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Amal El Fallah Seghrouchni : « Nous avons les compétences, les talents, et l'élan collectif pour développer une IA Made in Morocco »
Publié dans Maroc Diplomatique le 28 - 07 - 2025

Face aux grandes mutations numériques mondiales, le Maroc ne veut plus subir l'innovation, il entend la piloter. À l'occasion des premières Assises nationales de l'intelligence artificielle, organisées sous son impulsion, la ministre déléguée chargée de la Transition numérique et de la Réforme de l'administration, Amal El Fallah Seghrouchni, trace les contours d'un véritable virage stratégique pour le Royaume. Dans cet entretien exclusif, elle revient avec lucidité et engagement sur les enseignements clés de cette rencontre fondatrice, et dévoile les ambitions du Maroc pour devenir un acteur souverain, éthique et inclusif dans l'ère numérique.
De la création d'une direction dédiée à l'IA à la mise en œuvre d'un cloud souverain, du soutien renforcé aux startups technologiques à la démocratisation de l'accès au numérique dans les zones rurales, la ministre dresse un panorama des réformes structurelles en cours. Elle insiste sur une approche globale : modernisation de l'administration, protection des données, formation des talents, interopérabilité des services, et surtout, appropriation collective du numérique au sein de l'Etat. Une dynamique nationale qu'elle veut transversale, durable et résolument centrée sur l'humain.
Car au-delà des infrastructures et des algorithmes, ce qui est en jeu, souligne-t-elle, c'est la capacité du Maroc à façonner un modèle de développement technologique qui lui ressemble, au service de ses priorités : l'équité territoriale, la justice sociale, la compétitivité économique, et la résilience face aux transitions à venir. « Le Maroc ne veut plus seulement accueillir les innovations venues d'ailleurs. Il veut produire, exporter, inspirer. Il veut construire une IA « Made in Morocco », au service des Marocains. » Le cap est donné.
MD : Madame la Ministre, les premières Assises nationales de l'IA ont marqué un tournant pour l'écosystème numérique marocain. Quels enseignements clés en tirez-vous, et comment ces travaux redéfinissent-ils notre positionnement dans la compétition technologique internationale ?
Amal El Fallah Seghrouchni : Les Assises nationales de l'IA ont marqué un momentum. Elles ont montré que le Maroc a pris la mesure des enjeux de l'intelligence artificielle, que nous avons les talents, l'énergie, et la vision. Trois messages forts en sont ressortis. D'abord, la nécessité d'une gouvernance claire, responsable, ancrée dans nos valeurs. Ensuite, l'impératif de souveraineté sur nos données, nos infrastructures, nos usages. Et puis en troisième lieu, la conviction que l'innovation doit être un moteur d'inclusion, pas un facteur d'exclusion. Aujourd'hui, le Maroc ne se contente plus d'être un terrain d'expérimentation, il devient un acteur de référence. Suite à ce franc succès, la deuxième édition est déjà programmée. Elle se tiendra en février prochain.
La feuille de route issue de ces Assises insiste sur la souveraineté numérique et l'éthique des données. Concrètement, quels dispositifs le Maroc entend-il mettre en œuvre pour garantir un usage souverain, éthique et sécurisé de l'intelligence artificielle ?
Le Maroc vise une stratégie équilibrée alliant les bénéfices des systèmes d'IA mondiaux au renforcement des capacités locales et souveraines. cette approche garantit que l'IA serve l'ensemble des citoyens de façon sûre, éthique et inclusive. Le Royaume a réalisé un progrès majeur en infrastructures liées à l'IA avec l'installation, dès 2020, du plus grand datacenter d'Afrique, doté d'une capacité de 3,1 petaflops.
D'autres centres de données seront prochainement déployés à travers le Royaume. Par ailleurs, le Maroc ambitionne d'accueillir un centre d'excellence de l'ONU dédié à l'Afrique et aux pays arabes. Ces progrès ont permis au pays de gagner 11 places dans le classement 2024 du Global Digitalization Index.
Ces avancées s'accompagnent désormais d'une organisation renforcée au sein du ministère, avec la création d'une direction dédiée à l'intelligence artificielle. C'est une première. Elle centralise les projets, coordonne les acteurs publics et privés, suit l'évolution des technologies et veille à la cohérence des actions. Sa mission est de faire de l'IA un levier d'efficacité publique, de souveraineté technologique et d'innovation utiles.
