Face à la multiplication des scandales liés à la qualité de l'huile d'olive, de nombreux Marocains ont décidé de reprendre le contrôle de leur consommation en se tournant vers « l'extraction artisanale », une pratique qui connaît cette année un essor spectaculaire. L'achat des olives puis leur trituration directe en moulin constitue désormais, pour une partie croissante des consommateurs, la garantie la plus fiable d'obtenir une huile authentique. Selon plusieurs professionnels du secteur, cette tendance traduit avant tout une crise de confiance envers les unités de trituration commerciales, fragilisées par les révélations répétées sur des pratiques de fraude touchant le marché national. Miloud Erremah, producteur d'huile d'olive à Chichaoua, constate une évolution nette des comportements. « Beaucoup de familles, qui jusque-là achetaient directement des bidons d'huile en vrac, préfèrent désormais suivre l'ensemble du processus d'extraction. Elles veulent être sûres de la qualité du produit qu'elles consomment », explique-t-il. Pour ce professionnel, ces choix sont avant tout une réaction naturelle aux soupçons de fraude qui ont éclaté ces dernières années. Mais ils ont aussi un effet collatéral positif : les moulins locaux voient leur activité renforcée, sans crainte d'être associés à un produit dont elles ne maîtrisent pas la traçabilité. Le marché national s'annonce d'ailleurs sous de bons auspices cette saison. Selon les opérateurs, la récolte d'olives est particulièrement abondante, ce qui devrait entraîner une baisse marquée des prix dans les semaines à venir. Le kilogramme d'olives pourrait tomber sous la barre des 10 dirhams dès février, alors que les prix de l'huile restent pour l'instant jugés « raisonnables » par la profession. Du côté des organisations de protection du consommateur, le diagnostic est sans appel. Pour Abdelkrim Chafii, vice-président de la Fédération marocaine de protection du consommateur, la fraude dans l'huile d'olive n'est plus un secret pour personne. Il décrit notamment deux pratiques régulièrement constatées : le mélange de l'huile de la saison précédente avec la nouvelle, afin d'écouler l'ancien stock à prix attractif, ou encore la réutilisation de la pâte d'olives déjà pressée, mélangée à des huiles de moindre qualité, avant de la passer une deuxième fois en moulin. Ces procédés, souligne-t-il, permettent d'obtenir une huile qui a la couleur et la texture attendues, mais certainement pas la qualité d'un produit vierge ou extra-vierge. Pour cette raison, la fédération encourage les citoyens à opter pour l'achat d'olives et l'accompagnement de l'opération d'extraction, une démarche jugée simple, transparente et efficace pour éliminer toute possibilité de fraude. « Quand le consommateur assiste lui-même au processus, il sait ce qu'il met dans son bidon et ce qu'il ramène chez lui », résume Chafii.