L'affaire concerne une adolescente de 16 ans, élève en première année du baccalauréat scientifique. Pour s'inscrire aux examens, elle avait besoin de sa carte d'identité. Sa mère s'est présentée au service compétent, mais la demande a été refusée en l'absence du père, le tuteur légal de la fille. Divorcée, la mère a tenté à plusieurs reprises de joindre son ex-mari pour obtenir son consentement. En vain. Face à l'urgence scolaire et au blocage administratif, elle s'est tournée vers le juge des référés pour obtenir une autorisation exceptionnelle. « Cette décision intervient après que la mère a tenté, sans succès, de contacter son ex-époux, tuteur légal de la jeune fille, afin d'obtenir son accord pour accomplir la démarche », explique dans un post sur LinkedIn, le représentant de la mère, Maître Brahim Yamani, avocat au barreau de Casablanca. L'intérêt de l'enfant Dans son ordonnance, rendue le 4 novembre, le juge rappelle que la carte d'identité est un droit pour tout citoyen marocain sauf disposition légale contraire, détaille l'avocat. Le tribunal a estimé par ailleurs que la demande ne porte préjudice à aucune des parties et qu'elle relève d'une simple formalité administrative. En revanche, cette demande répond à l'intérêt direct de l'adolescente qui doit disposer de ses documents officiels pour poursuivre sa scolarité, rapporte l'avocat. Sur cette base, le juge a autorisé la mère à déposer la demande et à finaliser le dossier sans l'intervention du père en privilégiant l'intérêt suprême de l'enfant. Tutelle légale, le hic L'ordonnance du tribunal intervient dans un contexte où la réforme du Code de la Famille est toujours en gestation. Si cette décision ne modifie pas la loi, elle pourrait néanmoins faire jurisprudence. Elle renforce l'idée que l'intérêt de l'enfant doit primer sur les blocages administratifs et sur les conflits entre parents séparés. Pour de nombreuses mères confrontées à ce type d'obstacles suite au divorce, elle constitue un signal fort et une reconnaissance judiciaire de leur rôle dans la gestion quotidienne de leurs enfants. L'affaire relance par ailleurs le débat sur une problématique longtemps dénoncée par les associations de droits des enfants, les juristes et les militants féministes. Selon la Moudawana actuelle, en cas de divorce, la tutelle légale reste exclusivement entre les mains du père (sauf décision exceptionnelle du juge) même si c'est la mère qui a la garde des enfants. Dans les faits, la mère ne peut accomplir des démarches essentielles comme demander un passeport pour son enfant, renouveler une carte d'identité ou encore organiser un déplacement ou un voyage à l'étranger. Tutelle partagée Une situation jugée profondément inéquitable par les défenseurs des droits des femmes, qui rappellent que cette tutelle unilatérale ne reflète ni l'esprit de la Constitution de 2011, ni les engagements internationaux du Maroc. Vingt et un ans après son entrée en vigueur, les activistes estiment que la Moudawana actuelle est en décalage avec les mutations sociales. Les associations féministes ont d'ailleurs saisi l'opportunité du chantier de réforme du Code de la famille pour plaider en faveur d'une tutelle légale partagée entre le père et la mère, avec priorité accordée à celui qui exerce la garde effective des enfants. Cette proposition figure par ailleurs parmi les mesures phares soumises au Comité chargé de la réforme de la Moudawana.