Comment évaluez-vous l'état d'avancement de la transformation digitale au sein des différentes administrations marocaines ? Quels sont les principaux freins rencontrés, et quelles mesures le ministère met-il en œuvre pour assurer une digitalisation harmonisée, inclusive et centrée sur l'usager ?
La digitalisation de l'administration publique s'accélère au Maroc. Cela se reflète dans la progression du pays de 11 places dans le classement EGDI 2024. Notre ambition est de se placer au 1er rang en Afrique à horizon 2030.
La transformation digitale de l'administration marocaine avance à des rythmes différents selon les institutions. Cette inégalité s'explique par plusieurs facteurs structurels et organisationnels. Tout d'abord, certaines administrations ne disposent pas encore des capacités techniques, humaines ou budgétaires nécessaires pour mener des projets numériques d'envergure. Ensuite, la digitalisation reste parfois pensée en silos, sans réelle coordination ou mutualisation des efforts, ce qui freine l'interopérabilité et l'adoption d'une approche centrée sur l'usager. Au-delà de la technologie, la transformation digitale nécessite un véritable changement culturel et organisationnel, qui prend naturellement du temps.
Lire aussi : Amal El Fallah Seghrouchni : « Le Maroc trace sa voie vers une intelligence artificielle responsable, multilatérale et porteuse d'excellence »
Cela étant dit, nous portons une vision claire et ambitieuse à travers la stratégie nationale numérique, et en particulier son axe « Services publics digitalisés ». Notre objectif est de garantir à tous les citoyens et entreprises un accès simple, rapide et équitable aux services publics, quel que soit l'organisme concerné. Pour cela, nous avons lancé une feuille de route e-gov structurée autour de plusieurs leviers. Cela concerne la priorisation des parcours usagers, la mutualisation des infrastructures numériques, la montée en compétence des agents publics, et la mise en place de prérequis clés comme l'identité numérique, ainsi que la signature électronique ou encore l'échange sécurisé de données entre administrations.
Nous accompagnons également les administrations par des dispositifs concrets, en apportant un appui technique et méthodologique, en mettant à disposition des briques technologiques communes, et en créant des relais numériques de proximité pour rapprocher le digital des citoyens.
Pour réussir la transformation numérique inclusive, comment l'Etat accompagne-t-il concrètement les TPE-PME et les populations marginalisées, notamment dans les zones rurales, face à la fracture digitale ?
L'Etat agit résolument pour réduire la fracture numérique et rendre la transformation digitale accessible à tous, y compris aux TPE-PME et aux populations des zones rurales. D'abord, nous déployons des infrastructures numériques de qualité, notamment en renforçant la couverture internet dans les territoires isolés. La connectivité est la condition sine qua non de toute inclusion numérique.
Le lancement de la 5G vise à atteindre une couverture de 25% de la population à l'horizon 2026 et de 70% à l'horizon 2030. Un total de 6.300 structures administratives publiques sera équipé de la fibre optique à l'horizon 2026, ainsi que 5,6 millions de foyers à l'horizon 2030. Plus de 10.640 zones rurales avaient été couvertes par les services de télécommunications de 2ème, 3ème et 4ème générations entre 2018 et 2024, dans le cadre de la mise en œuvre de la première phase du Plan national du haut et du très haut débit (PNHD). Une deuxième phase du PNHD a été lancée dans le but de desservir 1.800 zones rurales à couverture faible ou inexistante d'ici 2026.
Ensuite, des dispositifs d'accompagnement spécifiques sont mis en place. Pour les TPE-PME, cela passe par un appui technique et financier, des formations adaptées, et l'accès à des outils numériques simples et efficaces. Nous favorisons la mutualisation des ressources pour réduire les coûts et accélérer leur transformation digitale. Pour les populations marginalisées, en particulier en milieu rural, nous développons des relais numériques de proximité. Ces espaces offrent un accès facilité aux services publics en ligne, ainsi qu'un accompagnement personnalisé.
Dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie nationale « Maroc Digital 2030 », plusieurs actions sont déployées en faveurs des startups, notamment la mise en place d'une Startup Policy, un continuum de financement allant de la phase d'idéation à la croissance. Parallèlement, un cadre réglementaire favorable à l'innovation a été adopté. Il vise à encourager la création d'entreprises dans le secteur du digital.
