Alors que les cliniques privées se multiplient à proximité des hôpitaux publics, le ministre de la Santé et de la Protection sociale, M. Amine Tahraoui, tire la sonnette d'alarme sur les dérives d'un système à deux vitesses. Ce déséquilibre structurel, amplifié par la logique de rentabilité, menace la formation des praticiens et fragilise la qualité du service public. L'instauration d'une nouvelle carte sanitaire apparaît ainsi comme un levier essentiel pour rétablir l'équité dans l'accès aux soins. Les disparités territoriales dans l'accès aux soins se sont imposées comme l'un des sujets les plus sensibles de la dernière séance parlementaire du 1er octobre consacrée à la politique sanitaire. Les élus ont interpellé le ministre de la Santé, M. Amine Tahraoui, sur la capacité du gouvernement à garantir un accès équitable aux soins dans un contexte marqué par l'urbanisation rapide, la pression démographique et les attentes croissantes des jeunes générations. En réponse, le ministre a livré un diagnostic lucide sur la réalité du système de santé marocain. Il a reconnu que la majorité des investissements privés continuent de se concentrer dans les grandes métropoles, où existent déjà des infrastructures hospitalières importantes. Cette logique de rentabilité immédiate, a-t-il expliqué, aggrave la fracture sanitaire entre territoires, au détriment des régions enclavées encore sous-dotées en équipements médicaux. Lire aussi : Santé : le ministère annonce l'intégration automatique des diplômés infirmiers Amine Tahraoui a particulièrement insisté sur un phénomène préoccupant : la proximité directe entre certaines cliniques privées et les hôpitaux publics, notamment autour des grands centres hospitaliers universitaires (CHU). Cette pratique, selon lui, crée une concurrence frontale et déséquilibrée entre les deux secteurs. Les établissements publics, censés assurer une mission de service et de formation, se trouvent ainsi affaiblis face à des structures privées plus flexibles et orientées vers la rentabilité. Ce déséquilibre, a-t-il précisé, provoque une fuite progressive des patients et du personnel médical vers le privé, privant le secteur public de ses compétences les plus qualifiées. En conséquence, la mission de service public s'en trouve fragilisée, tout comme la formation universitaire des futurs praticiens, qui repose sur des équipes hospitalo-universitaires désormais en sous-effectif. Pour répondre à cette situation, le ministre a annoncé la mise en place d'une nouvelle carte sanitaire nationale, conçue comme un outil d'aménagement et de planification territoriale. Cette carte permettra de recenser les infrastructures existantes, d'identifier les zones médicalement déficitaires et d'orienter les futurs investissements publics et privés selon les besoins réels du territoire. Les incitations fiscales et aides publiques destinées aux investisseurs devraient, à terme, être conditionnées à des critères territoriaux précis, afin d'encourager l'implantation d'établissements de santé dans les zones à faible couverture médicale. Ce dispositif vise à restaurer une logique d'équité et à favoriser un développement plus équilibré du système de santé national. Cette réforme, a rappelé le ministre, dépasse la simple question technique de répartition des infrastructures : elle traduit une volonté politique forte de restaurer la mission sociale de l'Etat et de répondre aux aspirations d'une nouvelle génération de citoyens exigeant transparence, justice et équité territoriale.