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Mali : « le divorce est déjà consommé avec la France et la CEDEAO »
Publié dans Maroc Diplomatique le 20 - 01 - 2022

Docteur en Science Politique, ancien analyste du renseignement, Eric Denécé est directeur du Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R) qu'il a créé en 2000. Il est l'auteur de nombreux ouvrages, articles et rapports consacrés au renseignement, à l'intelligence économique, au terrorisme et aux opérations spéciales. Ses travaux lui ont valu d'être lauréat du Prix 1996 de la Fondation pour les Etudes de Défense (FED) et du Prix Akropolis 2009 (Institut des Hautes Etudes de Sécurité Intérieure). Son dernier opus paru est : La Nouvelle guerre secrète : unités militaires clandestines et opérations spéciales (en collaboration avec Alain-Pierre Laclotte, Mareuil éditions, 2021).
Pour Maroc Diplomatique, Eric Denécé a bien voulu livrer son analyse objective des bouleversements récents au Mali.
Entretien réalisé par Olivier DELAGARDE
MAROC DIPLOMATIQUE : Après les sanctions de la CEDEAO, les contraintes de l'UA, quelles seraient les conséquences d'une exclusion du G5 Sahel pour le Mali ?
Eric DENECE : Elles seraient mauvaises mais pas catastrophiques. Soyons lucides, en dépit des sommes d'argent dépensées et de l'envoi d'instructeurs auprès des armées du Sahel, leur niveau de compétence et d'efficacité ne s'est accru que de manière assez marginale – exception faite de quelques unités « de pointe ». Donc, si l'exclusion de Bamako du G5 priverait le pays de moyens d'action contre le terrorisme, dans la mesure où le divorce est déjà consommé avec la France et la CEDEAO, cela n'aggraverait que peu la situation, déjà déplorable. Finalement, ce sont les autres pays du G5 Sahel qui en porteraient plus les conséquences, puisque le Mali occupe une position centrale dans ce dispositif qui se verrait alors coupé en deux.
MD : A cet égard et devant cette éventualité, l'Union européenne et plus particulièrement la France, sont toutes deux « très silencieuses » pour l'instant. Que faut-il en déduire ?
E.M : Pour le moment, les acteurs majeurs ne veulent pas précipiter la situation vers une impasse, même si ce n'est pas l'envie qui leur manque, notamment concernant la France. Mais leur intérêt est que le Mali plus largement l'Afrique de l'Ouest soient stabilisés et sécurisés, débarrassés du terrorisme et capable de juguler l'immigration. C'est pour cela que la France et l'Union européenne font preuve d'une certaine patience... indubitablement contrainte face aux rodomontades de Bamako.
MD : Quel est l'avenir à entrevoir pour la force Barkhane dans la région ?
E.M : Il y a longtemps que nous aurions dû réduire notre dispositif. L'intervention déclenchée en 2013 – et très réussie grâce à l'action efficace de nos militaires – est parvenue à porter un coup d'arrêt très significatif aux groupes armés terroristes de l'espace sahélo-saharien.
Malheureusement, tant nos diplomates que les autorités locales se sont révélés incapables d'apporter une solution politique à cette crise. Tensions et différends internes au Mali demeurent et le sous-développement de la région est loin d'être en voie de résolution. Donc l'environnement qui permet aux terroristes de recruter ou d'obtenir la coopération de certaines populations n'a pas été modifiée.
→ Lire aussi : Le Mali peu malin, dénonce une « violation » de son espace aérien par un avion militaire français
Face à ce constat, il convient de reconnaître que notre présence militaire sur place n'a que trop duré. En particulier, l'absence de reconnaissance, voire l'hostilité d'une partie des populations locales, travaillées par la propagande nationaliste ou djihadiste, aurait dû nous inciter à partir il y a déjà plusieurs années. Si notre bonne volonté et nos efforts ne servent à rien, alors soyons cyniques. Laissons les acteurs locaux faire face à leur triste destin et gérer eux-mêmes leurs problèmes économiques et sécuritaires... nous verrons ce que cela donnera. La présence de l'armée française évite depuis 2013 aux Maliens de prendre en charge leur sécurité. Notre pays n'a pas vocation à les secourir, puis à se faire critiquer !