Parmi les mesures incitatives figure la mise en place d'une bourse de vie. Cette bourse encourage les salariés expérimentés à fort potentiel à se lancer dans l'entrepreneuriat, en concrétisant des idées innovantes, qu'il s'agisse de croissance ou de rupture (idées disruptives).
Le gouvernement entend également faciliter l'accès des startups aux marchés publics et privés, tant au niveau national qu'international, et renforcer leur accompagnement par des opérateurs spécialisés nationaux et internationaux (initiative du MTNRA baptisée : axe VB « venture building »).
Le dernier appel à manifestation d'intérêt pour la dynamisation de l'investissement en capital risque dans les startups marocaines, une initiative catalytique lancée par notre Ministère de la Transition Numérique en partenariat avec le fond souverain marocain (FM6I) et la CDG, a enregistré un engouement remarquable par la réception de 47 soumissions de fonds VC dont plus des deux tiers sont des fonds internationaux.
De même, selon le rapport Partech 2024, le Royaume se classe 6ème au niveau africain en termes de levées de fonds pour les startups tech enregistrant 82 millions de USD. Il est leader en Afrique du Nord, captant 75 % des levés de fonds dans cette région et à l'échelle de l'Afrique francophone, il représente 36 % du total des fonds levés. Cela étant, le potentiel de levés pour le Marco indexé au PIB reste beaucoup plus élevé, d'où le lancement de cette initiative catalytique baptisée : axe VC « Venture capital ».
Vous évoquez souvent le concept de « cloud souverain ». À quel stade en est sa concrétisation, et comment ce projet s'inscrit-il dans la sécurisation des infrastructures critiques et la maîtrise de nos données stratégiques ?
La publication, en novembre 2024, du décret encadrant le recours au cloud par les entités dites d'importance vitale constitue une avancée déterminante pour la consolidation de notre souveraineté numérique. Ce texte, attendu de longue date, fixe un cadre juridique clair, structuré et sécurisé pour la gestion des données sensibles relevant de l'état ou d'organismes stratégiques. Ce nouveau dispositif cible, en priorité, les structures qui assurent des fonctions vitales pour le fonctionnement du pays. Cela inclut les ministères, les opérateurs de santé, d'énergie, de transport, les établissements financiers ou encore les infrastructures stratégiques. Ces entités sont désormais tenues de s'appuyer exclusivement sur des prestataires cloud qualifiés pour l'hébergement ou le traitement de leurs systèmes sensibles. Cette exigence poursuit un double objectif, d'une part, cela renforce la résilience de nos infrastructures numériques critiques, d'autre part, cela garantit que les données stratégiques du Royaume soient traitées sur notre sol, dans le respect de notre législation. Cela implique une obligation de localisation des données et des plateformes techniques, sans externalisation vers des juridictions étrangères, afin d'assurer une pleine visibilité, une maîtrise complète et une sécurité renforcée.
Le texte est entré en vigueur dès sa publication, et nous travaillons activement à sa traduction opérationnelle. Avec nos partenaires institutionnels, nous structurons, actuellement, le processus de qualification des prestataires et définissons les critères d'évaluation. Notre ambition est que les premières labellisations soient effectives d'ici la fin 2025. Cette montée en charge graduelle permettra aux acteurs concernés d'adapter leurs politiques internes et de se conformer aux nouvelles obligations. Le décret établit une distinction claire entre deux niveaux de prestataires : ceux de niveau 1, habilités à gérer et héberger des systèmes sensibles dans leur ensemble, et ceux de niveau 2, limités à la gestion des seules données sensibles. Cette classification permettra une meilleure adéquation entre les besoins des entités d'importance vitale et les capacités réelles des prestataires, réduisant ainsi les risques liés à un choix inapproprié de partenaires technologiques.
