Le secteur de ressources humaines au Maroc reste un secteur à deux ou trois vitesses. Tel est, en tout cas, le constat de la Chambre Française du Commerce et d'Industrie du Maroc (CFCIM). « Les problématiques RH, dans un tissu économique marocain très hétérogène, ne sont pas du tout les mêmes pour les TPE/PME, les grandes entreprises et les filiales de multinationales. Leur approche RH est globalement différente », souligne-t-elle dans un récent numéro de sa revue « Conjoncture ». Ainsi, pour ce qui est des multinationales, la CFCIM indique que ces dernières investissent considérablement dans la fonction RH, et ce, grâce notamment à l'amélioration des outils de management, la formation continue, le développement de programmes d'inventive. « Le Directeur des Ressources Humaines apporte ainsi une réponse aux évolutions prévisionnelles des métiers et aux programmes de transformation culturelle et managériale des entreprises. Le capital humain est au centre de ses préoccupations. D'autant plus qu'en tant que multinationales, celles-ci ont un défi supplémentaire à surmonter : une culture locale souvent différente de la culture de la maison mère », affirme la CFCIM. En revanche, ajoute-t-elle, les Petites et Moyennes Entreprises (PME) et les Très Petites Entreprises (TPE), qui constituent plus de 90 % du tissu économique du Maroc, restent encore majoritairement focalisées sur des problématiques d'administration du personnel et de conformité, témoignant d'une vision assez binaire et réductrice. En effet, ajoute la CFCIM, la plupart des PME/TPE n'arrivent pas vraiment à passer de l'administration du personnel à un vrai management du capital humain et à investir ainsi dans le volet relatif au développement de carrière des collaborateurs, au recrutement, à la formation... Dans la plupart des cas, la principale raison avancée par les responsables de ces structures est le manque de moyens financier. « Dans tous les cas, la fonction RH souffre encore aujourd'hui d'un manque criant de compétences RH. Cela concerne deux volets. Tout d'abord, la fonction RH centrale est encore assez peu fournie en experts et spécialistes capables d'avoir une vision globale des enjeux stratégiques, organisationnels et culturels de l'entreprise et qui soient également capables de se hisser à un niveau de Business Partner pouvant apporter une réponse agile aux évolutions des métiers. L'autre volet concerne le middle management, pour l'essentiel insuffisamment outillé pour constituer une courroie de transmission efficace et porter une culture managériale à même d'implémenter les programmes de transformation dessinés par les dirigeants », explique Mehdi El Yousfi, Directeur Général du Cabinet de conseil Diorh. Nawal Jai, Directrice Conseil au sein du cabinet Eclorh souligne pour sa part que « Toute entreprise a vocation à créer de la valeur. Sans quoi, sa seule alternative est de disparaître. Or, à la date d'aujourd'hui, l'écrasante majorité de notre tissu entreprenariat joue sa compétitivité et ses marchés clients, essentiellement dans la mise à disposition d'une main-d'œuvre moyennement qualifiée et à moindre coût, pour sous-traiter en partie ou en totalité, des productions souvent dédiées à d'autres marchés. Et la concurrence (Inde, Roumanie, etc.) est bien rude... » Une équation complexe Quelle que soit leur nature, leur taille ou leur secteur d'activité, les entreprises ont pris conscience que leur ambition stratégique et leurs programmes de transformation doivent impérativement passer par le levier RH, affirme-t-on. « On peut sommairement résumer leurs enjeux communs à trois grands défis : compétitivité salariale, capacité à attirer et retenir les compétences et climat social. La réponse à ces défis sera, bien entendu, différente selon le niveau de maturité, la capacité organisationnelle et la culture managériale de ces entreprises. La compétitivité salariale est d'autant plus problématique que l'inflation des salaires dépasse en moyenne sur les dernières années les principaux taux de croissance économique (amélioration de la productivité, croissance du PIB...) », explique Mehdi El Yousfi. Selon lui, cité par la même source, la capacité des entreprises à rester attractives tout en maîtrisant la progression de leur masse salariale est actuellement un vrai enjeu, pouvant impacter le positionnement des entreprises exportatrices, en particulier dans les services (outsourcing notamment). Mais cette compétitivité doit être analysée au regard du niveau de compétences. Là est l'enjeu central : réussir à recruter, fidéliser et retenir les compétences capables de soutenir la transformation ou la mise à niveau des entreprises. La CFCIM conclut que les secteur RH doit plus que jamais se concentrer autour de trois challenges à savoir : être un acteur principal dans la transformation des organisations afin de leur permettre d'accroître la compétitivité et la performance, être un leader proactif dans l'attractivité et le développement des talents pour accompagner la stratégie de l'entreprise et, enfin, être une source d'innovation permanente pour l'engagement et le bien-être des collaborateurs. A.CHANNAJE