Rabat accueille la cinquième réunion de l'Alliance globale pour la mise en œuvre de la solution à deux Etats    Conseil de gouvernement: Les modalités d'application des peines alternatives au menu    Code de procédure pénale : Le projet de loi présenté en plénière devant la première Chambre    De la valise diplomatique à la valise tout court : lorsqu'un ambassadeur choisit l'exil    L'armée marocaine se forme au système Himars lors des manœuvres African Lion 2025    Lutte contre la corruption: Le Maroc et la Côte d'Ivoire signent un mémorandum d'entente    Les arrivées de touristes brésiliens bondissent de 48% à fin avril    Tanger Med: SKF inaugure une nouvelle unité de paliers magnétiques    Batteries : Falcon Energy Materials et Fluoralpha s'allient pour une usine d'anodes à Jorf Lasfar    African Lion 2025 : Les forces spéciales en action !    Le Maroc remporte les Olympiades de la chimie à Paris grâce au Groupe Scolaire Jacques Chirac de Rabat    United : Mazraoui, un record de polyvalence et de régularité    Seria A : Amir Richardson rêve d'Europe avec la Fiorentina    Neil El Aynaoui, l'homme fort du sprint final lensois    Abdellatif Hammouchi reçoit les pèlerins du pôle DGSN-DGST en partance pour les Lieux saints de l'islam    Santé : Le Maroc à l'initiative d'un projet de lutte contre la pénurie des ressources humaines    Voilà comment le gouvernement a rendu à la profession d'enseignant ses lettres de noblesse    Trois individus interpellés lors d'une opération conjointe contre le trafic de stupéfiants dans les régions de Settat, Khouribga et Ben Ahmed    Trafic illégal de plastiques agricoles : le Maroc cité dans une vaste affaire de déchets exportés depuis l'Espagne    Maroc–Afrique du Sud : Deux géants de l'automobile africaine face à des défis stratégiques    Angola – Mozambique. Nouveau cap pour un partenariat plus stratégique    Algérie. Le ministre de la communication confirme que le pays est une prison à ciel ouvert    Inauguration officielle du pontificat du Pape Léon XIV: Akhannouch représente SM le Roi, Amir Al-Mouminine    Russie-Ukraine. Après sa conversation avec poutine, Trump annonce des pourparlers"immédiats"    Maroc–Emirats : Un tournant stratégique pour la souveraineté hydrique et énergétique    Paiement électronique au Maroc : la révolution silencieuse du CMI saluée par le Conseil de la Concurrence    Femmopause : La ménopause n'est pas une fin, c'est un nouveau départ    La Fondation de l'OMS lance le premier partenariat du CCG avec Tawuniya    « Semaine Africaine » : L'UNESCO lance les festivités    Projet Madrastna : L'école fait son show    À 82 ans, Joe Biden fait face à un cancer de la prostate agressif    L'AS Monaco ne lâchera pas Eliesse Ben Seghir pisté par Man City    Ligue 1 : Achraf Hakimi et Neil El Aynaoui dans l'équipe-type de la saison    Pollution industrielle : Vers un encadrement rigoureux des émissions    DGSN : Des drones pour anticiper les menaces sécuritaires complexes    AMMC : hausse de 3,88% de l'actif net des OPCVM au 09 mai    Brouille Paris-Alger : l'accord de 2013 suspendu, la diplomatie algérienne en crise    Rabat abrite les travaux de la 5è réunion de l'Alliance globale pour la mise en œuvre de la solution à Deux Etats    FNM : Le Musée Nejjarine des arts et métiers du bois de Fès reçoit le Label « Musée du Maroc »    La Chine célèbre la Journée du Tourisme le 19 mai : une fête de l'histoire, de la nature et de l'esprit de découverte    M. Bourita reçoit le président de la commission des AE au Parlement du Ghana    Israël va "prendre le contrôle de toute" la bande de Gaza, annonce Benjamin Netanyahu    Cannes : «Everybody Loves Touda » de Nabil Ayouch primé aux Critics' Awards for Arab Films    La BMCI renouvelle son soutien au « Moroccan Short Mobile Film Contest » pour sa 3ème édition    Une vidéo rare du défunt roi Hassan II défendant la Chine à l'ONU suscite un vif intérêt en Chine et ravive la mémoire diplomatique entre Rabat et Pékin    Fenerbahçe : Youssef En-Nesyri marque et répond aux sifflets des supporters    Le cinéma chinois brille au Festival de Cannes : un pavillon dédié reflète l'essor de la créativité cinématographique chinoise    Festival de Cannes : Rachida Dati visite le pavillon marocain    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Tayeb et sa société «mémorable»