Mais au-delà des aspects réglementaires, ce décret est surtout un outil de confiance. Il apporte de la visibilité aux acteurs – publics comme privés – en leur indiquant à qui s'adresser et sous quelles conditions, quand il s'agit de recourir au cloud. Il instaure également une distinction claire entre les prestataires de niveau 1, qui peuvent héberger et gérer des systèmes sensibles, et ceux de niveau 2, qui se limitent à la gestion de données sensibles. Cette classification permet de mieux calibrer les projets et d'éviter les risques liés à un choix technique ou contractuel inadapté. Le texte prévoit aussi que le traitement des données sensibles se fasse exclusivement sur le territoire marocain. Cela signifie que toutes les plateformes techniques – les serveurs, les outils de gestion, les interfaces d'administration – devront être localisées ici. Pas de traitement à distance, pas d'externalisation dans des juridictions où nous n'avons ni contrôle ni visibilité.
Autre point tout aussi fondamental est celui de l'accompagnement des acteurs publics. Il ne s'agit pas simplement d'imposer un cadre puis d'attendre qu'il s'applique. Nous savons que tous les organismes ne partent pas du même point, ni en termes de maturité numérique, ni de ressources humaines ou techniques. C'est pourquoi notre ministère prévoit un programme de sensibilisation spécifique, destiné aux directeurs et responsables SI des administrations.
La réforme de l'administration publique est une promesse récurrente. Quels sont les résultats tangibles observés depuis la dématérialisation de plusieurs services, et comment assurez-vous leur qualité, leur accessibilité et leur sécurité pour les citoyens ?
L'ambition du ministère de la Transition Numérique et de la Réforme de l'Administration est de combler ces écarts en accompagnant chaque administration, selon ses priorités, dans le processus de transformation. À titre d'exemple, à la fin 2024, le service macnss.ma offrant un accès simplifié aux prestations sociales avec une interface interactive, comptait déjà 6,5 millions d'assurés inscrits et traitant près de 11 millions d'opérations mensuelles. L'intégration d'une assistance vocale y garantit une accessibilité optimale, notamment pour les personnes âgées ou analphabètes.
Dans le domaine des aides sociales, le Registre Social Unifié (RSU) a été développé afin de faciliter le traitement de plus de 17 millions de citoyens qui se sont inscrits dans les programmes d'appui social en étant accompagnés par les bureaux de proximité installés dans les communes. Chaque ménage inscrit au RSU se voit attribuer un indice socio-économique qui prend en compte plusieurs critères du ménage. Pour réunir tous les paramètres nécessaires, l'échange numérique d'informations entre les administrations a joué un rôle très important pour simplifier ce parcours.
Dans le secteur de l'éducation nationale, plus de 8,5 millions d'élèves inscrits poursuivent leurs études sur le système Massar et bénéficient désormais de la demande à distance des bulletins de notes, des attestations et des pré-inscriptions en ligne évitant ainsi les longues files d'attente dans les établissements scolaires.
Enfin, au niveau de la justice, le portail « Mahakim » a enregistré près de 23 millions de visites en 2023 et plus de 15 millions au cours des 8 premiers mois de 2024. Grâce à la multitude de services qu'il propose, les usagers ont accès à la demande électronique du certificat du registre de commerce, la demande en ligne du casier judiciaire, le dépôt en ligne des états de synthèse pour les professionnels et la demande en ligne de l'attestation de Nationalité Marocaine.
Le Maroc accorde une importance absolue au respect des normes et à la sécurité des données et de la vie privée des citoyens tout en simplifiant l'utilisation des e-services :
* L'Identification numérique du citoyen : une plateforme qui offre le moyen d'identifier et d'authentifier tous les citoyens au moment de leur accès aux services publics et privés, que cela soit en présence physique ou à distance. La mutualisation de cette plateforme offre un avantage important aux administrations pour simplifier et sécuriser l'accès et l'utilisation des e-services. (À fin 2024 : 1,7 millions d'utilisateurs, 40 institutions partenaires, 43 services numériques associés).
* Le Portefeuille électronique du citoyen : nous avançons actuellement sur la mise en place d'une plateforme de porte-documents électronique, outil essentiel qui permettra de simplifier considérablement les interactions entre usager et administration notamment en contribuant à la mise en œuvre de l'interopérabilité inter-administrations puisque cette brique facilite et sécurise l'accès aux informations partagées de l'utilisateur.
La montée en puissance de l'IA soulève d'importants défis juridiques. Le Maroc dispose-t-il aujourd'hui d'un cadre réglementaire suffisamment clair et robuste pour encadrer le développement et l'usage de l'intelligence artificielle, notamment dans les domaines sensibles ?
