Dans le calendrier politique du Royaume, le mois d'août porte en lui une charge historique particulière. Il entrelace mémoire et souveraineté, fidélité dynastique et projection nationale. Deux dates y trônent côte à côte, comme deux colonnes du même édifice : le 20 août, anniversaire de la Révolution du Roi et du Peuple, et le 21 août, fête de la Jeunesse et commémoration de l'accession au Trône de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Le 20 août 1953, le Maroc bascule. Ce matin-là, une nouvelle se répand comme une onde de choc, le Sultan Mohammed V est déposé par les autorités coloniales françaises. Le geste est brutal, mais son impact va bien au-delà de la répression, il révèle, renforce et cristallise l'unité entre le Trône et le peuple. À travers l'exil du Roi, le pays découvre sa force collective. Dès lors, la Révolution du Roi et du Peuple ne sera pas un simple sursaut patriotique, mais une épopée historique. Deux ans de résistance, de sacrifices, de luttes et de fidélité aboutiront au retour triomphal du Souverain et à l'indépendance du Royaume. Cette révolution silencieuse, commencée en 1953 et consacrée par le retour d'exil du Roi en 1955, structure encore aujourd'hui le pacte marocain. Elle pose l'idée, devenue doctrine que la Monarchie ne tient pas par décret, mais par adhésion. Elle n'est pas hors du peuple, mais en son cœur même. L'exil : fracture politique, cohésion nationale Depuis l'instauration du protectorat français en 1912 par le traité de Fès, la souveraineté marocaine est mise entre parenthèses. Tandis que les institutions coloniales s'enracinent, une prise de conscience nationale émerge. Intellectuels, oulémas, jeunes militants … une mosaïque de voix réclame la fin de l'ingérence étrangère. Au centre de cette dynamique, un leader rassembleur, Feu le Roi Mohammed V. Refusant de céder aux exigences françaises, le Roi devient la cible d'une tentative de neutralisation politique. Il incarne, à lui seul, la dignité d'une nation et la légitimité d'une lutte. Le 20 août 1953, il est exilé avec sa famille, d'abord en Corse, puis à Madagascar. Loin de briser l'unité nationale, cet exil en devient le catalyseur. Le Maroc tout entier se soulève. Manifestations, grèves, actes de sabotage, solidarité interclassiste … la fidélité au Roi devient un acte de résistance. Pendant deux années, le pays tient tête. Partout dans le Royaume, les Marocains refusent de reconnaître le sultan fantoche imposé par la France. Une nouvelle étape s'ouvre, celle de la Révolution du Roi et du Peuple. Ce n'est plus seulement une opposition au protectorat, mais une alliance organique entre le peuple et son Souverain. Dans cet élan, les classes sociales s'effacent. Le nationaliste urbain rejoint le paysan révolté, l'étudiant croise le chemin de l'artisan insurgé. Ce n'est plus une lutte politique mais un soulèvement de conscience. La Révolution du Roi et du Peuple est alors un projet collectif, animé par l'idée d'un Maroc libre, fidèle à ses valeurs, debout dans sa dignité. Lire aussi : 20 août 1953 : Il y a 72 ans le complot contre Mohammed V poussé à l'exil 1955 : Le retour du Roi, le retour de la souveraineté Devant la montée irrésistible de la résistance et la pression internationale, la France capitule. Le 16 novembre 1955, le Sultan Mohammed V retrouve son pays. Il ne revient pas en conquérant, mais en libérateur et bâtisseur. Son discours à Rabat est un appel à la réconciliation, à la reconstruction, à la souveraineté retrouvée. Le 2 mars 1956, l'indépendance du Maroc est proclamée. Ce moment marque une communion nationale, où chaque citoyen, à sa manière, a contribué à libérer le pays. C'est la victoire d'un pacte entre un peuple et son Roi, devenu l'axe fondateur de la monarchie constitutionnelle marocaine. Ce lien sacré tissé dans l'épreuve structure toujours la vie politique marocaine. Le 20 août n'est