Alors que l'affaire des « intermédiaires des tribunaux » prend de l'ampleur, c'est tout un pan de la relation entre citoyens et justice qui se retrouve questionné. Derrière les volets judiciaires de ce dossier, ce sont les mécanismes d'accès au droit et la confiance dans les institutions qui sont en jeu, mis à mal par des pratiques d'intermédiation illégale révélées dans plusieurs villes du pays. En effet, la Chambre criminelle près la Cour d'appel de Casablanca s'apprête à entamer une nouvelle phase dans le dossier dit des « intermédiaires des tribunaux », selon les médias. Cette affaire, qui a éclaté à la mi-juin, met en cause un vaste réseau présumé d'intermédiation judiciaire illégale ayant opéré dans plusieurs juridictions du pays, notamment à Casablanca, El Jadida, Safi et Sidi Bennour. Au cœur du dossier, 25 individus sont soupçonnés d'avoir agi en tant qu'intermédiaires dans des affaires judiciaires. Ils ont été auditionnés par le juge d'instruction, qui a décidé de placer la moitié d'entre eux en détention provisoire dans les prisons de Casablanca, Safi et El Jadida. Les charges retenues contre eux concernent des délits graves, dont la constitution d'une bande criminelle, la corruption, l'intermédiation auprès de fonctionnaires publics, le trafic de décisions judiciaires et la falsification de peines carcérales. Lire aussi : Ministère de la Justice : revalorisation des indemnités des ingénieurs et architectes En outre, dans le cadre de l'enquête, d'autres pistes ont été ouvertes. Une liste de fonctionnaires bénéficiant de l'immunité judiciaire a été identifiée. Le parquet a choisi de différer leur audition dans l'attente des résultats d'une expertise technique approfondie de leurs téléphones portables. Ces agents seront par la suite convoqués par la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ), en coordination avec le président du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) et le ministère public. Par ailleurs, les investigations ne s'arrêtent pas là. Une seconde liste, plus large, comprendrait des fonctionnaires appartenant à la Sûreté nationale et à la Gendarmerie royale. Le dossier mentionne également 17 magistrats, parmi lesquels des juges et procureurs, dont les noms ont été cités au cours des interrogatoires. L'analyse des échanges téléphoniques ainsi que les perquisitions effectuées auraient révélé des interactions jugées suspectes entre ces acteurs et les intermédiaires. Fin juin, les 25 principaux suspects avaient été présentés devant le procureur général du roi près la Cour d'appel de Casablanca. Sur décision du juge d'instruction, dix d'entre eux ont été placés en détention préventive, tandis que sept ont été libérés sous contrôle judiciaire. Les autres prévenus ont été déférés devant les parquets de différentes villes du Royaume pour des infractions connexes. Parallèlement à la procédure judiciaire en cours, les autorités poursuivent le travail d'investigation pour éclaircir toutes les ramifications de ce réseau. Le scandale met en lumière des soupçons d'ingérence dans des décisions judiciaires, touchant plusieurs niveaux du système judiciaire national. À ce stade, la justice poursuit l'approfondissement des investigations avant de statuer sur la suite à donner à ce dossier.