Le Maroc entend faire de l'IA un moteur de développement, tout en respectant les droits fondamentaux et la protection de la vie privée. Le projet de loi-cadre en préparation établit un cadre de gouvernance solide avec la responsabilité juridique en cas de dérive, la transparence des algorithmes, les audits techniques obligatoires, et l'alignement avec les normes internationales (OCDE, UNESCO, UE). Et comme mentionné précédemment, une direction dédiée à l'IA et aux technologies émergentes a d'ores et déjà été créée au sein du MTNRA. Elle sera chargée de piloter les politiques publiques liées aux données, à l'IA et à l'innovation.
Quels sont aujourd'hui les freins majeurs qui ralentissent l'essor de l'écosystème numérique au Maroc, qu'ils soient institutionnels, humains, techniques ou culturels ? Et comment comptez-vous les lever dans les cinq prochaines années ?
Certes, il y a encore des freins, mais ce qui importe, ce n'est pas qu'ils existent, c'est que nous ayons aujourd'hui la volonté politique et la vision stratégique pour les lever.
Le premier frein est institutionnel. Nos structures ont parfois été conçues pour un monde d'hier, pas pour la vitesse et l'agilité qu'impose l'ère numérique. Ce que nous faisons aujourd'hui, c'est repenser en profondeur la gouvernance publique. En centralisant les efforts, en clarifiant les responsabilités, en exigeant des résultats.
Le deuxième défi est humain. Oui, nous avons une jeunesse talentueuse, brillante. Mais nous devons lui donner les moyens de se former, d'innover, de créer. Cela passe par la généralisation des compétences numériques dans le système éducatif, par des filières d'excellence, par des ponts solides entre l'école et l'entreprise.
Le troisième frein est relatif à l'infrastructure. Le Maroc ne peut pas dépendre d'infrastructures étrangères pour stocker ses données ou faire tourner ses services numériques critiques. C'est pourquoi nous avons engagé une politique volontariste, à savoir renforcer la connectivité, construire des data centers souverains, et accompagner les territoires dans leur transformation numérique. Le développement doit être équitable, inclusif, durable.
Il y a également ce qu'on appelle les freins invisibles, comme les habitudes, les réticences, la peur du changement. C'est là que le rôle de l'Etat est déterminant. Il faut montrer la voie, porter une parole de confiance dans le progrès, accompagner les citoyens et les administrations, valoriser les réussites locales.
Dans les cinq prochaines années, nous poursuivrons cette transformation avec clarté et détermination. Avec des lois adaptées, des talents mieux formés, des infrastructures solides et une gouvernance unifiée.
De nombreuses startups et talents marocains s'illustrent à l'international, mais peinent à se développer localement. Le Maroc est-il un pays « exportateur de compétences numériques », mais pas encore un véritable hub technologique domestique ?
Le Maroc est en train de devenir, résolument, un véritable hub technologique. Oui, nos jeunes talents s'illustrent brillamment à l'international. Oui, des startups marocaines réussissent à se faire une place sur des marchés compétitifs. Mais cela ne signifie pas que nous restons passifs face aux obstacles qu'elles rencontrent localement. Bien au contraire. Le pays agit. D'abord, en investissant massivement dans la formation. Plusieurs filières académiques et professionnelles dans le digital ont été lancées ou renforcées. Nous formons des codeurs, des analystes de données, des experts en cybersécurité, des architectes cloud. Ce sont les métiers de demain, et nous préparons nos jeunes à les exercer ici, au Maroc.
Ensuite, en construisant un écosystème favorable aux startups. Cela passe par des programmes d'accompagnement, des accès au financement, mais aussi par un engagement fort de l'Etat pour créer un environnement réglementaire, fiscal et technologique qui soutienne l'innovation. Le programme national « Offre Startup Maroc » en est l'un des piliers. C'est un continuum de soutien, de l'idéation à la levée de fonds. L'objectif est d'avoir au moins deux startups marocaines dans le « club des licornes » d'ici 2030. Des initiatives concrètes sont mises en œuvre pour y parvenir, notamment à travers des partenariats avec des acteurs internationaux, la création de zones d'innovation, comme les technoparks, ou les futurs centres d'excellence numériques dans les régions, comme les instituts Jazari.
