Pendant deux journées riches en échanges intellectuels, la Faculté Polydisciplinaire de Taza a accueilli les 13 et 14 mai 2025 le Colloque International intitulé « Regards croisés sur la critique littéraire contemporaine : Théories et Pratiques », organisé par l'Equipe de recherche en Langue, Littérature et Traduction (L.L.T.). Cet événement scientifique de grande envergure s'est tenu en hommage au professeur Abderrahman Tenkoul, doyen de la Faculté des Sciences Humaines et Sociales à l'Université Euro-Méditerranéenne de Fès et figure éminente de la pensée et de la critique littéraire au Maroc. Des chercheurs, écrivains et enseignants-chercheurs venus de différentes universités marocaines et internationales se sont réunis pour rendre hommage à ce grand professeur et critique littéraire et pour interroger, débattre et décortiquer les contours de la critique littéraire contemporaine. Les travaux du colloque ont été ouverts par une conférence inaugurale magistrale du professeur Abderrahman Tenkoul intitulée « La réception critique de la littérature marocaine de langue française : le primat du référent ? », son intervention a interrogé la manière dont la critique littéraire contemporaine rend (ou non) justice à la complexité et à la richesse de la littérature marocaine. Le Professeur Tenkoul a défendu deux idées essentielles : d'une part, l'ancrage référentiel de la littérature — son lien fort avec le socle anthropologique et historique marocain — est ce qui en garantit la légitimité et la force ; d'autre part, la critique littéraire se doit d'accompagner cette littérature avec une conscience épistémique renouvelée, capable d'éviter les pièges de l'universalisation abstraite et des modèles théoriques importés. « Nos écrivains ne cherchent pas à édifier ni à moraliser ; leur œuvre est un espace de transfiguration du réel, une esthétique du tournant décolonial », a-t-il souligné. Il appelle à une critique libératrice, qui ne fige pas les textes mais les déploie dans toute leur puissance poétique et politique. Cette conférence inaugurale a été suivie d'une table ronde passionnante qui a réuni trois grands écrivains et romanciers marocains : Mohamed Nedali, Abdellah Baïda et El Mustapha Bouignane. Leurs interventions ont permis de croiser les voix de la création littéraire avec celles de la critique, autour de questions brûlantes : comment écrire dans une langue perçue comme étrangère ? Comment l'écrivain marocain est-il lu, reconnu, édité et valorisé ? Quelles sont les conditions concrètes de la circulation du livre marocain, ici et ailleurs ? Une autre intervention majeure a retenu l'attention du public : celle de l'écrivain et critique Nourddine Bousfiha, intitulée « La critique littéraire comme kaléidoscope : histoire, écoles et enjeux d'une multiplicité des regards sur le texte ». Dans cette conférence stimulante, Bousfiha a proposé une relecture panoramique des grandes étapes de l'histoire de la critique littéraire, en insistant sur la diversité des approches théoriques — du formalisme à la déconstruction, en passant par le structuralisme, la psychanalyse ou les études postcoloniales — et sur la manière dont chacune offre un angle d'entrée singulier dans le texte littéraire. Comparant la critique à un kaléidoscope, il a souligné la nécessité de multiplier les lectures, de croiser les perspectives et de maintenir une vigilance interprétative capable de renouveler notre rapport à la littérature. Sa réflexion a ouvert un espace fécond de dialogue entre histoire des idées, théorie critique et pratique herméneutique, la synthèse de sa conférence s'est focalisée sur la critique non pas comme un jugement figé, mais comme une exploration dynamique du sens. Au fil des sessions, le colloque a offert un espace de dialogue pluridisciplinaire en mobilisant des intervenants issus de nombreuses universités marocaines (USMBA-Fès, UMV- Rabat, UCD-El Jadida, UIT-Kénitra, UMI-Meknès, ISADAC, UMP-Oujda, UIZ-Agadir -, UAE-Tétouan...) et internationales (Université de Lille, Université Lumière Lyon 2, Université Cheikh Anta Diop du Sénégal, Université Omar Bongo du Gabon...). Les communications ont abordé des axes variés allant des théories de la réception à l'hybridité générique passant par l'épistémologie de la critique, la critique postcoloniale, et bien d'autres. Ce colloque aura marqué un temps fort dans la réflexion sur la place et le rôle de la critique dans les paysages littéraires contemporains. En confrontant les pratiques de lecture, d'analyse et d'interprétation aux enjeux politiques, sociaux et esthétiques de notre temps, il a contribué à repenser le lien vivant qui unit la littérature à la pensée critique. L'Equipe de recherche en Langue, Littérature et Traduction (L.L.T.) de la Faculté Polydisciplinaire de Taza s'impose aujourd'hui comme un pôle dynamique et engagé dans le paysage académique national. Elle ne cesse de démontrer sa capacité à fédérer les énergies, à penser la recherche dans une perspective interdisciplinaire et à valoriser les expressions culturelles et littéraires sous toutes leurs formes. Cette même équipe avait déjà élevé la barre très haut en novembre dernier en organisant un colloque international sur le patrimoine culturel immatériel, salué pour la qualité des interventions et la richesse des débats. Tout récemment, elle a également publié le troisième numéro de la revue Aencres, un dossier exceptionnel consacré à la poésie marocaine contemporaine, coordonné avec rigueur et finesse par les professeurs Youness Ez-Zouaine et Mohamed Lachkar de (L.L.T.) en collaboration avec leurs collègues de la Faculté Dhar El Mahraz, Khalid Hadji et Annas Harrat. La jeune Faculté Polydisciplinaire de Taza, à l'heure des mutations globales et des recompositions culturelles, s'impose ainsi comme un lieu de pensée ouvert, engagé et résolument tourné vers l'avenir.