Le recul du mariage au Maroc révèle une mutation sociétale profonde. Entre pressions économiques, aspirations individuelles renouvelées et réformes juridiques, les jeunes redéfinissent leur rapport à la vie conjugale. Ce phénomène, appuyé par des chiffres en baisse continue, remet en cause le modèle familial traditionnel et ouvre la voie à de nouveaux modes de vie et de relations. Depuis plusieurs années, le Maroc enregistre une baisse continue du nombre de mariages, symptôme d'une transformation profonde de la société. Ce phénomène, alimenté par une combinaison de facteurs économiques, culturels et institutionnels, remet en question les fondements du modèle familial traditionnel. Au-delà d'un simple indicateur chiffré, il traduit une redéfinition des priorités des jeunes générations, marquées par l'aspiration à l'autonomie, la poursuite d'un projet personnel et la reconfiguration des normes sociales. Les données du Haut-Commissariat au Plan (HCP) illustrent nettement cette évolution : de 275 000 mariages en 2019, le chiffre a chuté à 194 480 en 2020, avant de remonter à 269 978 en 2021, puis de retomber à 251 800 en 2022. Le taux de célibat définitif est passé de 5,9 % en 2014 à 9,4 % en 2024, avec des pics chez les femmes (11,1 %) et en milieu urbain (10,3 %). Cette tendance s'accompagne d'une montée continue du taux de divorce, atteignant 50 % en 2021. Lire aussi : Célébrations des mariages : Les villas se substituent aux salles de fête « Aujourd'hui, se marier est devenu une pression économique lourde », confie Youssef, 31 ans, cadre bancaire. Malgré une situation professionnelle stable, il se heurte à une réalité économique pesante. « Entre la dot, le logement, les frais de cérémonie... c'est au-delà de mes moyens ». Il ajoute : « Les attentes des filles ont aussi changé. Elles veulent plus de garanties, plus de confort, ce qui accentue davantage la pression ». Un constat désormais partagé par toute une génération. Au-delà de l'économie, un bouleversement des valeurs s'opère. L'élévation du niveau d'instruction, notamment chez les femmes, repousse l'âge du mariage. L'individualisme, la valorisation du développement personnel, l'envie de bâtir une carrière ou d'acquérir un logement priment de plus en plus sur le modèle familial classique. En zones urbaines, de nouveaux modes de vie s'imposent : cohabitation, célibat assumé, unions libres, familles monoparentales... Cependant, le mariage perd progressivement son statut de norme absolue. Ce tournant s'explique en grande partie par l'évolution du cadre institutionnel, juridique et sociétal. La réforme du Code de la famille en 2004, véritable avancée dans l'histoire des droits des femmes au Maroc, a instauré des mécanismes de protection plus efficaces, tout en facilitant les procédures de divorce. Selon plusieurs experts, ces transformations ont contribué à redéfinir les fondements du mariage sur des bases plus égalitaires. Par ailleurs, les dernières données du ministère de la Justice révèlent que près de 86 % des demandes de mariage de mineures sont désormais rejetées, traduisant un net recul des unions précoces et un changement profond dans les mentalités. Aujourd'hui, la transition démographique se manifeste par une baisse du taux de fécondité, tombé à 1,97 enfant par femme en 2024, sous le seuil de renouvellement des générations (2,1). Cette évolution reflète des choix influencés par l'éducation, la contraception, l'âge au mariage et des contraintes économiques. Cette dynamique entraîne une transformation des structures familiales, avec un recul des familles élargies et une augmentation des familles nucléaires et monoparentales.