Publié dans L'opinion le 19 - 04 - 2016

Il est artiste par amour pour les autres, pour l'Autre
À la base, il s'aime (comme tout artiste)
Il s'aime comme être vivant, il aime la vie
Il veut faire aimer la vie à l'Autre, aux autres
D'où son caractère central : la générosité. Il cherche la vie, il court après les autres (« théâtre des gens »), il court après la vie pour en faire jouir les autres, comme il en jouit lui ou plus, puisque, lui, peine, travaille, guerroie pour les autres, ces spectateurs/jouisseurs de la vie sans peine dans la salle, devant sa scène à lui. Sa scène (« du berceau à la tombe ») où il peine et sue, se prête à tous les risques : sifflements, trac, blancs, ridicule, entorse, extinction de voix, interdiction, oppression, injustice, pressions des puissants, faux bond des riches, perfidie des pauvres...
Mais son amour est un amour critique, passe par la critique, car quand on aime, on critique pour élever l'Autre, pour l'inciter à s'améliorer, pour qu'il soit mieux que nous, pour qu'il soit plus admirable que soi-même...
Cela se traduit par une fusion dans l'autre, avec l'autre, fusion dans sa beauté, dans ses qualités humaines, dans les bienfaits de ses actes et ambitions. On veut que l'Autre soit meilleur que nous, car on l'aime autant qu'on s'aime, on veut qu'il soit artiste, meilleur artiste... L'artiste admire un seul artiste : le public.
Seul le public l'impressionne et emporte sa plus grande admiration et force son plus grand respect.
Tayeb était ainsi et, forcément, cette attitude de l'artiste idolâtrant ainsi son public suppose l'humilité. L'humilité qu'on a face à ce qu'on aime avant tout... L'Autre et la vie... La vie des autres et surtout des plus humbles parmi les humbles : les pauvres, les opprimés, les menacés ou victimes de toutes les injustices, des affres et des difficultés de la vie, les menacés de ne pas jouir assez de la vie, comme la joie de vivre, la joie d'aimer, la joie de rire, la joie de se moquer (lui, se moquait, joyeusement, de tout, y compris de lui-même), de jouir de la dérision et de la dérision de l'Autre... La joie d'admirer la beauté du verbe, du costume, de la couleur, du trait de calligraphie, des formes, des airs de la musique, de la rime de la réplique, de sa résonnance « assassine »...
Tayeb donc se transportait, avec ouverture, et amour, vers les menacés dans leur vie matérielle et immatérielle, il voyageait ainsi vers eux là où ils se trouvent ou s'exilent : de l'Irak au Canada, de Casa à Oujda... du boulevard de Paris (de sa caverne platonicienne, le martyre « Théâtre Municipal» de Casa) au cinéma Saâda de Hay Mohammadi ou à Derb El Miter dans le quartier Bouchentouf...)
Il est fils de voyage dans la société, fils prodige de l'exil et de l'exode, depuis Mogador... Exode de petites gens de couches urbaines traditionnelles (Azemour, Salé, Marrakech, Fès, Meknès, Essaouira...), des médinas de l'urbanité du 19ème siècle vers l'urbanité des ghettos du 20ème siècle pour « indigènes » parqués par l'occupant « civilisateur »... Derb Soltan, Derb « Carrières Carlotti », Derb Spagnol, Derb Bouchentouf, Derb Bel Aâlia, Derb Achorfa & Tolba, Sidi Maârouf, Derb Martinet, Derb Lihoudi, Derb Al Fassi, Derb Al kabir, Derb Al Aâfou, Al Korea...
