Dans une rupture brutale avec les équilibres tacites qui prévalaient jusqu'ici au Moyen-Orient, l'Iran a revendiqué lundi soir le tir de missiles contre la base aérienne américaine d'Al-Udeid, située au Qatar. Doha, tout en affirmant avoir intercepté l'ensemble des projectiles, dénonce une « agression flagrante » et se réserve le droit de répliquer. Si les faits militaires restent pour l'heure circonscrits, leur portée politique, elle, ne l'est pas. Depuis le déclenchement des hostilités entre Israël et l'Iran il y a onze jours, le spectre d'un embrasement régional planait sur les chancelleries. Mais le choix de viser une base américaine située dans un pays du Conseil de Coopération du Golfe, considéré comme stable, allié des deux rives, marque une escalade décisive. L'Iran n'a pas frappé Israël, ni une position militaire en Irak ou en Syrie : il a ciblé, symboliquement et directement, le centre névralgique de la présence américaine dans la péninsule arabique. LIRE AUSSI : Trump exhorte l'Iran à plier : Menace à l'horizon Téhéran affirme que cette frappe est une réponse « proportionnée » aux bombardements américains ayant visé dimanche trois sites nucléaires iraniens stratégiques, dont Fordo, profondément enfoui, et les installations d'Ispahan et de Natanz. Ces frappes, selon l'Iran, visaient à entraver son programme nucléaire et à dissuader toute poursuite de la confrontation. La réplique n'a pas tardé. Le Qatar, entre neutralité proclamée et vulnérabilité révélée Le Qatar se retrouve ainsi, malgré lui, au cœur d'un conflit qui le dépasse. L'émirat a multiplié les déclarations d'équilibre ces dernières années, entre maintien de ses alliances de défense avec Washington, rapprochement tactique avec Téhéran, et médiations tous azimuts. Mais le tir iranien met en lumière une réalité stratégique : aucune zone n'est véritablement étanche lorsque la guerre s'internationalise. En assurant que la base avait été évacuée avant l'attaque, Doha suggère que les services de renseignement avaient anticipé l'éventualité d'un tir. L'interception réussie des missiles a évité l'irréparable. Mais la menace, elle, est désormais déclarée. Le message de l'Iran est clair. Il s'adresse aux Etats-Unis, pour signifier que toute agression aura un prix, même symbolique, mais aussi à l'ensemble des Etats arabes du Golfe. L'attaque se veut chirurgicale, ciblée, presque « respectueuse », comme en témoigne la formule diplomatique employée dans le communiqué iranien : « Cette action ne représente aucune menace pour notre pays ami et frère, le Qatar ». Mais l'intention réelle est ailleurs : imposer une équation nouvelle dans la région, où la riposte iranienne ne serait plus cantonnée aux théâtres périphériques.