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Kébir Mustapha Ammi : Une infinie interrogation sur le Maghreb
Publié dans L'opinion le 06 - 12 - 2013

Invité par l'association les Amis du Café littéraire à Casablanca, l'écrivain Kebir Mustapha Ammi, présenté par Kacem Basfao, est revenu sur son parcours d'auteur de récits narratifs souvent rattachés à l'histoire et au Maghreb, montrant le rapport du passé et du présent dans une imbrication qui en dit long sur la contemporanéité maghrébine.
De père algérien ayant immigré au Maroc et de mère marocaine, Kebir Ammi est né à la veille de l'indépendance dans la ville de Taza. Ses textes sont marqués par l'errance, celle qui veut que toute terre doive être nécessairement hospitalière pour tous les hommes qui y vivent. Soit un rêve, un vœu profond que la réalité semble contredire mordicus avec les souffrances des migrants et autres refugiés errant en quête de terres hospitalières, de vie meilleure.
« Le Partage du monde » (1999) est l'histoire du voyage vers l'autre rive de la méditerranée d'un enfant marocain voyageur clandestin errant pour s'approprier son propre destin. « Les Vertus immorales » (2009) relate le périple d'un jeune marocain Moumen de Salé vers l'Amérique au XVIème, « Mardochée » (2011) donne une voix au juif marocain, Mardochée Abi Sorour, qui joue au guide pour Joseph Aleman, alias Charles de Foucault en 1883 pour un voyage d'exploration, plutôt d'espionnage, pour le compte du gouvernement français sous couvert de la Société de Géographie dans un Maroc que des nations coloniales européennes convoitent vivement ce qui se soldera par « Reconnaissance du Maroc » paru à Paris en 1885. Bien que le récit soit attaché aux faits historiques, il n'empêche que c'est bel et bien la fiction qui tient les rennes. D'un livre à l'autre le thème de l'errance est omniprésent. La traversée du XXème siècle au Maroc par une femme Fdéla dans « Le Ciel sans détour » (2007) donne le ton sur les valeurs de courage et d'abnégation.
Des textes sur des Maghrébins illustres ne sont pas hors du concept de l'errance d'une terre à l'autre, d'une rive à l'autre de la méditerranée et d'une culture à l'autre : « Thagast » (1999) sur Saint Augustin réfugié dans sa ville natale Taghast (Souk Ahras) pour prêcher la bonne parole à une époque de grand trouble entre Romains et Numides, « Apulée, mon éditrice et moi » (2006) une originale évocation de l'auteur de « L'âne d'or » sans oublier une biographie de L'Emir Abdelkader » (2004) et aussi « Evocation de Hallaj » (2003) très beau texte en collaboration avec Abdellah Lakhsassi.
Refusant les appartenances identitaires, Kebir Ammi se place dans l'écriture comme champ de liberté contre tous les enfermements et embrigadements. Pourtant on ne peut échapper à son passé comme il le dit aussi. C'est par cette attache, attache à sa maghrébinité qu'il peut trouver sa voix propre, un accent original en usant d'une langue qu'on dirait épurée. C'est par elle que l'évocation de Saint Augustin et Apulée s'énoncent comme une sorte de réappropriation des Numides, Berbères latinisés, des alter égo attirés par Rome et Carthage comme l'aura été l'auteur par Paris ou New York.
A l'origine de ce parcours, il y a la lecture boulimique pendant l'enfance et l'adolescence. Or l'auteur se dit redevable à un homme inoubliable, Abderrahmane, venu de Taroudant pour s'établir à Taza et tenir une libraire « alors qu'il aurait pu ouvrir une épicerie comme les autres gens de Souss ». Cosmos c'était le nom de la librairie. Quoi de plus évocateur comme nom ? Jamais aucun nom n'aura collé d'une manière si parfaite à l'objet qu'il désigne dirait-on. On dirait en effet que le monde était renfermé dans cette boutique où l'enfant se trouvait captivé par la découverte d'une langue grâce à l'imagination des grands auteurs depuis Stevenson et « Île au trésor ». Ce nom de librairie semble étrangement « préfigurer la suite, l'errance à travers le monde » le destin d'une vie de pérégrinations de l'auteur parti en France, en Angleterre ensuite aux Etats-Unis avant de revenir en France où il devient enseignant d'anglais. C'est l'errance partout d'un continent à l'autre, d'une langue à l'autre.
« J'étais encore au Maroc. L'errance ne m'avait pas encore choisi pour compagnon. Elle vivait de son côté. Et moi du mien. Nous faisions chambre à part. Je ne savais rien de ses lointaines routes qui se perdent dans les brumes. Je n'en soupçonnais rien. Elle ne me disait rien de ses secrets. Et je ne lui confiais pas les miens. Je ne connaissais pas Apulée. C'est par le plus grand des hasards que j'étais tombé sur « L'âne d'or » d'un auteur dont j'ignorais jusqu'à l'existence, dans la librairie Cosmos un capharnaüm où Abderrahmane stockait toutes sortes d'ouvrages... » (Extrait de « Apulée, mon éditrice et moi », éditions l'Aube 2006)
Après avoir erré, on revient parfois au point de départ. Kebir Ammi des années après, comme Ulysse revenu à Ithaque après avoir erré sur les flots marins, s'enquiert de la librairie Cosmos à Taza. C'était il y a deux ans. A sa place un café quelconque, lugubre, enfumé et bruyant mais gardant toujours le nom fameux, «presque une insulte ».
L'idée maitresse derrière l'écriture, ce qui la fonde, ce serait le Maghreb et ce qu'il représenterait comme plaque tournante pour le Nord du bassin méditerranéen. Les textes figurent une « interrogation de la mémoire de l'Afrique du Nord » car « il y a toujours eu une cohérence maghrébine avant la lettre... ». C'est vrai qu'au départ c'était la recherche du père d'origine kabyle mort, chercher qui on est, « il fallait se raccrocher à quelque chose ».
Puis vient l'idée d'appropriation culturelle avec des figures maghrébines Apulée, Saint Augustin dont il montre l'appartenance au Nord de l'Afrique des Numides du Maghreb qui a toujours figuré une entité d'un seul bloc une sorte de continent qui fait le lien entre l'Est, le Moyen Orient et le Nord, l'Europe et le Sud de l'Afrique subsaharienne. Aujourd'hui sur le terrain la réalité des déchirements est toute autre avec la frontière qui est toujours fermée depuis des années entre le Maroc et l'Algérie, avec des blessures toujours ouvertes comme ces 45 milles familles marocaines expulsées en décembre 1975.
La postérité jugera des dérives du pouvoir de domination pour le leadership. L'espoir reste toujours à l'œuvre pour une vie en harmonie au sein d'un Maghreb uni. Est-ce vraiment si chimérique d'espérer que l'écriture, la beauté aient un jour le dessus pour exorciser une situation qui a trop duré ?


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