pas seulement une date dans le calendrier, c'est un repère, un socle, une promesse. Aujourd'hui encore, cette date reste gravée dans la mémoire nationale. Silence, symbole et souveraineté Or une décision Royale singulière, sobrement annoncée, en juin 2023, par un communiqué du Cabinet Royal, est venue rompre une tradition bien établie. Le Roi n'adressera plus de discours à la Nation le 20 août. « Il a été décidé la poursuite de la célébration de l'anniversaire de la Révolution du 20 août, sans qu'un Discours Royal ne soit adressé à la Nation à cette occasion. » Mais loin d'affaiblir la portée de l'événement, cette décision renforce le caractère symbolique de la date. Il marque sans doute la transition vers une autre temporalité du Royaume, une manière de laisser le fait commémoratif se suffire à lui-même, sans l'éloquence attendue. « Sa Majesté le Roi, en Sa qualité d'Amir Al-Mouminine et Souverain du pays, Se réserve la décision de s'adresser à Son peuple fidèle en tout temps et en toute occasion... » La commémoration demeure donc un événement national incontournable, célébré par des activités académiques, culturelles, sportives, et symboliques dans tout le Royaume. « La poursuite de la commémoration de ce cher anniversaire en tant que fête nationale demeurera un phare rayonnant dans l'Histoire du Maroc, avec tout ce que sa symbolique requiert... » Rappelons que depuis son accession au Trône, le Souverain s'adresse à son peuple à quatre dates clés : le Trône (30 juillet), la Révolution du Roi et du Peuple (20 août), l'ouverture du Parlement (en octobre), et l'anniversaire de la Marche Verte (6 novembre). Cette architecture oratoire n'est pas une simple routine, elle incarne une relation directe, ritualisée, structurante entre le Roi et la Nation. 20 août : Continuité du Trône, constance d'une Vision Le lendemain, 21 août, vient rappeler un autre jalon, celui de l'accession du Roi Mohammed VI au Trône, en 1999. Une date qui célèbre la jeunesse, mais surtout une transition apaisée, légitime, inscrite dans la pérennité. Cette date prolonge celle de la Révolution, elle représente la continuité dynastique dans un esprit de réforme et de modernité. En vingt-six ans de règne, Sa Majesté Mohammed VI a incarné un style Royal inédit, marqué par la proximité, la constance et la réforme dans la durée. Le 21 août symbolise ce pouvoir d'équilibre, entre tradition et modernité, entre enracinement monarchique et adaptation aux urgences du monde contemporain. Le contraste donc entre le silence du 20 août et la force tranquille du 21 n'est pas accidentel. Il dit quelque chose de plus profond : le Royaume est stable, sûr de sa trajectoire, capable de suspendre l'exercice oratoire sans altérer la substance du lien. D'ailleurs, dans un monde complexe, où les défis sont multiples – climatiques, géopolitiques, sociaux – le choix du silence n'est pas un désengagement, mais un exercice de souveraineté maîtrisée. Le peuple marocain n'attend pas un discours pour croire en son histoire. Il en porte la mémoire et en vit les valeurs. Le 20 août rappelle ainsi que la monarchie marocaine est un chantier de cohésion, pas un monument figé. Dans ce sens, il enseigne trois choses : La stabilité se cultive, elle ne se décrète pas. La légitimité se mérite chaque jour. La fidélité populaire est la plus grande force du Trône. C'est dire que la mémoire de la Révolution du Roi et du Peuple ne s'efface pas, elle se vit, elle se pense, elle s'honore. Quant au 21 août, il reste un rendez-vous entre le Trône et la Nation, non dans le faste, mais dans la conscience collective que le Maroc avance, change, résiste, progresse. Il réaffirme cette souveraineté calme et solide, qui ne s'impose pas par la parole répétée, mais par la cohérence d'un règne. En cela, le Roi Mohammed VI reste fidèle à sa ligne : garder le cap, parler quand c'est juste, agir toujours.