MD : Alors que la France est l'instigatrice de cet engagement militaire datant de 2014, rencontre-t-elle des oppositions de ses alliés quant à un retrait éventuel du Mali ?
E.M : Non, même si certains, à l'image de la Suède, commencent à quitter Takuba. La France a plutôt rencontré des difficultés à convaincre ses partenaires européens à s'engager militairement à ses côtés, car peu d'entre eux se sentent concernés par ce qui se passe au Sahel, en particulier nos « alliés » allemands. En effet, à l'exception des pays latins, les Etats d'Europe du Nord et de l'Est ne sont pas directement menacés par ce djihadisme nord-africain, qui n'a que peu de résonnance chez eux. En revanche, ils sont obnubilés par la soi-disant menace russe.
Le soutien le plus marqué à notre action vient finalement des Américains. Ils continuent à nous soutenir (renseignement, logistique) car notre intervention leur évite de s'engager dans la zone. Mais ils le font également pour faire oublier leur inacceptable comportement à l'égard d'un allié dans l'affaire des sous-marins australiens.
MD : Le déploiement de forces étrangères à la coalition barkhane en parallèle de celle-ci, telle que les milices paramilitaires Wagner, rebat inéluctablement les cartes ?
E.M : C'est encore difficile à évaluer. L'action de Wagner semble pour le moment se limiter à assurer la protection et le maintien au pouvoir du colonel Goïta et de son équipe. Et on ne sait pas encore très clairement ce que font les instructeurs russes. S'ils participent à la lutte contre le terrorisme, cela contribuera à la sécurité de l'Europe. Mais je ne doute pas qu'ils en profitent parallèlement- et légitimement – pour substituer leur influence à celle de la France et pour obtenir des avantages afin d'accéder aux ressources minérales du pays.
MD : En termes d'interventions, d'autres implications étrangères sont-elles possibles dans le jeu malien ? Plus largement en Afrique de l'Ouest ?
E.M : Oui et cela n'est pas nouveau. Le Maroc et l'Algérie ne peuvent se désintéresser de cette zone d'instabilité majeure située directement à leur frontière. D'autres Etats y voient la possibilité d'y déstabiliser la France et l'Europe (Turquie), voire d'y soutenir des groupes armés adhérant à l'islam radical qu'ils préconisent (Qatar). Enfin, les Chinois sont de plus en plus présents dans la zone, et de moins en moins discrets et passifs.
MD : Une diplomatie ainsi qu'une stratégie militaire « sérieuse » est-elle envisageable entre Paris et le nouveau régime malien, plus particulièrement avec Assimi Goïta ?
E.M : Pour le moment, j'en doute fortement. Il y a un vrai divorce entre les deux capitales. Paris s'intéresse au sort des populations de la région et recherche la stabilité. Goïta ne vise qu'à se maintenir au pouvoir et coupe les relations avec tous ceux qui le critiquent. Dans ces conditions, l'entente est difficile et l'avenir incertain. Tout cela au détriment des Maliens eux-mêmes.
MD : Et si non, quelle issue pour la France et ses troupes notamment ?
E.M : Les interdictions de survol décidées par l'Algérie et le Mali compliquent les actions militaires des forces françaises au Sahel. Cela provoque une rupture physique de leurs liaisons entre le Burkina, le Niger et la Mauritanie – même s'il faut le dire, Bamako n'est pas capable d'assurer la surveillance aérienne de son territoire. Cela signifie que le territoire malien risque de devenir une nouvelle zone sanctuaire pour les terroristes et les criminels, dans laquelle les forces françaises et européennes ne pourront les poursuivre. Et je doute que les forces armées maliennes (FAMA) puissent les combattre efficacement. Tout cela plaide pour un retrait rapide des forces françaises, qui ne peuvent plus mener leur traque dans des conditions satisfaisantes. Mais Paris n'a pas l'intention d'abandonner ses autres alliés locaux qu'elle continuera d'assister dans leur lutte contre la barbarie terroriste.


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