Prix de la société civile : le Maroc célèbre les acteurs locaux et la diaspora    Renforcement de la position des Femmes, de la Paix et de la Sécurité en Afrique    Maroc-France : La nouvelle géopolitique d'un partenariat militaire stratégique    Atlantic Dialogues 2025 : Coup d'envoi de la 14e édition axée sur l'avenir des démocraties et la coopération atlantique    La BAD accorde 150 millions d'euros au Maroc    Le Maroc réélu à la tête de l'Union africaine de la mutualité    Drame de Fès : Le CNDH exige une réponse nationale urgente    Diplomatie chinoise : tournée de Wang Yi dans trois pays arabes    Allemagne : Angela Merkel qualifie la pandémie de Covid-19 de "mise à l'épreuve démocratique"    Gaza: lancement de la campagne « Hiver chaud » au profit de Palestiniens déplacés, avec un financement marocain    Ukraine : Zelensky prêt à envoyer sa proposition du plan Trump    Manœuvres aériennes : Séoul proteste auprès de Pékin et Moscou    Effondrement à Fès : les Emirats expriment leur solidarité avec le Maroc    Ligue 1: Un Marocain officiellement nommé pour redresser le FC Nantes de Youssef Larabi    Classement féminin FIFA: le Maroc au 66è rang mondial, 5è en Afrique    Le rêve continue... Le Maroc affronte la Syrie pour assurer sa place en demi-finale    Coupe arabe : Face à la Syrie, le Maroc en quête d'une place dans le dernier carré    Températures prévues pour vendredi 12 décembre 2025    L'inscription conjointe du Deepavali et du caftan marocain à l'UNESCO renforce le partenariat culturel entre l'Inde et le Maroc    Edito. Un patrimoine intouchable    Industrie pétrolière. Le Nigeria mise sur ses entreprises locales    « SURAGGWA ». Le Sénégal lance l'offensive verte pour sauver le Sahel    Marché des capitaux: 97,82 MMDH de levées à fin octobre    Ounahi autorisé à prolonger son séjour à Gérone avant de rejoindre les Lions de l'Atlas    L'OM avance ses pions pour recruter Ayoub El Kaabi cet hiver    Poivron doux : record des exportations pour la 5e année consécutive    Palestine : 377 martyrs depuis le cessez-le-feu    Bourse de Casablanca : ouverture en baisse    SILA 2025 : Abidjan, carrefour littéraire    Marocanité du caftan : L'Algérie battue à plate couture à l'UNESCO [INTEGRAL]    Mercato hivernal : la LNFP précise les dates    LDC Phase de ligue / J6 (Acte2) : Arsenal déroule, City frappe fort, Real rechute, Benfica et la Juventus se relancent    Drame à Fès : les enquêtes se poursuivent, d'autres immeubles restent menacés    Alerte météo : Averses et chutes de neige mercredi dans plusieurs provinces    Classement UI GreenMetric 2025: l'Université Euromed de Fès classée 1ère au Maroc    L'Accord quadripartite antiterroriste, une expérience pionnière    Armement : les FAR renouent les contacts avec KNDS après le fiasco des CAESAR    La Déclaration de Rabat sur le Désarmement, la Démobilisation et la Réintégration publiée comme document conjoint de l'ONU    Talbi Alami: Le Maroc a réalisé des avancées considérables en matière d'autonomisation politique des femmes    Le Caftan marocain inscrit au Patrimoine culturel immatériel de l'UNESCO    Plein succès pour la 2e édition du Festival des Arts Numériques tenue à l'UM6P    L'UNESCO valide l'inscription du Caftan en tant que patrimoine marocain sur sa liste représentative    Art's Factory II : Au service des jeunes talents des industries créatives    La ministre palestinienne des AE salue hautement le soutien constant de SM le Roi à la cause palestinienne    Effondrement de deux immeubles à Fès : Le bilan grimpe à 22 morts, le Parquet ouvre une enquête    Protection sociale : Le Maroc salué pour ses réformes structurelles    19 killed, 16 injured in Fez as two buildings collapse overnight    Fès: 19 muertos y 16 heridos en el derrumbe de dos edificios adyacentes    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Mali : « le divorce est déjà consommé avec la France et la CEDEAO »
Publié dans Maroc Diplomatique le 20 - 01 - 2022

Docteur en Science Politique, ancien analyste du renseignement, Eric Denécé est directeur du Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R) qu'il a créé en 2000. Il est l'auteur de nombreux ouvrages, articles et rapports consacrés au renseignement, à l'intelligence économique, au terrorisme et aux opérations spéciales. Ses travaux lui ont valu d'être lauréat du Prix 1996 de la Fondation pour les Etudes de Défense (FED) et du Prix Akropolis 2009 (Institut des Hautes Etudes de Sécurité Intérieure). Son dernier opus paru est : La Nouvelle guerre secrète : unités militaires clandestines et opérations spéciales (en collaboration avec Alain-Pierre Laclotte, Mareuil éditions, 2021).