Fils d'exode d'une classe urbaine, il a voyagé vers les exils des sans terre des années 50, les plus démunis que lui, les moins armés que sa classe, des années 50 et 60... de Majd, Ishak, Habachi, Salah Eddine,, Touria, Naima... Vers Batma, Omar, Boujmeii, Hamid... Et puis le voyageur, fils de la contrée d'Ibn Batouta, voyage vers les ancêtres et leurs contrées d'origine, les terres d'Abou Hayan, d'Al Hamadani... Voyager et scruter/fouiller les terres, les hommes, les femmes, les générations, les patrimoines, la lettre, la couleur, les vers... Ici, plus loin, dans le monde, au-delà des mers et des océans (Méditerranée, Atlantique...). On peut imaginer qu'il aurait eu aussi le projet d'un théâtre qui vogue sur un bateau depuis Mogador, plantant sa scène port après port, offrant ses spectacles dans l'arrière-pays de tous les ports du monde, comme un conquérant de nouvelles terres et mémoires par l'art comme glaive...
Notre grand voyageur, par air, mer et terre, dans les textes, dans les calligraphies, dans les mémoires des places et des sanctuaires des saints et des soufis, il était une vigie, il avait une vue panoramique d'épris et de conquérant de liberté pour soi et pour ses publics, pour les siens, pour sa société « mémorable » qui déborde de millions de mémoires : les Marocains et Marocaines.
Sa liberté « grand angle », piste fleurie plutôt que bitume sec (« Zeft »), permettait à sa société de se regarder, de travailler sur elle-même, sur sa mémoire, son existence, ses rêves et cauchemars, ses croyances et fausses croyances, et donc d'avancer, de progresser, de s'affranchir de l'oubli, du déni, de la méchanceté et surtout de la médiocrité.
Avec Tayeb, on a progressé : on a découvert un art, le théâtre ; on a redécouvert nos musiques et nos chants (Al Malhoun, cet inépuisable traité de sociologie sur notre société ; on a reconnu notre patrimoine et notre esthétique ; on a admiré la beauté de la scène, du costume plastique et visuel, du praticable contorsionniste ; on a applaudi le génie de la mise en scène sur une forme d'espace ancestral : Al Halqa et sa filiation plus Romaine et Amazigh que grecque et italienne : « Al B'ssat »
On a découvert le mystère du vide, de la lettre, de l'accessoire ; la pertinence décapante de la réplique, qui interpelle et interroge plus qu'elle ne proclame ou déclame, qui dérange plus qu'elle ne rassure, qui sème le doute dans les certitudes qui empêchent d'avancer, de s'affranchir, de s'élever...
Comme le Fqih, (son père l'était), il était Maître-animateur qui est rigoureux, dur mais bienveillant pour vous encourager à vous remettre en question, par un mot, un geste, une image, un élément étudié de décor... Il vous pousse, avec gentillesse exquise, parce que souvent sarcastique et théâtrale à vous dépasser : « il faut écrire tous les jours », me répétait-il au téléphone, un soir d'hiver, hivernal aux plans physique comme au plan culturel... Lui, le faisait.
Durant plus de 50 ans, il a joué, pour nous, pour notre équipe, la société de ce pays, le rôle de pivot, distributeur de pistes de voyages dans nos êtres, individuels et collectifs...Distribuant des balles magiques, remplies de tous les airs de nos âmes et de nos mémoires... Ce n'est pas par hasard qu'il aimait et jouait le Basket- Ball (ses rendez-vous traditionnels de matchs de Basket au « Miami Beach »)... Sport que je partageais et qui rendait Tayeb Saddiki plus aimé encore.
Si Tayeb, je t'ai aimé et admiré, retiens-le là-haut, retenez-le ici-bas.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.