Le journal économique britannique Financial Times a récemment livré une analyse au vitriol de la position algérienne sur la scène internationale, à la lumière de la dynamique ascendante du Maroc. L'article, publié début juillet 2025, évoque sans détour un « isolement croissant » de l'Algérie, fragilisée tant par la nature rigide de son système politico-économique que par la multiplication de soutiens occidentaux à l'initiative marocaine d'autonomie pour le Sahara. « Presque toutes les grandes puissances occidentales sont désormais alignées sur la proposition marocaine », note le quotidien. Cette phrase résume le constat : l'axe Rabat–Washington–Londres–Madrid–Paris prend corps, marginalisant Alger sur un dossier central de sa diplomatie. L'un des éléments déclencheurs de cette reconfiguration est la décision du Royaume-Uni, officialisée en juin 2025, d'exprimer son appui à l'initiative marocaine d'autonomie comme base « sérieuse et crédible » pour le règlement du différend du Sahara. Après les Etats-Unis (2020), l'Espagne (2022), l'Allemagne (2022), les Pays-Bas (2023) ou encore la Hongrie, ce ralliement britannique marque une étape décisive. Le Financial Times y voit un tournant irréversible : « Londres s'ajoute à une liste de partenaires influents qui voient dans le plan marocain un levier de stabilité régionale ». Cette dynamique s'explique par une stratégie de long terme, pilotée par Rabat, fondée sur la continuité institutionnelle, une diplomatie économique proactive et une approche sécuritaire intégrée. Selon M. Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères, « l'initiative marocaine est aujourd'hui un consensus international, car elle est ancrée dans le réalisme, la paix et le développement partagé ». Lire aussi : Blanchiment et financement du terrorisme : L'Algérie classée à haut risque par l'Union européenne Face à cette évolution, l'Algérie semble s'enfoncer dans une posture de blocage. Le Financial Times évoque une diplomatie « réactive », peu lisible, et marquée par un ressentiment croissant. L'Algérie, selon le journal, serait « assiégée par ses propres contradictions », tiraillée entre une économie d'Etat en déclin, une dépendance aux hydrocarbures, et une hostilité idéologique marocaine. Sur le terrain, Alger a mis fin en 2021 à ses relations diplomatiques avec Rabat, fermé son espace aérien, puis suspendu le traité d'amitié avec Madrid. Ces gestes n'ont toutefois pas freiné le mouvement de bascule diplomatique en faveur du Maroc. Pire, ils ont accentué la perception d'un repli sur soi. Le facteur Emirats et la bataille des gazoducs Autre point de tension : le projet de gazoduc Afrique Atlantique. Soutenu par la CEDEAO, appuyé par la Banque islamique de développement et cofinancé par les Emirats arabes unis à hauteur de 25 milliards de dollars, le NMGP (Nigeria–Morocco Gas Pipeline) est perçu à Alger comme une menace directe à son monopole régional. Ce corridor énergétique de 5 600 km contourne l'Algérie et relie 13 pays ouest-africains au Maroc, avec une perspective d'interconnexion au marché européen via l'Espagne. Le partenariat stratégique entre Rabat, Abuja et Abu Dhabi illustre le glissement des alliances. Le Financial Times cite des sources selon lesquelles l'Algérie, qui comptait sur la relance du gazoduc transsaharien (Trans-Saharan Gas Pipeline), voit désormais son influence énergétique réduite à un marché en contraction. Le quotidien britannique s'attarde également sur les développements sécuritaires dans la bande sahélo-saharienne. Le retrait des forces françaises et onusiennes ainsi que la montée en puissance des groupes armés pro-russes (Wagner, Africa Corps) ont modifié les équilibres. Alger, traditionnellement présent via sa doctrine de non-ingérence active et son rôle dans les accords de paix (notamment ceux de Bamako), semble désormais relégué au second plan. Des analystes interrogés par le Financial Times notent que « l'influence d'Alger a reculé au profit de nouveaux acteurs comme la Russie, la Turquie, ou les Emirats ». Le Maroc, quant à lui, renforce sa coopération sécuritaire avec plusieurs capitales africaines, dont Dakar, Abidjan ou Lomé. Au-delà des mots, c'est une réalité nouvelle qui s'impose au Maghreb. Le Maroc apparaît aujourd'hui comme un pivot stratégique entre l'Europe, l'Afrique et le monde arabe, tandis que l'Algérie, malgré sa rente gazière, peine à s'adapter aux nouvelles configurations géopolitiques. L'analyse du Financial Times rejoint d'autres lectures convergentes, comme celles du Policy Center for the New South. Dans un rapport signé par Mehmet Öğütçü, l'ancien diplomate évoque le Maroc comme « un modèle continental d'excellence institutionnelle », saluant sa stratégie énergétique, sa diplomatie économique et sa stabilité politique comme autant d'atouts dans la redéfinition des équilibres régionaux.