Le chef d'état-major de l'armée thaïlandaise, le général Prayuth Chan-ocha, va réunir autour de lui mercredi des représentants des partis politiques, des membres de la commission électorale et des sénateurs pour tenter de trouver une issue à la crise politique en Thaïlande, a annoncé un porte-parole de l'armée. Cette réunion devait débuter hier à 13h30 (06h30 GMT). L'armée a imposé mardi la loi martiale dans l'ensemble de la Thaïlande après six mois de troubles politiques, marqués par des manifestations de l'opposition et la démission de la Première ministre, Yingluck Shinawatra, à la suite d'une décision en sa défaveur de la Cour suprême. La hiérarchie militaire dément que son intervention dans le jeu politique s'apparente à un coup d'Etat mais c'est bien le général Prayuth Chan-ocha qui fixe le calendrier des événements et assume désormais un rôle central dans la crise actuelle. «Le général Prayuth a convoqué une réunion au Club militaire avec toutes les parties concernées pour discuter des moyens de sortir le pays de la crise», a dit Winthai Suvaree, porte-parole adjoint de l'armée. La Commission électorale se réunissait séparément mercredi matin pour étudier la proposition du gouvernement intérimaire de convoquer une élection le 3 août. Le scrutin organisé en février avait été perturbé par les manifestants antigouvernementaux avant d'être annulé. Ils ont prévenu qu'ils observeraient la même stratégie en cas de nouvelles élections sans qu'au préalable aient été apportées des réformes au code électoral visant à limiter l'influence de l'ancien Premier ministre déchu Thaksin Shinawatra. Vingt-huit personnes ont été tuées et sept cents autres blessées en 2013 lors des dernières violences en date qui jalonnent depuis une décennie la lutte de pouvoir entre le clan Thaksin et la classe dirigeante royaliste. Le général Prayuth a expliqué avoir instauré la loi martiale afin de rétablir l'ordre dans le pays tandis que le gouvernement intérimaire affirme qu'il continue d'administrer le pays. «On ne peut pas parler stricto sensu d'un coup d'Etat militaire car le gouvernement est toujours en place, mais sur le terrain l'armée semble avoir les choses en mains», a commenté Thitinan Pongsudhirak, analyste politique à l'université Chulalonkorn. «Prayuth prend de nombreux risques», a-t-il poursuivi, «parce qu'imposer la loi martiale le place dans une situation délicate. Plus les choses vont tarder à se régler, plus il y aura de risques pour l'armée». Adversaires et partisans du gouvernement demeurent largement mobilisés mais l'armée a réussi à les maintenir à distance les uns des autres à Bangkok et dans les environs de la capitale. Aucun incident n'a été signalé au cours de la nuit. Le Premier ministre de transition Niwatthamrong Boonsonphaisan, qui a succédé à Yingluck Shinawatra, la soeur de Thaksin contrainte de démissionner par la justice il y a deux semaines, a proposé mardi qu'une élection soit organisée le 3 août. Un membre de la Commission électorale a précisé que chaque camp était en train d'évaluer la proposition. «La situation est différente désormais. Nous avons la loi martiale et la Commission électorale, l'armée et le gouvernement doivent donc commencer par discuter», a dit Somchai Srisutthiyakorn. «Je ne peux pas dire pour l'instant si un scrutin aura lieu le 3 août». Les Etats-Unis, qui avaient suspendu l'aide fournie à leur allié militaire après la destitution de Thaksin par les soldats en 2006, ont appelé l'armée thaïlandaise à respecter «les principes démocratiques». «Nous suivons la situation de très près. Nous espérons que l'arme thaïlandaise tiendra parole quand elle dit qu'il ne s'agit pas d'un coup d'Etat et que c'est seulement une injonction temporaire», a commenté le contre-amiral John Kirby, porte-parole du Pentagone. Les observateurs estiment que la loi martiale devrait suffire à contenir les violences susceptibles d'être fomentées par les deux camps, y compris les «chemises rouges» de Thaksin. «N'importe quel type de gouvernement de transition sera de toute façon un meilleur scénario pour la Thaïlande que l'actuelle impasse politique avec un gouvernement intérimaire incapable de fonctionner», a commenté Pimpaka Nichgaroon, responsable de recherches à Thanachart Securities. L'actuelle administration dispose d'une autorité restreinte et ne peut pas, par exemple, mettre en oeuvre de politique fiscale pour soutenir une économie menacée par la récession. L'armée a donné ordre à quatorze chaînes de télévision, pro et antigouvernementales de cesser d'émettre et a mis en garde contre la diffusion de contenus provocateurs sur les réseaux sociaux.