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Négligence meurtrière
Publié dans L'observateur du Maroc le 08 - 03 - 2010


HAKIM ARIF
Une incroyable actualité a terrassé les Marocains. De paisibles fidèles étaient en train de faire leur prière un vendredi lorsque le ciel leur est tombé sur la tête. 41 morts, 75 blessés. C’est vrai, il a beaucoup plu ces derniers temps, même à Fès. Mais le drame n’a que peu de choses à voir avec les éléments de la nature. Une mosquée, d’une valeur spirituelle et culturelle indéniable, a été laissée pendant longtemps dans la négligence. Sa détérioration a commencé il y a bien longtemps et déjà on l’avait signalé. Le Souverain avait lui-même offert les moyens financiers pour sa restauration, mais rien n’a été fait. On ne va pas demander où est parti cet argent, tellement cette demande paraît insolente alors que des familles ont perdu des êtres chers. Ce sera néanmoins une question importante parce que ces vies méritent qu’on cherche et surtout qu’on trouve le ou les responsables. Le ministère des Affaires islamiques ne semble pas avoir intégré des procédures de vérification et de suivi. La sécurité des fidèles est pourtant directement placée sous sa responsabilité non seulement lorsqu’ils sont à l’intérieur mais même quand ils sont à proximité des mosquées. Sans parler du drame psychique pour un fidèle qui voit Sa Mosquée tomber et tuer des proches et des voisins. Toutes les familles vont recevoir l’aide nécessaire, et ce n’est pas grâce aux gestionnaires de la ville ni au ministère de tutelle. Le Roi a fait le nécessaire. Les autres, tous les autres attendaient comme toujours. Entre-temps, les responsables courent encore et personne ne sait exactement où ils se cachent. Il faudra bien les trouver. Et puis, il y a pire. On a découvert (comme on ne le savait pas) qu’il y avait d’autres mosquées et encore plus de maisons menaçant ruine. Faut-il attendre un autre drame pour commencer à bouger ? Il y a manifestement un grand décalage entre ce que dit le Roi dans ses discours et ce que les responsables politiques décident de faire. Il faudra bien un jour mettre de l’ordre dans tout cela. Parce qu’il faut rendre justice à tous ceux qui sont morts à cause de la négligence des responsables.
L’ultime prière
Mouna Izddine
La capitale ismaélienne ne décolère pas. Dimanche 21 février 2010, soit deux jours après le drame de l’effondrement du minaret de la mosquée Bab Berdaïne, en plein cœur de l’ancienne médina de Meknès, ils n’étaient pas moins de 600 habitants à manifester leur courroux contre la «négligence des responsables». Partis du quartier éponyme, veuves, orphelins, jeunes et moins jeunes, habitants de la vieille cité, familles endeuillées et voisins solidaires, ils ont tous traversé les grands boulevards de la ville nouvelle, bravant la pluie et le froid, pour venir crier en masse leur désarroi et leur colère à la face des autorités locales. Brandissant emblèmes nationaux et scandant des slogans contestataires devant le siège de la Wilaya, encadrés par tout ce que la ville a pu mobiliser comme forces de l’ordre, entre membres de la sûreté nationale et éléments des forces auxiliaires. Rapidement, ce qui devait être un sit-in pacifique dégénère en accrochages entre manifestants et agents de l’ordre, lorsque des jeunes entreprennent de renverser des chaises de cafés et de cabosser des voitures sur leur passage, puis de jeter cailloux et tessons de bouteille devant le siège de ladite administration. Cinq agents de l’ordre sont blessés, quelques manifestants sont arrêtés, tandis que des femmes et des jeunes filles, évanouies sous l’émotion, sont évacuées par les ambulanciers dépêchés sur place. Cris, pleurs, insultes, mêlées. C’est le chaos général. L’émeute populaire ne semble pas loin.
