Ni totalement à l'abri, ni réellement menacé. C'est sur cette ligne de crête que se situe le Maroc dans la nouvelle carte mondiale des risques liés à la fraude financière et numérique. Classé 50e à l'échelle internationale selon le rapport 2025 sur l'Etat mondial de la criminalité financière et économique, le pays se retrouve dans une "zone grise" : un espace d'équilibre précaire où tout peut basculer vers la stabilité ou vers la vulnérabilité. Un risque contenu, mais bien réel La fraude financière n'épargne plus aucun pays, et le Maroc ne fait pas exception. Le rapport le positionne 39e mondialement pour l'activité frauduleuse. Cela signifie que les tentatives existent, mais restent pour l'heure sous contrôle. Les systèmes numériques marocains résistent plutôt bien, grâce à une surveillance accrue des institutions financières et à une série de mesures récentes pour renforcer la cybersécurité. Mais la vigilance reste de mise : la digitalisation rapide des services bancaires a ouvert de nouvelles brèches que les fraudeurs s'empressent d'exploiter. Le talon d'Achille : l'accès inégal aux ressources C'est là que le bât blesse. Sur la question de l'accès aux ressources financières et numériques, le Maroc glisse à la 91e place mondiale. Le rapport pointe du doigt un paradoxe: plus les citoyens sont éloignés des services bancaires et des outils numériques, plus ils deviennent vulnérables aux arnaques et circuits informels. Autrement dit, l'exclusion financière nourrit la fraude. Malgré les avancées en matière de paiement mobile ou de digitalisation des services, les écarts d'accès à Internet et la lenteur du développement rural pèsent lourd dans la balance. Un cadre public en construction Sur le plan institutionnel, le Maroc affiche une 64e place en matière d'intervention gouvernementale. Les lois existent, les organes de contrôle sont actifs, mais la coordination reste à parfaire. Les auteurs du rapport évoquent un pays « doté d'un bon cadre, mais encore lent à réagir face à l'évolution des menaces numériques ». C'est ce décalage entre réglementation et mise en œuvre qui freine le passage à une protection pleinement efficace. Les autorités financières multiplient pourtant les initiatives : Bank Al-Maghrib renforce les dispositifs de conformité, l'AMMC étend la vigilance sur les opérations boursières, et les politiques de cybersécurité se précisent. Mais la question de la réactivité demeure le défi majeur. Le contraste mondial Le haut du classement est occupé, sans surprise, par les pays nordiques : Luxembourg, Danemark, Finlande, Norvège, Pays-Bas. Leur secret ? Une inclusion financière quasi totale et une technologie capable de détecter une fraude en quelques secondes. À l'inverse, des pays comme le Pakistan, le Nigeria ou l'Inde font face à une explosion des fraudes, faute d'un encadrement solide et d'un accès généralisé aux services officiels. Singapour, autrefois première, recule cette année à la dixième place preuve que même les économies les plus numérisées ne sont pas à l'abri. Les Etats-Unis, eux, dominent sur un autre terrain : la préparation à l'intelligence artificielle, devenue l'arme centrale de la lutte contre la fraude sophistiquée. Le rapport note toutefois, que le Royaume dispose des atouts pour rejoindre le groupe des nations les mieux protégées, à condition d'élargir l'accès aux services financiers, d'unifier ses systèmes de contrôle et de renforcer la culture de la vigilance numérique.