Le rapport 2024 sur la stabilité financière met en lumière l'aggravation des déséquilibres du système de retraite marocain. Les déficits structurels s'accentuent, tandis que l'épuisement des réserves de certains régimes, dont la CNSS, est anticipé à l'horizon 2027. Malgré l'annonce d'une réforme systémique, les mesures concrètes tardent à se concrétiser, faisant peser un risque croissant sur les finances publiques et les générations à venir. Le système de retraite marocain traverse une zone de turbulences critiques, comme le révèle le rapport 2024 sur la stabilité financière, élaboré conjointement par Bank Al-Maghrib, l'ACAPS et l'AMMC. Le document met en lumière les failles persistantes d'un modèle à bout de souffle. Malgré une amélioration ponctuelle, portée par les revalorisations salariales obtenues lors du dialogue social d'avril 2024, les déséquilibres profonds continuent de s'aggraver, menaçant à court terme la viabilité des principaux régimes. Les projections financières des principaux régimes de base sont particulièrement préoccupantes. Bien que la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS), qui couvre la majorité des salariés du privé, affiche encore un solde positif, le rapport qualifie ce répit d'« illusoire ». Cet équilibre précaire est menacé par une sous-tarification des droits et des conditions d'accès à la pension jugées trop souples. Sans une réforme paramétrique rapide, les réserves de la CNSS pourraient être totalement épuisées dès 2027. La situation n'est guère meilleure pour le Régime des Pensions Civiles (RPC), géré par la Caisse Marocaine des Retraites (CMR), dont les réserves devraient s'épuiser d'ici 2036. Lire aussi : Retraites : Le gouvernement relance un dossier à haut risque L'ampleur du défi est colossale. À l'horizon 2050, les déficits cumulés des deux principaux régimes pourraient dépasser les 200 milliards de dirhams, soit l'équivalent de 3,3 % du produit intérieur brut (PIB) actuel, un chiffre qui représente un « gouffre budgétaire qui pourrait mettre en péril les finances publiques du Royaume ». Cette crise latente s'explique par des paramètres devenus obsolètes face aux réalités démographiques : vieillissement accéléré de la population, âge de départ à la retraite non ajusté, des taux de remplacement généreux, notamment dans le secteur public. Le problème est aggravé par une couverture très lacunaire. Sur les 13 millions d'actifs que compte le Maroc, près de 11 millions ne sont affiliés à aucun régime de retraite, ce qui représente un taux de couverture global de 16 % seulement. Une grande partie de la population active se dirige ainsi vers une vieillesse sans protection sociale. Face à l'urgence, une réforme systémique a été annoncée, visant à créer deux grands pôles, un public et un privé. Si cette orientation a été validée lors du dialogue social d'avril 2024, sa concrétisation se fait attendre. Le rapport des autorités financières insiste : « La viabilité à long terme des régimes de retraite n'a connu aucune amélioration significative ». Le message est clair : chaque année de retard alourdit le coût de la réforme, tant pour les actifs que pour les finances publiques. Le statu quo n'est plus une option tenable.