Petit à petit, protestataires et autorités parviennent à un terrain d’entente. En l’occurrence la désignation d’un petit groupe de personnes pour représenter les manifestants et porter les doléances des contestataires devant le Wali de la Région de Meknès Tafilalet, Mohamed Faouzi. Ce dernier reçoit finalement le comité concerné à huis clos. La grogne des manifestants restés dehors ne faiblit pas pour autant. C’est que la douleur de la mort atroce de leurs proches est encore vivace. Et surtout, tous veulent des gages concrets de l’engagement des autorités à trouver enfin une solution juste et définitive à une situation injuste, une «hogra» (mépris), qui n’a que trop duré à leurs yeux d’humbles citoyens. Ce terrible drame, une fois passée l’onde de choc, a en effet éveillé d’autres souffrances, et appelé d’autres revendications : «Ce que nous exigeons est clair et simple et se résume en trois points. Nous demandons à ce que soit ouverte une enquête sérieuse et transparente sur les circonstances de l’effondrement du minaret de la mosquée de Khnata bent Bakkar. Mais aussi que soient entamées immédiatement les opérations de réhabilitation et de sauvegarde des monuments et des habitations menaçant ruine au sein de l’ancienne médina. Et enfin, que la lumière soit faite sur les irrégularités ayant entaché, d’après les témoignages de nombre d’habitants, la distribution des dons royaux aux familles des victimes pour l’organisation des funérailles de leurs proches», confie un des porte-parole des manifestants. Après quelques heures, les protestataires, fatigués d’attendre dans le froid une réunion qui n’en finit pas, se dispersent peu à peu. Avec l’espoir, malgré tout, que leurs doléances ne tombent pas dans de sourdes oreilles.
Que s’est-il passé exactement en ce funeste jour ?
Flash back sur une tragédie du Maroc contemporain. Vendredi 19 février 2010. Il est un peu plus de midi et demi passé. Un ciel encombré de nuages noirâtres plane au-dessus de l’ancienne médina de Meknès. A Bab Berdaïne, en venant comme à l’accoutumée accomplir leur prière hebdomadaire collective à la mosquée du quartier, les fidèles réunis ce jour-là par le prêcheur Abdelmoughit El Hawat ignorent qu’il s’agit là de leur ultime prière... Parmi eux, de pieux vieillards à la retraite, beaucoup de chefs de familles modestes, des étudiants, de jeunes adultes, des adolescents, quelques enfants. Et une poignée de femmes dans l’aile sud de la mosquée. La plupart sont des habitants de Bab Berdaïne et des quartiers avoisinants, comme Hay Tizimi, Ezzarhounia, Jnane Imane, Derb El Matiri, ou encore Sidi Baba, le Mellah et Derb Berghout. Au total, près de 300 fidèles. Depuis que la Grande mosquée de la médina a fermé ses portes pour cause de rénovation voilà deux ans, les prieurs de la cité antique se sont en effet pour beaucoup rabattus sur la mosquée de Khnata bent Bakkar (du nom de la première femme ministre du Maroc), faute de lieu de prière plus grand, d’autant plus que celle-ci est l’une des rares de la médina à prolonger la «Salat al joumouâ» (la prière du vendredi). L’appel à la prière du Addohr achevé, et alors que Abdelmoughit El Hawat s’apprête à entamer le prêche habituel du vendredi depuis le minbar, un bruit sourd se fait tout à coup entendre, parvenant jusqu’aux abords de l’édifice religieux. Le minaret de la mosquée vient de céder, faisant crouler dans sa chute une vaste partie du toit au dessus de la salle réservée aux hommes. En quelques secondes, des dizaines de fidèles se retrouvent sous un amas inextricable de briques et de pisé. Depuis la rue, une nuée d’hommes, passants et «ouled derb» (enfants du quartier) confondus, accourent à la rescousse des victimes. Un spectacle apocalyptique accueille les sauveteurs improvisés. Corps mutilés, têtes déchiquetées, bras et jambes arrachés, troncs amputés, tripes à l’air, râles de douleur d’adultes, cris déchirants d’enfants terrorisés, odeur de sang et de chair…. Pour ne rien arranger, une poussière dense et étouffante se dégage de ce décor lugubre, rendant difficile la distinction entre les vivants, les morts et les blessés. Ensevelis sous des tonnes de pierres, des dizaines d’hommes arrachés subitement et cruellement à la vie. Les survivants appellent à l’aide d’une voix étouffée, les poumons asphyxiés de poussière, agonisant sous les décombres. Les blessés légers, la djellaba ou le jean ensanglanté, surgissent de sous les ruines pour tenter de retrouver leur père, leur frère, leur cousin, leur ami ou leur voisin resté sous les ruines. Les mains nues ou aidés de pelles rudimentaires, les hommes du quartier essaient de sortir les survivants des décombres.
