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De la rue au palais, l'impossible n'est pas marocain
Publié dans L'opinion le 26 - 10 - 2025

Ah, le Maroc ! Ce pays où la raison fait volontiers une révérence au panache, où le bon sens cède parfois la place à la flamboyance, où l'imprévu devient une discipline nationale. Dites-moi : dans quel autre pays peut-on passer, en trois petites semaines, vingt-trois jours exactement, du 27 septembre au 19 octobre 2025, d'une tension sociale brûlante à une victoire mondiale en technicolor ? Ici, la crise n'a été qu'une répétition générale avant le triomphe. Et ce talent inné pour transformer la tempête en parade, cette aptitude à rebondir comme si de rien n'était, c'est bien ce que certains appellent, non sans fierté, le génie marocain.
Tout commence le 27 septembre 2025. Dans les grandes villes comme dans les plus petites, la génération Z marocaine descend dans la rue. Des jeunes, nés avec un smartphone dans une main et un rêve de dignité dans l'autre, décident de se faire entendre. Les pancartes s'élèvent, les slogans fusent, les vidéos tournent en boucle.
On réclame du respect, de l'emploi, de l'écoute, la fin de la corruption, bref, une part équitable du gâteau national.

Dès le 28 septembre, les cortèges grossissent. On manifeste avec passion, mais sans violence. Les arrestations se multiplient, spectaculaires, très commentées. Les jeunes trouvent cela injuste de les priver de leur droit constitutionnel. Ils le disent parfois en criant « Vivre le roi ». La tension monte. Les rues deviennent le miroir d'un pays qui bouillonne.


Le 29 septembre, dans plusieurs villes, la cocotte-minute menace d'exploser. Devant les arrestations jugées abusives, diffusées en boucle, les jeunes des quartiers populaires s'en mêlent. Leurs colères est plus profondes, leurs violences aussi. Les débordements éclatent, et la confusion s'installe.

Et puis, fidèle à lui-même, le Maroc a fait... du Maroc.

Ici, la crise a eu la durée de vie plus courte qu'un feuilleton ramadanesque : intenses, suivies avec passion, mais toujours avec un dénouement surprenant. Le 8 octobre, les jeunes continuent de manifester, mais cette fois avec des roses à la main. Les forces de l'ordre reçoivent consigne de calmer le jeu, de se limiter à encadrer les rassemblements, comme dans les pays dits modernes. Le 9 octobre, dans les villes les plus secouées, d'autres jeunes se retroussent les manches pour nettoyer les rues. Le Maroc, en un mot, se ressaisit.

Le 10 octobre, le Roi prend la parole au Parlement. Discours sobre, mesuré, sans tonnerre ni promesses excessives. Il ne répond pas directement aux jeunes, mais on comprend qu'il a entendu. Derrière le ton institutionnel, un message implicite mais clair : « Restez calmes, on s'occupe de vous. » Et soudain, la tension retombe.

Neuf jours plus tard, le 19 octobre 2025, nouveau rebondissement : le Roi préside un Conseil des ministres et annonce une rallonge budgétaire de 140 milliards de dirhams pour le budget 2026. Cent quarante milliards ! De quoi financer des réformes dans l'éducation, la santé, l'emploi des jeunes et les infrastructures. Un chiffre si colossal que même les tableurs Excel du ministère des Finances ont dû demander une pause-café.

En trois semaines, le Maroc a fait ce que d'autres nations n'arrivent pas à faire en trois décennies : désamorcer une crise sociale sans effusion, répondre sans se dérober, et avancer sans vacarme. Mais le destin, toujours moqueur, aime ajouter sa touche de spectacle. Le 19 octobre au soir, pendant que les ministres rangeaient leurs dossiers à Rabat, à Santiago du Chili, une bande de jeunes footballeurs marocains de moins de 20 ans écrivait une autre page d'histoire. Finale de la Coupe du monde U-20 : Maroc-Argentine. Oui, l'Argentine de Messi, celle qui avait soulevé la grande Coupe au Qatar en 2022. Et là, miracle sportif : le Maroc s'impose. Victoire historique 2 à 0. Explosion de joie nationale.

L'ambassadrice du Maroc au Chili, dont la scène d'euphorie a fait le tour des réseaux, invite toute l'équipe chez elle pour un banquet royal : méchoui, agneau aux pruneaux, poulet au citron confit, et bien sûr... couscous. Le 22 octobre, le pays s'embrase, mais cette fois, de bonheur. Les mêmes places qui vibraient sous les slogans trois semaines plus tôt résonnent des klaxons, des chants et des tambours. Les larmes de colère se transforment en larmes de fierté. Les jeunes champions sont reçus par le Prince héritier, lui-même enfant de la génération Z. Les sourires remplacent les cris. La jeunesse n'est plus seulement entendue : elle est honorée.

Les images font le tour du monde : le même bus rouge qui avait paradé au retour du Mondial 2022 transporte cette fois des jeunes U-20, fiers ambassadeurs du Maroc nouveau. Le boulevard Mohammed V à Rabat est noir de monde. Et ironie du sort : les mêmes jeunes qui, trois semaines plus tôt, exigeaient qu'on investisse moins dans les stades et plus dans l'éducation, célèbrent maintenant la victoire sportive de leurs pairs. Contradiction ? Non. C'est juste... du Maroc. Pendant ce temps, les observateurs étrangers, installés confortablement à Paris, Londres ou Washington, attendent toujours que le « chaos » s'abatte sur le royaume. Spoiler : le chaos qu'on attendait a pris congé pour une durée indéterminée.

C'est connu et documenté : les droits, il faut les arracher. Parfois avec la voix, parfois avec des fleurs... et, pour une fois, avec une Coupe du monde en main. Les jeunes du Maroc ont accompli en trois semaines ce que les partis politiques n'ont pas su faire en quatorze ans : forcer le respect, inspirer une décision historique et rappeler à tout un pays qu'il peut, quand il le veut, s'écouter.

Mais ne soyons pas naïfs. Tout n'est pas réglé. J'entends déjà les voix, dans les cafés et sur les réseaux, qui murmurent : « Oui, mais les prisonniers politiques sont toujours derrière les barreaux... » Et parmi eux, plusieurs jeunes accusés d'avoir cédé à la violence pendant les manifestations. D'autres rappellent que trois morts ont été recensés parmi les manifestants, et qu'aucune enquête officielle n'a encore déterminé la responsabilité des forces de l'ordre. J'entends tout cela.

Mais parce que le Maroc reste fidèle à lui-même, on se surprend encore à espérer. On se dit qu'une grâce royale finira bien par tomber, comme souvent, pour apaiser les blessures et clore les chapitres trop lourds. Il faut bien l'admettre : notre pays cultive une longue tradition d'autorité ferme, presque paternelle. Le pouvoir aime montrer son autorité avant de tendre la main. À l'image d'une éducation marocaine à l'ancienne, c'est cet art délicat de mêler fermeté, réprimande et pardon. Peut-être les jeunes de la génération Z auront marqué une rupture avec une telle méthode.

Le Maroc reste une démocratie en construction, avec ses échafaudages visibles, ses maladresses et ses lenteurs. Mais au fond, les Marocains semblent préférer avancer à petits pas plutôt que plonger tête la première dans le chaos. Ils connaissent trop bien son prix pour en faire un idéal. Et c'est peut-être ça, le vrai génie marocain : avancer lentement, certes, mais sans jamais reculer. Et quand le pas se fait trop lourd, la jeunesse se charge de lui rappeler le rythme.


Mohamed Lotfi
26 Octobre 2025


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