Pour Maroc Diplomatique, Eric Denécé a bien voulu livrer son analyse objective des bouleversements récents au Mali.
Entretien réalisé par Olivier DELAGARDE
MAROC DIPLOMATIQUE : Après les sanctions de la CEDEAO, les contraintes de l'UA, quelles seraient les conséquences d'une exclusion du G5 Sahel pour le Mali ?
Eric DENECE : Elles seraient mauvaises mais pas catastrophiques. Soyons lucides, en dépit des sommes d'argent dépensées et de l'envoi d'instructeurs auprès des armées du Sahel, leur niveau de compétence et d'efficacité ne s'est accru que de manière assez marginale – exception faite de quelques unités « de pointe ». Donc, si l'exclusion de Bamako du G5 priverait le pays de moyens d'action contre le terrorisme, dans la mesure où le divorce est déjà consommé avec la France et la CEDEAO, cela n'aggraverait que peu la situation, déjà déplorable. Finalement, ce sont les autres pays du G5 Sahel qui en porteraient plus les conséquences, puisque le Mali occupe une position centrale dans ce dispositif qui se verrait alors coupé en deux.
MD : A cet égard et devant cette éventualité, l'Union européenne et plus particulièrement la France, sont toutes deux « très silencieuses » pour l'instant. Que faut-il en déduire ?
E.M : Pour le moment, les acteurs majeurs ne veulent pas précipiter la situation vers une impasse, même si ce n'est pas l'envie qui leur manque, notamment concernant la France. Mais leur intérêt est que le Mali plus largement l'Afrique de l'Ouest soient stabilisés et sécurisés, débarrassés du terrorisme et capable de juguler l'immigration. C'est pour cela que la France et l'Union européenne font preuve d'une certaine patience... indubitablement contrainte face aux rodomontades de Bamako.
MD : Quel est l'avenir à entrevoir pour la force Barkhane dans la région ?
E.M : Il y a longtemps que nous aurions dû réduire notre dispositif. L'intervention déclenchée en 2013 – et très réussie grâce à l'action efficace de nos militaires – est parvenue à porter un coup d'arrêt très significatif aux groupes armés terroristes de l'espace sahélo-saharien.
Malheureusement, tant nos diplomates que les autorités locales se sont révélés incapables d'apporter une solution politique à cette crise. Tensions et différends internes au Mali demeurent et le sous-développement de la région est loin d'être en voie de résolution. Donc l'environnement qui permet aux terroristes de recruter ou d'obtenir la coopération de certaines populations n'a pas été modifiée.
→ Lire aussi : Le Mali peu malin, dénonce une « violation » de son espace aérien par un avion militaire français
Face à ce constat, il convient de reconnaître que notre présence militaire sur place n'a que trop duré. En particulier, l'absence de reconnaissance, voire l'hostilité d'une partie des populations locales, travaillées par la propagande nationaliste ou djihadiste, aurait dû nous inciter à partir il y a déjà plusieurs années. Si notre bonne volonté et nos efforts ne servent à rien, alors soyons cyniques. Laissons les acteurs locaux faire face à leur triste destin et gérer eux-mêmes leurs problèmes économiques et sécuritaires... nous verrons ce que cela donnera. La présence de l'armée française évite depuis 2013 aux Maliens de prendre en charge leur sécurité. Notre pays n'a pas vocation à les secourir, puis à se faire critiquer !