Panique générale
Une chaîne humaine se forme aussitôt aux abords de la mosquée, pour évacuer les blessés sur des civières de fortune et dégager les sacs de débris. Il faudra attendre plus d’une heure pour voir les premiers secours arriver. Une grande partie des éléments de la protection civile était-elle effectivement en route vers la ville de Khénifra pour venir en aide aux sinistrés des inondations dans la région? Est-ce pour cette raison, faute de carburant et d’équipements, que les camionnettes restées à Meknès se sont retrouvées bloquées à la caserne près d’une heure et demie ? Est-ce cela les raisons du retard des secours ? Le moment n’est pas aux questionnements. Au dehors, mères, épouses, soeurs, filles et autres proches des victimes, tentent en vain d’accéder à l’édifice en ruines, empêchées par les policiers et autres agents de l’ordre dépêchés en masse autour du lieu de l’accident. De rage et de désespoir, certaines frisent la crise d’hystérie, implorant qu’on les laisse «extraire avec leurs dents» leur mari, «l’unique source de revenu de la maisonnée» ou leur fils unique, leur «foie», «la prunelle de leurs yeux». Mais les autorités, intransigeantes, ne laissent plus personne pénétrer à l’intérieur de la mosquée pour ne pas entraver le travail des secours dans cet espace confiné et étroit. L’opération de sauvetage, menée conjointement par les équipes de secours de la direction régionale de la protection civile, de la sûreté nationale, de la Gendarmerie royale, des Forces auxiliaires, des FAR et du Croissant rouge marocain, en sus des autorités locales, durera jusqu’à la mi-journée du samedi. Le tout sous la supervision du ministre de l'Intérieur et du ministre des Habous et des Affaires islamiques.
Et tandis que les ambulances transportent les victimes vers l’hôpital Mohammed V et l’hôpital militaire Moulay Ismaël, et transfèrent les décédés à la morgue de la ville, toute la nuit et jusqu’à l’aube, l’ancienne médina grouille de rumeurs et de mécontentement : «Cela fait plus d’un an que l’on envoie régulièrement des plaintes aux autorités locales et au ministère des Habous et des Affaires islamiques pour réhabiliter la mosquée de Bab Berdaïne, dont tout le monde sait qu’elle a été construite en 1709, voilà plus de trois siècles. En avril 2009, lorsque le Roi est venu prier ici, il a donné une enveloppe de 8 millions de dirhams pour réparer l’édifice. Or, les responsables se sont contentés, comme en 1960 et 1985, de passer une couche de chaux sur les murs et de quelques menus travaux de «relifting», alors que le penchement du minaret était plus que visible. En août dernier, l’incendie qui a ravagé l’atelier de menuiserie mitoyen et qui a été maitrisé par les pompiers à grands coups d’eau a fragilisé le haut de l’édifice. Les pluies diluviennes et les vents forts qui se sont abattus sur Meknès ces derniers mois ont fait le reste. Tout ce qu’on réclame, c’est que les responsables éventuels soient sanctionnés, pour que l’on puisse faire le deuil de nos proches», explique un habitant du quartier qui a perdu deux membres de sa famille dans la catastrophe. Comme pour apaiser leur désarroi, les voisins des familles endeuillées leur disent qu’elles “ont de la chance”, car leurs proches décédés “iront directement au paradis”. Vaine consolation.
