Derrière un réseau bien huilé entre l'Espagne, la France et le Portugal, plus de 41 000 tonnes de déchets ont été acheminées illégalement vers plusieurs pays, dont le Maroc. Ce trafic révèle l'ampleur inquiétante d'un commerce de résidus devenu un crime organisé à l'échelle européenne. Un vaste réseau de trafic illégal de plastiques agricoles a été démantelé par la Garde civile espagnole, via son unité de protection de la nature Seprona. L'enquête, baptisée « Finoplast », a révélé l'exportation clandestine de plus de 41 000 tonnes de déchets vers plusieurs pays tiers, dont le Maroc, selon le ministère de l'Intérieur espagnol. Cinq personnes ont été arrêtées et quinze autres font l'objet d'une enquête pour leur implication dans l'importation, le stockage, le transport et l'exportation illégaux de ces résidus. L'enquête a révélé que la majorité des déchets provenait de plastiques agricoles introduits illégalement en Espagne depuis la France et le Portugal, avant d'être réexportés vers des pays tiers comme le Maroc, l'Inde, la Turquie ou encore la Thaïlande. Pour contourner les contrôles douaniers, les trafiquants falsifiaient les documents d'exportation et dissimulaient les résidus derrière des balles de plastique propre, donnant l'illusion de matières recyclables conformes. Lire aussi : La Banque mondiale octroie 250 millions de dollars pour renforcer la gestion des déchets ménagers et assimilés au Maroc Ces déchets étaient acheminés à bord de poids lourds portugais effectuant des trajets de retour entre plusieurs pays. Une fois en Espagne, les cargaisons étaient discrètement déversées dans des sites illégaux et dissimulées, notamment à La Bañeza (León) et à Alberic, dans la province de Valence. Une partie des déchets a été abandonnée sur place, tandis que le reste a été expédié illégalement vers trois pays tiers, grâce à des documents falsifiés ou en les présentant frauduleusement comme des matières premières recyclables. Au total, la Garde civile a identifié l'envoi clandestin d'environ 22 785 tonnes de résidus vers plusieurs destinations, dont l'Inde, la Turquie, le Vietnam, la Malaisie, la Thaïlande, Hong Kong, le Pakistan, le Royaume-Uni, l'Angola, le Brésil, le Maroc et les Emirats arabes unis. Pour échapper à la vigilance des douanes, les trafiquants utilisaient une technique appelée tapadera, consistant à placer des balles de plastique propre à l'avant des conteneurs afin de masquer les déchets illégaux à l'arrière. Sans inspection minutieuse à l'aide d'engins de levage, cette méthode se révélait particulièrement efficace. En outre, l'affaire a éclaté en 2022, lorsque les autorités espagnoles ont découvert une immense décharge illégale dans une ancienne briqueterie de la région du Bierzo, en Castille-et-León. Des milliers de tonnes de déchets y étaient entreposées sans aucune autorisation, provenant principalement de France et du Portugal, selon les enquêteurs. Dans le même registre, une entreprise espagnole basée à Jaén avait expédié, en 2022, quelque 2 302 tonnes de déchets vers le Maroc. Cette affaire avait alors provoqué une vive polémique au sein du Parlement marocain, poussant la ministre de la Transition énergétique à s'expliquer sur l'origine et la nature de ces importations.