Peut-on imaginer à moyen terme une stratégie nationale « IA Made in Morocco », articulée autour d'une production locale de solutions d'IA appliquées à des problématiques marocaines (agriculture, eau, logistique, éducation…) ?
Je dirai même qu'il le faut. Justement, à l'issue des Assises nationales de l'intelligence artificielle que nous avons récemment organisées, plusieurs recommandations structurantes ont été formulées. Elles couvrent des domaines prioritaires pour le pays : l'agriculture de précision, la gestion intelligente des ressources en eau, l'optimisation logistique, la santé publique, ou encore l'adaptation du système éducatif à l'ère numérique.
Ces recommandations serviront de socle à une feuille de route nationale pour une IA responsable, éthique et digne de confiance. L'ambition est claire de faire émerger des solutions d'IA conçues localement, qui répondent aux spécificités marocaines, tout en respectant les standards internationaux en matière de gouvernance et de souveraineté numérique.
Nous ne voulons pas dépendre uniquement de technologies importées. Nous avons les compétences, les talents, et l'élan collectif pour développer une IA Made in Morocco, portée par nos chercheurs, nos startups et nos institutions. Une IA au service du développement, de la justice sociale et de l'efficience publique.
Enfin, à l'heure où les grandes transitions (verte, énergétique, industrielle) s'accélèrent, comment la transition numérique peut-elle jouer un rôle de catalyseur transversal pour renforcer la résilience du modèle marocain de développement ?
Qu'il s'agisse de la transition verte, de la réforme industrielle ou de la transformation du système énergétique, le numérique agit comme un catalyseur transversal, capable d'accélérer les dynamiques en cours et d'en garantir la cohérence.
Les données massives permettent une gestion plus fine des ressources en eau. L'intelligence artificielle optimise les chaînes logistiques et anticipe les risques climatiques. La dématérialisation réduit l'empreinte carbone des services publics. L'internet des objets transforme l'agriculture et la gestion énergétique.
Notre responsabilité est de garantir que ces outils numériques soient déployés de manière éthique, inclusive, et alignée avec les priorités du Nouveau Modèle de Développement.
Le Maroc a enclenché une dynamique ambitieuse de renforcement de sa souveraineté numérique, avec à la clé la construction d'un data center souverain hyperscale à Dakhla. Ce dernier affichera une capacité de 500 mégawatts et sera alimenté exclusivement par des énergies renouvelables locales (hydrogène vert, solaire, éolien). Ce projet résulte d'un partenariat stratégique entre le ministère de la Transition numérique et la réforme de l'administration et celui de la Transition énergétique et du développement durable, officialisé lors de la première édition des Assises nationales de l'IA.
Madame la Ministre, une stratégie nationale du numérique et de l'intelligence artificielle ne peut réussir que si elle devient un véritable levier transversal, porté par l'ensemble des ministères et intégré dans chaque politique sectorielle. Or, cette appropriation interinstitutionnelle reste souvent inégale. Quelles sont, selon vous, les conditions nécessaires pour créer une dynamique collective au sein de l'appareil d'Etat, et comment assurez-vous que chaque département fasse du numérique un levier stratégique, et non un simple outil d'exécution ?
Il est vrai que toutes les administrations et tous les départements ne présentent pas le même niveau de maturité en matière de digitalisation. Cela s'explique par plusieurs facteurs : l'hétérogénéité des ressources humaines, les moyens techniques disponibles, ou encore les priorités propres à chaque secteur.
Néanmoins, il ne faut pas perdre de vue un élément fondamental, la stratégie nationale du numérique n'a pas été pensée en silos. Elle est le fruit d'un travail collectif, associant l'ensemble des ministères, des institutions publiques, et de nombreux acteurs de l'écosystème national. Ce processus a permis de construire une vision partagée, fondée sur les besoins concrets du terrain et sur une volonté commune de transformation. Notre rôle aujourd'hui est d'accompagner cette dynamique, de renforcer les synergies interinstitutionnelles et de créer les conditions d'une montée en puissance progressive, mais harmonisée. C'est dans cette logique que nous déployons des feuilles de route sectorielles, que nous mettons en place des mécanismes de coordination, et que nous investissons dans la formation et l'appui aux équipes techniques.


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