À la veille de l'Aïd al-Adha, célébré le 7 juin au Maroc, les marchés marocains enregistrent une hausse marquée des prix de la volaille, qui atteint désormais 23 dirhams le kilogramme, contre 17 dirhams quelques semaines auparavant. Un phénomène inédit qui vient bousculer les habitudes alimentaires de nombreux Marocains. Cette flambée des prix s'explique par une conjoncture exceptionnelle : l'annulation du rituel du sacrifice a bouleversé la dynamique de consommation. Alors que traditionnellement les familles marocaines abattent un mouton ou une chèvre, la suspension de ce rituel cette année a détourné les consommateurs vers d'autres sources de protéines, notamment la viande de volaille. « Les prix de détail du poulet tournent actuellement entre 21 et 23 dirhams, en nette augmentation par rapport aux tarifs habituels de 17 dirhams », selon l'Association nationale des éleveurs de poulets. Toujours selon l'association, cette demande soudaine et inattendue a déséquilibré le marché, habituellement marqué par une baisse des ventes de volaille à l'occasion de l'Aïd. Actuellement, la demande accrue a engendré une pression inhabituelle sur les stocks disponibles, provoquant un ajustement mécanique des prix. Cette situation inédite a surpris les producteurs, qui n'avaient pas anticipé une telle bascule vers la volaille. Lire aussi : Aïd Al Adha 2025 : Les grandes surfaces misent sur la vente intégrale des moutons Outre l'augmentation de la consommation, la filière avicole doit composer avec des défis structurels. Les aléas climatiques ont durement frappé l'élevage ovin, fragilisant un cheptel déjà éprouvé. Cette diminution remarquable de l'offre traditionnelle a contraint les ménages à revoir leurs habitudes alimentaires. Certains, redoutant une pénurie, n'ont pas hésité à se tourner vers le poisson ou la volaille pour préserver les traditions culinaires de l'Aïd, même sans sacrifice rituel. Les réseaux sociaux, baromètres de l'opinion publique, témoignent de l'ampleur de cette demande. Nombre de Marocains y partagent leurs inquiétudes face à la rareté de la viande et à la flambée des prix, alimentant un climat de fébrilité qui profite aux détaillants de volaille. Les bouchers ferment traditionnellement leurs commerces pendant plusieurs semaines après l'Aïd, car les familles disposent d'importantes quantités de viande de sacrifice. Cette année, la donne est différente : sans cheptel sacrifié, l'offre carnée traditionnelle est absente, et la viande de volaille devient un substitut de choix. Conscient de l'importance spirituelle de l'Aïd al-Adha pour les fidèles, S.M. le Roi Mohammed VI a tenu à rappeler que la célébration de la fête pouvait se vivre au-delà du sacrifice, à travers la prière et les retrouvailles familiales, soulignant ainsi la dimension spirituelle et sociale de l'événement. Pour les professionnels de la filière avicole, cette situation inédite permettra de repenser la gestion des flux de production et de consommation. Ils exhortent les citoyens à faire preuve de mesure et à éviter les achats paniques, mettant en garde contre la tentation de surstocker face à la hausse des prix. Au final, l'annulation du rituel du sacrifice a non seulement modifié le paysage alimentaire des Marocains, mais aussi révélé la fragilité d'un marché avicole tributaire de facteurs climatiques et conjoncturels. Entre adaptation et inquiétude, les consommateurs s'efforcent de préserver l'esprit de la fête, même dans un contexte économique et symbolique profondément bouleversé.