Les images de la mosquée effondrée passent alors en boucle sur les écrans de télévision du monde entier, les plus cyniques y allant de leurs commentaires cinglants sur «la préservation par les autorités marocaines d’une médina inscrite depuis 1996 au patrimoine mondial de l’UNESCO». L’heure est grave. Le procureur général du roi près la cour d’appel de Meknès diligente une enquête pour déterminer les causes de l’incident, tandis que des instructions royales sont données pour qu’il soit procédé dans les meilleurs délais à la reconstruction de la mosquée Berdaïne, en veillant à la préservation de son architecture originelle. Ainsi qu’à une «expertise urgente» de toutes les anciennes mosquées du Royaume. Le lendemain, la capitale ismaélienne se réveille péniblement de ce vendredi morbide. Une lourde atmosphère de deuil et de chagrin abyssal règne sur la ville. Le décompte des victimes est lourd : 41 morts, 75 blessés, dont 18 grièvement. Des funérailles collectives, prises en charge personnellement par le Roi, sont organisées en présence du Wali de la région et du président du Conseil des oulémas de la ville, et des familles des victimes, inhumées dans les cimetières Chouhada et Cheikh El Kamel. Accompagnant leurs proches vers leurs ultimes demeures, les familles des victimes font une ultime prière à leur tour. Celle de la vérité et de la justice.
Qui est coupable ?
Salaheddine Lemaizi
J’accuse les Affaires islamiques», crie Fatah qui a perdu son père dans la catastrophe de Meknès. Il nous explique : «Il y a onze mois, le roi Mohammed VI a prié dans cette mosquée et avait fait don de 8 millions de DH au ministère pour rénover ce lieu de culte, mais rien n’a été fait pour éviter la catastrophe». A l’image de Fatah, Meknès respire la colère. Deux jours après le drame, un sit-in des familles des victimes devant la Wilaya de la région de Meknès-Tafilalet a failli tourner à l’émeute.
A qui la faute ?
Si la population pointe du doigt le laxisme du ministère des Affaires islamiques et des Habous, le gouvernement, par la voie de son porte-parole, a un autre avis. «Des pluies diluviennes se sont abattues sur la ville la veille de l’effondrement». Dixit Khalid Naciri. Pourtant, le temps n’était pas si mauvais que cela ce jour-là, rappellent les services de la météo marocaine. Donc, à qui la faute dans ce drame ? A la délégation des Affaires islamiques à Meknès ? A Nidart (observatoire) des Habous ? Aux autorités locales ? Au Conseil de la ville ? A l’Inspection des monuments ?
Pour le savoir, une première question qui vient à l’esprit : de quel service relève une mosquée ? Réponse : «Les édifices religieux anciens, comme celui de Meknès, relevaient auparavant, pour leur gestion, des communautés religieuses locales. Maintenant, c’est à l’Etat que ces dernières réclament la prise en charge notamment des vieilles mosquées», explique Ahmed Taoufiq, ministre des Affaires islamiques.
Parmi les stratégies que préconise la réforme en cours du champ religieux, il y a notamment celle relative à la mise à niveau des mosquées. Présentée en avril 2009, cette stratégie est connue sous le nom de Programme de préservation et de restauration des mosquées historiques. Ces 10 dernières années, ce programme a concerné les villes de Rabat, Marrakech, Taza, Tanger, Errachidia, Fès, Chefchaouen, Séfrou, Ouezzane, Casablanca, Essaouira, Kalaat Sraghna et… Meknès ! La mosquée de «Khnata Bent Bakkar» qui s’est effondrée récemment en faisant 41 morts et 75 blessés était-elle concernée par ce programme ?
Colère générale
De l’avis des habitants du quartier «Bab Berdaïne», cette mosquée a connu «quelques embellissements, et c’est tout», comme en témoigne Fatah. Pour vérifier cette information, malgré notre insistance et nos coups de fil répétitifs, il nous a été impossible de joindre le délégué régional des Affaires islamiques à Meknès. De son côté, Nidarte (observatoire) des Habous n’estime pas qu’il est concerné par la gestion des lieux de culte.
