Si le soulèvement du peuple tunisien renseigne sur la dangerosité de la mixture «totalitarisme - marasme social - étouffement des libertés», la subjectivité de certains dans l'analyse de la situation marocaine et leur recherche acharnée de similitudes avec l'incitation qui en découle -directe ou en filigrane- à «copier» les voisins tunisiens, sont tout aussi dangereuses que suicidaires parce que tout simplement gratuites et non fondées. Lorsqu'un évènement se produit dans une partie du monde, une analyse sereine et approfondie de ses causes directes et sous-jacentes s'impose pour pouvoir, ensuite, tirer les conclusions objectives et établir, le cas échéant, des comparaisons. Ce n'est pas parce qu'un pays compte, par exemple, des diplômés chômeurs ou qu'une partie de sa population souffre de précarité sociale - situation commune d'ailleurs à la majorité des pays du globe à l'ère de la mondialisation et de la crise économique mondiale- qu'on peut se donner le droit de faire les raccourcis les plus insensés. Un journaliste, un penseur, un analyste, un observateur lucide est tenu d'avoir constamment présent à l'esprit que chaque pays a ses spécificités politiques et sociales et que, de toutes les façons, comparaison n'est jamais raison. C'est le b.a.-ba. Ne pas en tenir compte c'est soit faire preuve de grave myopie, soit s'inscrire carrément dans de l'activisme déstabilisateur. Dans le sillage des évènements de Tunisie, des voix marocaines, seules et esseulées, se sont en effet empressées de s'attaquer au modèle marocain. Non pas dans le cadre de débats internes responsables, mais sur les colonnes de journaux étrangers, moyennant amalgames et contrevérités. Et c'est au milieu d'une multitude d'avis d'analystes prestigieux qui s'accordent sur la stabilité du Maroc et sur ses spécificités, dont la légitimité incontestée et incontestable du régime monarchique, que ces voix ont voulu se distinguer par leur nihilisme solitaire. «Le Maroc s'est appuyé sur l'exemple tunisien pour refermer la parenthèse démocratique», nous dira Abou Bakr Jamaï dans un entretien paru dans le dernier numéro de «Le Nouvel Observateur». Cette parenthèse, selon lui, s'était ouverte dans les années 90 mais a été refermée juste après la mort de Hassan II. Voilà une de ces allégations qui vous estomaquent. Le Maroc s'est appuyé sur l'exemple tunisien ? En quoi ? Une parenthèse démocratique refermée au lendemain de l'avènement de l'actuel Souverain ? Comment ? Ce que l'Histoire, les historiens, les analystes et la réalité sur le terrain retiennent pourtant, c'est que le Maroc a été précurseur dans l'ensemble du monde arabe en matière d'instauration des règles démocratiques par voies législative, réglementaire et pratique. Toutes les élections législatives sous le règne de SM Mohammed VI ont été démocratiques et incontestées. La page des violations des droits de l'Homme a été tournée. La normalité démocratique a été consacrée. L'espace des libertés a été élargi. Les mécanismes d'intermédiation et de recours ont été mis en place et dynamisés. La société civile a été encouragée et associée à l'effort de développement et de démocratisation. Des institutions constitutionnelles, longtemps en souffrance, ont été installées. La pratique religieuse et la liberté de culte ont été préservées et protégées. La femme marocaine a retrouvé la justice par rapport à son statut et ses droits. Le droit à la différence culturelle a été consacré. D'énormes projets réformateurs ont été lancés ou sont en cours avec en tête la régionalisation avancée, la réforme de la justice et l'institutionnalisation de la lutte contre la corruption... Est-ce cela l'expérience tunisienne de Ben Ali où il n'y avait que le chef d'Etat et rien d'autre ? Où les élections étaient systématiquement truquées. Où c'était le RCD au pouvoir, parti unique dans les faits, qui régnait en maître absolu ; une situation que le Souverain du Maroc pluraliste ne tolérera ni n'acceptera jamais. Où la presse était muselée. Où les droits de l'Homme étaient bafoués. Où les voix opposantes étaient sauvagement opprimées. Où la religion était pratiquement bannie. Où le vide régnait dans la vie politique, syndicale, professionnelle, corporative, estudiantine... Les analyses «offshore» de Abou Bakr Jamaï et de ses mentors ne pourront pas travestir l'Histoire. Ces tentatives maladroites de brosser un sombre tableau du Maroc sur la base de contrevérités trahissent une posture d'acharnement et s'efforcent à balayer d'un revers de la main tout ce que le Maroc d'aujourd'hui a pu bâtir dans la sérénité et l'assurance. Lancer à l'opinion publique internationale que si le Maroc «s'embrase», «la révolution y sera beaucoup plus sanglante qu'en Tunisie» en ajoutant, dans le dessein de crédibiliser cette thèse diabolique, «n'oubliez pas que nous avons nos émeutes sporadiques pour protester contre la cherté de la vie», cela ne peut relever que d'une haine profonde contre son propre pays dans la mesure où on cherche à faire peur aux partenaires du Maroc, à les dresser contre lui et à faire fuir les investisseurs étrangers en sous-entendant que le pays est en proie à l'instabilité. Ces voix dissonantes face à l'unanimité interne et externe qui salue la stabilité du Maroc chercheraient à renverser la vapeur en prenant leurs rêves pour des réalités. Les protestations contre la cherté de la vie, avec la flambée des prix à l'international, sont monnaie courante partout dans le monde, même dans les pays les plus avancés. Et encore, au Maroc, un effort particulier est fourni pour maintenir à leur niveau les prix des produits subventionnés qui, malgré la conjoncture, n'ont pas bougé. La question de la pauvreté et des disparités, qui n'est pas non plus propre au Maroc, fait justement l'objet d'un intérêt particulier de la part du Roi du pays, comme de son gouvernement. Une politique de proximité conséquente est mise en oeuvre avec renforcement et institutionnalisation de la solidarité. L'Initiative Nationale pour le Développement Humain, ce chantier colossal apporte déjà ses fruits. Les programmes sociaux prolifèrent. L'effort de développement est continu et touche tous les secteurs de la vie, drainant derrière lui la création d'emplois et de richesses. Face à la demande très forte en matière sociale, beaucoup reste à faire, c'est certain. Mais les Marocains, mûrs, savent très bien faire la part des choses, eux qui constatent la métamorphose que connaît leur pays grâce justement à son ouverture citée en exemple, à ses réformes politiques, économiques et sociales qui lui ont valu d'ailleurs son statut avancé avec l'Union européenne, seul pays de la région à en bénéficier. Tout cela serait-il sans importance au point de souhaiter pour son pays un lendemain désastreux ? Au nom de quoi ? De vouloir s'ériger en leader de l'opposition, virtuelle d'ailleurs ? Peut-être. En tout cas, la détresse morale et la solitude ont des signes qui ne trompent pas.