Lancée en avril 2024, la plateforme chinoise de e-commerce Temu fait une entrée remarquée sur le marché marocain. Avec une stratégie audacieuse mêlant prix ultra-compétitifs, logistique gratuite et marketing viral, Temu bouscule les codes du commerce en ligne au Maroc, illustrant les enjeux et transformations du commerce électronique à l'échelle mondiale. L'arrivée de Temu, plateforme chinoise de e-commerce low cost, sur le marché marocain constitue un cas d'étude révélateur des dynamiques contemporaines du commerce électronique global. Depuis son lancement discret au début 2024, Temu a déployé une stratégie agressive de pénétration basée sur des prix ultra-compétitifs, une logistique gratuite et des campagnes de viralisation sociale. Si ces tactiques ont propulsé la plateforme au rang de géant mondial en moins de deux ans, leur réplication au Maroc soulève des questions cruciales sur les déséquilibres entre attractivité tarifaire et qualité des produits, ainsi que sur les risques de concurrence déloyale pour les acteurs locaux. En effet, contrairement à son entrée fracassante sur les marchés américain et européen, Temu a opté au début pour une approche plus discrète au Maroc. Loin des lancements médiatisés, la plateforme a d'abord misé sur une croissance organique, portée par le bouche-à-oreille numérique. Mais ces derniers mois, Temu a véritablement envahi les réseaux sociaux marocains. À chaque ouverture d'Instagram ou de Facebook, difficile d'échapper à leurs publicités ciblées. La plateforme a également recours à une armée d'influenceurs marocains ; souvent suivis par des centaines de milliers d'abonnés, qui multiplient les vidéos de présentation d'achats personnels sur Temu, accompagnées de tutoriels d'utilisation. Cette stratégie vise à instaurer une forme de confiance sociale, en incitant les utilisateurs à passer commande à leur tour, notamment grâce à des codes promotionnels alléchants et des réductions pouvant atteindre 50 % pour les nouveaux inscrits, sans oublier la promesse d'une livraison gratuite et une politique tarifaire affichant des remises pouvant atteindre 83 %. En effet, Temu s'appuie sur un modèle « Consumer-to-Manufacturer » (C2M), qui contourne les circuits traditionnels en supprimant les intermédiaires. Les fabricants chinois y participent à des enchères inversées, proposant leurs produits au prix le plus bas possible, ce qui permet de réduire considérablement les coûts pour le consommateur. Lire aussi : Le CMI lance le service de paiement multidevises sur les sites e-commerce marocains Une plateforme opaque et difficile à appréhender Toutefois, cette stratégie a ses zones d'ombre : Temu ne fournit aucune information claire sur les vendeurs, autrement dit, sur les expéditeurs réels des marchandises. Il est donc difficile pour l'utilisateur de savoir précisément à qui il achète, comment la livraison est organisée ou à qui s'adresser en cas de litige. Car, en réalité, Temu ne vend pas directement les produits — elle se contente de mettre en relation des vendeurs tiers avec des acheteurs dans le monde entier. Une pratique devenue courante dans l'univers de la vente en ligne, souvent justifiée par la logique de sous-traitance massive qu'exige la surconsommation. Mais en cas de problème, l'utilisateur est censé contacter le vendeur, une tâche quasi impossible dans les faits. À cela s'ajoute un facteur déterminant : la quasi-totalité des produits proposés sur Temu sont fabriqués en Chine, où les coûts de main-d'œuvre et de production restent largement inférieurs à ceux pratiqués en Occident. Cette localisation stratégique permet à la plateforme de casser les prix. De plus, Temu mise sur des articles sans marque, une approche qui lui permet d'éliminer les frais liés aux licences, à la publicité ou au marketing de marque. En misant sur le générique, l'entreprise peut proposer des produits à des tarifs défiant toute concurrence. Cependant, la qualité des produits proposés sur Temu soulève de nombreuses interrogations. Plusieurs critiques pointent également du doigt des pratiques jugées trompeuses, notamment au regard du règlement sur les services numériques. Selon certains médias, la plateforme aurait recours à des astuces visuelles, comme l'usage de polices de grande taille ou de couleurs accrocheuses, pour orienter subtilement les choix des consommateurs. Autre exemple relevé : une offre alléchante promettant un set de six casseroles renvoyait en réalité vers des options individuelles, vendues séparément à un prix global plus élevé que l'offre initiale. Toujours selon ces mêmes sources, certains produits disponibles sur Temu présentent des risques sérieux pour les consommateurs. Il est notamment question de jouets pour bébés comportant de petites pièces détachables pouvant entraîner des risques de suffocation, de produits cosmétiques commercialisés sans mention complète des ingrédients, ou encore des objets dangereux comme des couteaux de combat accessibles sans aucune vérification d'âge. De nombreux avis de clients en ligne reprochent à Temu des pratiques commerciales jugées trompeuses, notamment des rabais exagérés, des prix barrés qui ne reflètent pas la réalité, ainsi que des informations erronées sur la disponibilité des produits. Un utilisateur témoigne ainsi sur les plateformes d'avis client : « J'ai récemment acquis une dashcam sur Temu, séduit par son prix attractif et ses caractéristiques prometteuses. Si la qualité d'image en plein jour est correcte, la vision nocturne reste très limitée, avec des images floues dans l'obscurité...Pour un usage occasionnel, cela peut convenir, mais pour un usage intensif, mieux vaut se tourner vers une marque plus fiable. » Un autre utilisateur souligne : « La plateforme affiche des prix très bas, mais la qualité laisse franchement à désirer. On vous fait miroiter des cadeaux, mais il faut acheter pour un certain montant, et au final, quand on fait le calcul, on a bel et bien payé ces soi-disant produits offerts. J'ai commandé deux fois et je n'ai jamais été satisfaite. «