Selon nos propres investigations, la rénovation dont parlent les habitants a eu lieu en 2008. Pendant tout le XXe siècle, cette mosquée n’a été rénovée que deux fois, précisément en 1960 et en 1985. Lors de son passage à Hiwar sur Al Oula, le ministre des Affaires islamiques dément ces informations, "la mosquée a été rénovée pour la dernière fois en 1987 et jamais après". Ce qui est, de l’avis des spécialistes, contraire aux règles en vigueur pour la préservation des bâtiments historiques. Tout bâtiment dépassant cent ans doit être contrôlé chaque cinq années, d’après les mêmes sources. Une procédure rarement appliquée pour les mosquées, comme en témoigne la fermeture de deux mosquées à l’ancienne médina de Meknès deux jours après l’effondrement de la mosquée de «Bab Berdaïne». A ces deux mosquées s’ajoutent 1.000 autres lieux de culte qui tombent en ruines et continuent à constituer un danger pour les fidèles. Ceci pose la question du contrôle des mosquées qui, de toute évidence, est défaillant. Parce qu’il est effectué par le personnel de la délégation qui est connu pour être très peu qualifié et surtout très mal outillé, pour ne pas dire dépourvu d’outils. En effet, c’est connu, le contrôle de l’état des mosquées se fait à l’œil nu. Seule la Direction des mosquées (créée en 2005) au ministère des Habous à Rabat dispose d’un Service de suivi et de contrôle relevant de la Division de la construction et de l’équipement des mosquées. Mais elle préfère rester muette, malgré nos sollicitations insistantes.
En tout cas, le procureur général du roi près la Cour d'appel de Meknès a ordonné à la police judiciaire de diligenter une enquête pour déterminer les causes et les circonstances de l'effondrement du minaret de la mosquée. Objectif : «préserver les intérêts des victimes et des ayants-droit», comme le souligne un communiqué du ministère de la Justice. L’idée d’une commission parlementaire ne semble pas séduire les politiques dont certains disent préférer que l’enquête prenne «son cours normal» et souhaitent qu’elle aboutisse à «des résultats tangibles».
Un programme plombé
«Le royaume recèle un certain nombre de mosquées historiques situées dans des villages ou des médinas, monuments qui témoignent de styles architecturaux ou ornementaux d’une valeur exceptionnelle», écrit le ministère des Affaires islamiques sur son site. «En vue de sauvegarder ces monuments historico-religieux, le ministère veille tout particulièrement à leur restauration et leur conservation», assure le département d’Ahmed Taoufik.
Avec la chute du minaret de Meknès, ce programme est déjà plombé. Pourtant, en 2007, il semblait bien démarré avec la restauration de la mosquée de la Qarawiyyîn, laquelle avait nécessité une enveloppe de 27 millions de dirhams. La remise en état de la grande mosquée de Chefchaouen pour un montant de 5 millions de dirhams redonnait, elle aussi, espoir. Tout comme celle de Salé qui a nécessité 8,5 millions de dirhams. Dans le même cadre, il y a eu la rénovation de la mosquée de la casbah de Tétouan pour un coût de 3 millions de dirhams et la vieille mosquée de Casablanca à laquelle a été affectée une enveloppe de 6,5 millions de dirhams. Sans oublier la mosquée de la casbah des Oudayas de Rabat pour un coût de 3 millions de dirhams, grâce à un financement spécial accordé par le roi Mohammed VI. La restauration des autres mosquées, qui ne sont pas classées comme monuments historiques, se fait actuellement avec un budget de 12 millions de DH. Elle a touché surtout les mosquées menaçant ruine comme celle d’Ajâna à Aïn Leuh, Aqrîsh à Marrakech et Abbas Abd al-Muttalib à Oujda. «83 mosquées à travers le Maroc sont fermées pour réhabilitation, alors que de nombreuses autres, comme celles de Fès, Marrakech, Oujda, Tanger et Tiznit ont été rénovées», avance A. Taoufik. Malgré les efforts réels consentis par le ministre et ses équipes, Fatah, le fils de l’une des victimes, reste inconsolable : «Qu’ils fassent ce qu’ils veulent.
Aujourd’hui, c’est trop tard, notre quartier a perdu tous ses hommes».


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