La présidentielle algérienne du 7 septembre 2024 s'est soldée par une victoire sans surprise d'Abdelmadjid Tebboune, reconduit pour un second mandat avec un score écrasant. Mais derrière cette apparente démonstration de force, la légitimité du scrutin reste contestée. Le taux de participation, inférieur à 30 %, a confirmé le profond désintérêt d'une grande partie de la population pour un processus électoral jugé verrouillé. Et alors que les résultats officiels sont désormais entérinés, un scandale post-électoral rattrape plusieurs anciens candidats évincés, exposant les dérives d'un système électoral sous tension. Ce lundi, le pôle pénal économique et financier du tribunal de Sidi M'hamed à Alger a condamné trois anciens prétendants à la présidentielle à dix ans de réclusion criminelle pour corruption. Saïda Baghza, femme d'affaires, Belkacem Sahli, ex-ministre et dirigeant de l'Alliance nationale républicaine (ANR), ainsi qu'Abdelhakim Hamadi, responsable d'un laboratoire vétérinaire, ont été reconnus coupables d'avoir mis en place un vaste trafic de parrainages afin de faire valider leurs candidatures, sans succès. Selon la Constitution, chaque candidat à la présidence doit recueillir soit 600 signatures d'élus, soit 65 000 parrainages d'électeurs répartis sur au moins 25 wilayas. Une enquête avait été ouverte en août 2024 par le procureur général près la Cour d'Alger, Lotfi Boudjemaâ — aujourd'hui ministre de la Justice —, après des soupçons d'achat de parrainages. Les investigations menées par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) ont révélé un système structuré, impliquant des dizaines d'élus, des intermédiaires et des flux d'argent destinés à contourner les exigences légales. Lire aussi : L'Algérie face à la récession : l'or noir ne brille plus Plus de cinquante élus ont reconnu avoir accepté des pots-de-vin allant de 20 000 à 30 000 dinars algériens (environ 140 à 200 euros) en échange de leur signature. Dix intermédiaires, chargés de faciliter les transactions entre les candidats et les élus, ont également été poursuivis. Le procès, tenu le 9 mai, a débouché sur des condamnations lourdes, dont deux fils de Saïda Baghza, condamnés à six ans de prison et un million de dinars d'amende. Un troisième fils, en fuite, a écopé de huit ans de prison assortis d'un mandat d'arrêt international. Une justice post-électorale à double lecture Ce coup de filet judiciaire intervient après un scrutin marqué par un taux de participation historiquement bas, inférieur à 30 %, renforçant les critiques sur le manque de représentativité du pouvoir en place. Si Abdelmadjid Tebboune a remporté l'élection avec un score qualifié de « soviétique » par certains observateurs, cette victoire écrasante semble en décalage avec la défiance manifeste exprimée par une majorité silencieuse. L'affaire des parrainages frauduleux illustre les dysfonctionnements profonds qui entachent les processus de sélection des candidatures en Algérie. Elle révèle aussi la difficulté du régime à construire une scène politique pluraliste, où les candidatures ne soient ni verrouillées par les appareils d'Etat, ni corrompues par des manœuvres clandestines. Pour les autorités, ces condamnations sont présentées comme une preuve d'intransigeance et de volonté de moraliser la vie publique. Mais dans un contexte où les règles du jeu sont perçues comme biaisées, la sanction des fraudeurs évincés pourrait être interprétée comme un écran de fumée. Le véritable enjeu reste ailleurs : la reconquête d'une légitimité politique réelle, dans un pays où l'abstention est devenue, scrutin après scrutin, l'expression dominante du corps électoral.