qui pourrait avoir du sens chez le méchant. On recherche un peu cette part d'humanité dans le personnage, mais pas au point qu'il soit Jésus ou Satan. Pour moi, c'est quelque chose que je détecte chez un personnage et que je reconnais chez moi, -peut- être une partie infime de moi-, et puis, j'essaie de l'amplifier ; par la suite, je rejette le reste de moi pour ne pas impacter le personnage. Donc je dois trouver quelque chose en moi qui puisse correspondre à un trait de caractère qui appartient au personnage. Dans « The Hunt » par exemple, le personnage était super têtu, alors j'ai juste amplifié ce trait de caractère. Vous dites souvent que c'est important pour vous de communiquez avec le réalisateur. Quel genre de réalisateur préférez-vous travailler avec ? celui qui sait exactement ce qu'il veut ou celui qui vous laisse la liberté d'improviser ? J'adore être libre sur le tournage mais j'aime aussi travailler avec un réalisateur qui sait ce qu'il veut, où il veut nous amener pour que je puisse le suivre, et qui nous laisse cette ouverture pour qu'on puisse s'exprimer. Un réalisateur doit avoir une vision, savoir exactement où il va, mais en même temps, être capable de laisser des fois la liberté aux acteurs de proposer et d'essayer des choses. Certains réalisateurs essaient de tout manipuler sur le tournage, mais on a besoin de gens originaux qui n'ont pas peur de sortir de leur zone de confort. Des fois, certains réalisateurs ont du mal à communiquer pour faire passer le message, mais ils ont une vision et ça, c'est très important. Comment trouvez-vous votre personnage dans la série télévisée « Hannibal » ? Il est un peu extrême, il voit des fois la beauté dans certaines choses pendant que nous on y voit des horreurs. En ce qui me concerne, je ne trouverais jamais beau la mort d'un être humain par exemple, ou le fait de le manger, mais je peux trouver beau un trait dans son caractère si je veux être le plus honnête possible pour l'incarner. En fait, je ne me demande pas pourquoi il aime tuer des gens, je ne m'aventure pas sur ce terrain, et donc, s'il trouve cela beau, moi, je zappe cette partie de ma tête. Les personnages ont différentes dynamiques. Des fois ils sont très rock and roll, ils ont des tatouages sur le visage, ont des cheveux en pétards, ...ça crée le personnage tout seul, et du coup, je n'ai pas besoin de créer des techniques pour savoir comment les interpréter. Est-ce que c'est difficile de garder les pieds sur terre lorsqu'on devient une star ? Pas vraiment. Lorsque vous vous retrouvez dans un film hollywoodien, et que vous jouez aux côtés d'un monstre comme Harrison Ford, vous évoluez dans l'ombre, ça vous aime à garder la tête sur les épaules. Quand j'ai joué dans « The Promise Land », et que je sortais me balader dans les rues danoises, je m'oublais complètement, ; en fait, chaque matin, j'oublie qui je suis. En fait, j'ai une grande facilité à oublier les choses et je pense que c'est ce qui me maintient en bonne santé.