MD : Alors que la France est l'instigatrice de cet engagement militaire datant de 2014, rencontre-t-elle des oppositions de ses alliés quant à un retrait éventuel du Mali ?
E.M : Non, même si certains, à l'image de la Suède, commencent à quitter Takuba. La France a plutôt rencontré des difficultés à convaincre ses partenaires européens à s'engager militairement à ses côtés, car peu d'entre eux se sentent concernés par ce qui se passe au Sahel, en particulier nos « alliés » allemands. En effet, à l'exception des pays latins, les Etats d'Europe du Nord et de l'Est ne sont pas directement menacés par ce djihadisme nord-africain, qui n'a que peu de résonnance chez eux. En revanche, ils sont obnubilés par la soi-disant menace russe.
Le soutien le plus marqué à notre action vient finalement des Américains. Ils continuent à nous soutenir (renseignement, logistique) car notre intervention leur évite de s'engager dans la zone. Mais ils le font également pour faire oublier leur inacceptable comportement à l'égard d'un allié dans l'affaire des sous-marins australiens.
MD : Le déploiement de forces étrangères à la coalition barkhane en parallèle de celle-ci, telle que les milices paramilitaires Wagner, rebat inéluctablement les cartes ?
E.M : C'est encore difficile à évaluer. L'action de Wagner semble pour le moment se limiter à assurer la protection et le maintien au pouvoir du colonel Goïta et de son équipe. Et on ne sait pas encore très clairement ce que font les instructeurs russes. S'ils participent à la lutte contre le terrorisme, cela contribuera à la sécurité de l'Europe. Mais je ne doute pas qu'ils en profitent parallèlement- et légitimement – pour substituer leur influence à celle de la France et pour obtenir des avantages afin d'accéder aux ressources minérales du pays.
MD : En termes d'interventions, d'autres implications étrangères sont-elles possibles dans le jeu malien ? Plus largement en Afrique de l'Ouest ?
E.M : Oui et cela n'est pas nouveau. Le Maroc et l'Algérie ne peuvent se désintéresser de cette zone d'instabilité majeure située directement à leur frontière. D'autres Etats y voient la possibilité d'y déstabiliser la France et l'Europe (Turquie), voire d'y soutenir des groupes armés adhérant à l'islam radical qu'ils préconisent (Qatar). Enfin, les Chinois sont de plus en plus présents dans la zone, et de moins en moins discrets et passifs.
MD : Une diplomatie ainsi qu'une stratégie militaire « sérieuse » est-elle envisageable entre Paris et le nouveau régime malien, plus particulièrement avec Assimi Goïta ?
E.M : Pour le moment, j'en doute fortement. Il y a un vrai divorce entre les deux capitales. Paris s'intéresse au sort des populations de la région et recherche la stabilité. Goïta ne vise qu'à se maintenir au pouvoir et coupe les relations avec tous ceux qui le critiquent. Dans ces conditions, l'entente est difficile et l'avenir incertain. Tout cela au détriment des Maliens eux-mêmes.
MD : Et si non, quelle issue pour la France et ses troupes notamment ?
E.M : Les interdictions de survol décidées par l'Algérie et le Mali compliquent les actions militaires des forces françaises au Sahel. Cela provoque une rupture physique de leurs liaisons entre le Burkina, le Niger et la Mauritanie – même s'il faut le dire, Bamako n'est pas capable d'assurer la surveillance aérienne de son territoire. Cela signifie que le territoire malien risque de devenir une nouvelle zone sanctuaire pour les terroristes et les criminels, dans laquelle les forces françaises et européennes ne pourront les poursuivre. Et je doute que les forces armées maliennes (FAMA) puissent les combattre efficacement. Tout cela plaide pour un retrait rapide des forces françaises, qui ne peuvent plus mener leur traque dans des conditions satisfaisantes. Mais Paris n'a pas l'intention d'abandonner ses autres alliés locaux qu'elle continuera d'assister dans leur lutte contre la barbarie terroriste.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.