Le manifeste national publié le 26 juin par la Confédération marocaine des TPE-PME dresse un état des lieux sans concession et propose une refonte des politiques publiques à l'égard de ce tissu économique essentiel. Rarement les très petites et moyennes entreprises marocaines (TPME) auront exprimé avec autant de clarté le sentiment d'abandon qui les traverse. Dans un manifeste national rendu public le 26 juin 2025, à la veille de la Journée mondiale des TPME, la Confédération marocaine des TPE-PME formule un appel direct à l'Etat, aux banques, aux grands groupes et à la société civile. Son objectif : provoquer une prise de conscience collective en faveur des 98,4 % d'entreprises qui constituent l'ossature de l'économie nationale. Concentrant plus de 83 % des emplois au Maroc, ces structures sont aussi, selon le communiqué, des « piliers de la paix sociale » et des « actrices de la transition écologique ». Elles irriguent les territoires, recrutent dans les zones rurales, favorisent l'emploi des jeunes et des femmes, et innovent à petite échelle. Pourtant, leur contribution reste peu valorisée, souvent ignorée dans les arbitrages stratégiques. Le document, à la fois technique et politique, met en lumière les défis qui freinent la montée en puissance des TPE. Le premier concerne l'accès au financement. Jugé « structurellement défaillant », ce levier reste verrouillé par des conditions d'octroi de crédit inadaptées à la réalité des très petites structures. Le communiqué du 26 juin souligne, à ce propos, l'urgence de créer une banque publique dédiée, capable d'offrir des prêts à taux préférentiels, des services d'accompagnement et des mécanismes de rééchelonnement spécifiques, notamment pour les entreprises issues des programmes Intelaka et Forsa. Lire aussi : Abdellatif Jouahri : BAM travaille sur une méthodologie nationale de scoring des TPE L'exclusion des marchés publics constitue un second verrou. Une loi adoptée en 2013 prévoit bien un quota de 20 % des commandes pour les TPME, mais ses décrets d'application n'ont jamais été publiés. En conséquence, plus de 60 milliards de dirhams échappent chaque année aux petites entreprises, au bénéfice des grandes structures. Ce déséquilibre est jugé intenable. Les retards et refus de paiement, notamment de la part de donneurs d'ordre publics ou privés, auraient précipité la faillite de plus de 40 000 TPE en 2024. Le régime fiscal, quant à lui, est décrit comme disproportionné. Le doublement progressif de l'impôt sur les sociétés de 10 % à 20 %, décidé par l'exécutif ces deux dernières années, a accentué la pression sur des structures fragiles, souvent peu capitalisées. Parallèlement, l'accès à la formation professionnelle, bien que financé par les TPE elles-mêmes via une taxe, reste marginal, voire inexistant. Les signataires du manifeste dénoncent également un retard préoccupant en matière de digitalisation. Faute de ressources et d'accompagnement public, nombre de TPE n'ont pas pu moderniser leurs outils ni intégrer les plateformes numériques qui structurent désormais les chaînes d'approvisionnement. Le texte appelle à la création d'un programme national de transition numérique, avec une offre de formation, d'équipement et de soutien réglementaire. Les propositions ne manquent pas. Elles vont de l'instauration d'un régime fiscal simplifié, à la mise en place de fonds d'investissement ciblés, en passant par la création d'un réseau national de mentors pour l'accompagnement des jeunes entrepreneurs. Le manifeste insiste par ailleurs sur l'inclusion des TPE dans toutes les politiques publiques les concernant, et rejette toute décision prise sans consultation des organisations représentatives, comme la Confédération marocaine des TPE-PME. L'alerte est donc lancée. Pour les auteurs du texte, le Maroc ne pourra prétendre à une croissance inclusive et durable sans une stratégie claire à l'égard de ces entreprises de proximité. « Elles ne sont pas seulement des entreprises, écrit le communiqué du 26 juin, elles sont des familles, des rêves et des efforts collectifs bâtis avec passion et résilience. » L'appel s'adresse aussi bien au gouvernement qu'aux citoyens. Il réclame des politiques audacieuses, une simplification des dispositifs financiers, une réforme en profondeur du régime fiscal, et un effort de solidarité nationale. À l'heure où le Maroc cherche à renforcer sa souveraineté économique, les TPE, longtemps reléguées au second plan, se posent désormais en actrices centrales du changement.